4-3 : ZEPHYR

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Le Ghetto

Les lèvres d'Hildegarde se retroussèrent en une moue satisfaite qui lui pinça le cœur. Elle fit un pas de côté, révélant un tas de vêtements.

— Alors enfiles-moi ça. Mieux vaut faire profil bas.

Maintenant qu'il avait accepté de la suivre, il ne pouvait plus faire machine en arrière. Maximilien ramassa un pantalon de mauvaise facture et une cape usée jusqu'à la corde. Bien loin des teintures vives portées par les zéphyrs, ceux-ci étaient d'un gris délavé, abimé. Il passa instinctivement la main sur un accroc du tissu, qui se referma sous l'effet de son animisme. Il jeta ensuite un œil par-dessus son épaule : Hildegarde l'observait examiner ses vêtements, de nouveau appuyée contre son tonneau. Max toussa avec embarras.

— Un peu d'intimité serait la bienvenue.

La jeune femme lui tourna le dos sans dissimuler son sourire amusé. Max se débarrassa de sa tenue de soirée pour enfiler les guenilles. Une fois fin prêt, Hildegarde lui rabattit une capuche sur ses cheveux aux reflets roux.

— Allons-y.

Hildegarde claqua des doigts. L'estomac de Maximilien se retourna brusquement, comme s'il avait le mal de mer. Il dut s'agripper à un objet, chancelant. La jeune femme lui tapota gentiment l'épaule.

— Cela fait parfois cet effet la première fois. Tu vas mieux ?

Maximilien hocha la tête, sa nausée disparaissant déjà. Il n'avait pas bougé d'un pouce... Qu'avait-il bien pu arriver ? Rassurée par son état, Hildegarde ouvrit la porte du cagibi. Max se statufia. Ils ne se trouvaient plus dans les vestiaires du château, mais faisaient face à un petit séjour mal éclairé. Une famille, installée à table, était occupée à dîner. Personne ne réagit à leur arrivée. Max parcourut la masure de long en large, incapable de comprendre comment ils avaient bien pu se retrouver ici. Ils n'avaient pas bougé du cagibi. C'était impossible. Imperturbable, Hildegarde lui fit signe de sortir du placard, ce que Max fit en hésitant. Ses pieds rencontrèrent un sol humide, mais bien solide. On entendait une pluie battante frapper contre les fenêtres. L'odeur de la soupe aux légumes embaumait toute la pièce. Tout cela était bel et bien réel ! Hildegarde referma la porte derrière elle avant d'aller à la rencontre de la famille attablée. Alors qu'elle saluait les enfants en leur ébouriffant affectueusement les cheveux, Max réouvrit la porte avec perplexité. Le placard avait disparu, remplacé par une salle à coucher meublée d'un simple lit de fortune. Il cligna des yeux, hébété.

— Soyez de retour avant 2 heures du matin, ordonna le père de famille à Hildegarde. Je suis de service nocturne à l'usine.

— Bien sûr, Pétro. J'ai quelque chose pour vous dédommager, toi et ta famille.

Hildegarde fit jaillir d'une toute petite poche un jambon long comme son bras. Elle le posa lourdement sur la table, sous les regards émerveillés des quatre enfants. La jeune femme sourit sincèrement devant leur gratitude.

— Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps. Bon appétit, et merci infiniment pour votre aide !

Elle attrapa Max par le bras pour le tirer hors de la modeste demeure. Il se laissa faire, réfléchissant à toute vitesse. Quelle était le nom de cette arche légendaire, cachée aux yeux de tous, dont les ressortissants pouvaient manipuler l'espace ? Il l'avait sur le bout de la langue...

— Arc-en-Terre. Tu es arcadienne ? demanda-t-il d'un ton estomaqué.

— Jolie déduction, sourit-elle en retour.

Max posa un regard nouveau sur Hildegarde. De mémoire d'animiste, on n'avait jamais rencontré d'arcadien en chair et en os ; c'était à peine si on était certain de leur existence ! Alors que pouvait bien trafiquer l'une de leurs ressortissantes sur Zéphyr ?

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant