3. AL-ONDALOUZE : Arche de Rê, maître de l'Empathie

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La Montagne

Maximilien fut pris d'une violente quinte de toux. Son seau et sa serpillère s'écartèrent pour ne pas être atteints par ses postillons. Une fois mouché, il saisit le balai sans s'être lavé les mains, le faisant frémir d'indignation. Max leva les yeux au ciel devant cette maniaquerie insupportable. Déformation professionnelle, quand tu nous tiens...

Il se remit à nettoyer le pont du navire. En dépit de ses cinq couches de vêtements, Max grelotait comme une glacière. Il ne voyait qu'à moitié ce qu'il faisait, à cause des rafales de vents polaire qui lui cinglaient le visage. Les yeux mi-clos, il faisait tout son possible pour ne pas larmoyer, de peur que ses larmes ne gèlent sur ses joues. L'oncle Augustus mettait un point d'honneur à lui faire nettoyer le pont, manuellement, tous les trois jours, quelque soit la météo, prétendument pour « l'endurcir un peu ». On sentait bien que ce n'était pas lui qui se gelait les miches dehors depuis des semaines ! Même ses vêtements craignaient ces séances de torture : il lui fallait maintenant un temps fou pour dénicher le coin où ses chaussures et ses pulls se terraient pour tenter d'échapper à la corvée. Max éternua bruyamment. Le froid mordait impitoyablement ses doigts, ses oreilles, le bout de son nez...

Maximilien arriva enfin au bout de sa corvée. Il se hâta de se réfugier à l'intérieur, plus mort que vif. Il s'ébroua vigoureusement avant d'étendre ses vêtements trempés par la neige. Installé sur la grande table de la pièce à vivre, l'oncle Augustus était occupé à lire une grande carte aérienne. Il lui désigna un bol de soupe encore fumant, sans lever les yeux de ses compas. Max se précipita dessus sans même le remercier. Le potage brûla ses lèvres gercées par le vent, apaisa sa gorge entourée de papier de verre, jusqu'à se loger dans ses entrailles, le réchauffant de l'intérieur. Il croisa le regard limpide de son grand-oncle en relevant la tête de son encas.

— Nous approchons d'Al-Ondalouse. Nous atterrirons d'ici une poignée d'heures si mes calculs sont exacts.

Max se retint de sauter de joie. Ce dernier mois de voyage lui avait semblé particulièrement long, et il bouillonnait d'impatience de poser pied à terre... Max se demandait sincèrement comment l'oncle Augustus avait pu supporter ses voyages en solitaire durant toutes ses années.

Les calculs de l'explorateur furent bel et bien exacts, puisqu'apparut rapidement à l'horizon une arche glacée. Quel contraste saisissant avec la forêt luxuriante de Flore ! Cette arche-ci était recouverte de montagnes enneigées. A travers la fenêtre, Max observa l'explorateur diriger les voiles en agitant les mains tel un chef d'orchestre en pleine représentation. En attendant de pouvoir diriger le Noétilus, il lui restait toujours ses crayons animés. Il reproduisit les plus impressionnants de ses mouvements sur un tout nouveau carnet, qu'il étiqueta « Al-Ondalouse n°1 » .

Au fur et à mesure que le navire perdait en altitude, Max parvint à distinguer un village construit sur un flanc de montagne. Le Noétilus atterrit à ses pieds, dans une dépression relativement protégée des rafales de neige. L'oncle Augustus fit irruption à l'intérieur, titubant presque sous l'effet du froid. Maximilien oublia immédiatement sa rancune et se dépêcha de lui fournir une couverture.

— J'avais presque oublié la rudesse du climat dalousien. Toutes ces bêtises ne sont plus de mon âge, pesta-t-il en s'emmitouflant.

— Que faisons-nous, maintenant ? l'interrogea Max.

Ils n'iront pas bien loin au milieu de cette tempête...

— On viendra nous voir sur place, une fois que la météo se sera calmée.

Augustus hésita un instant supplémentaire, avant d'ajouter :

— Nous allons certainement être invités à passer la nuit au sein d'une communauté. Le mode de vie empathe peut... surprendre ceux qui n'y sont pas sensibilisés. Je compte sur toi pour bien te tenir sur place.

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant