8-3 : ARC-EN-TERRE

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Leprocès

Sa deuxième sortie eut lieu à peine quelques jours plus tard, de bon matin. Ce fut cette fois-ci toute la famille qui l'accompagna. Les vêtements étaient sobres et solennels, et les mines sombres. Le jour du procès qui allait décider du destin d'Hildegarde était arrivé.

L'audience avait lieu sur la place publique, à l'ombre d'un gigantesque oranger. Il y avait foule ; le procès était très attendu. Une dizaine de balcons avaient fleuri sur les bâtiments aux alentours pour permettre à ceux qui n'avaient pas pu s'approcher d'observer les faits. Lorsqu'il arriva pour se frayer une place jusqu'au premier rang, on le dévisagea, on le pointa du doigt, on se pressa pour l'apercevoir, lui, le premier étranger qui foulait le sol d'Arc-en-Terre depuis des générations. Des hommes et des femmes en robes noires l'observèrent approcher avec une sévérité non dissimulée, depuis l'estrade où prenait part le procès. Max s'installa sans y prêter attention ; Hildegarde venait d'émerger d'un mur, escortée de deux soldats. Un scribe héla la foule :

— Silence et installez-vous ! Don Janus ne va plus tarder à se montrer.

Comme pour lui donner raison, une silhouette massive se matérialisa brusquement. Maximilien resta bouche bée. Janus ne ressemblait d'apparence ni à un homme, ni à une femme, mais plutôt aux deux à la fois. Dominant ses descendants d'un bon mètre, sa belle robe rouge à pois tranchait avec sa moustache en spirale. Sa longue chevelure sombre avait été laissée libre sous un chapeau à long bords. Max se statufia lorsque ses yeux noirs aux cils interminables s'attardèrent sur lui. Le regard de Janus brillait d'une acuité qu'il n'avait jamais aperçue dans celui des autres esprits de famille. Janus alla paisiblement s'installer dans le siège du maître de cérémonie. Devant la gravité de l'affaire, il jugera lui-même la prévenue.

— Commençons cette audience en rappelant les faits dont l'accusée doit répondre.

Hildegarde se leva de son banc, encore menottée. Loin d'être intimidée par la foule, son regard ne quittait plus celui de son esprit de famille, aussi sombre et volcanique que le sien. Le procureur se racla la gorge avant de prendre la parole d'une voix assez forte pour être entendu par l'ensemble des spectateurs :

— Doña Mercedes Imelda, les chefs d'accusations émis à votre encontre sont les suivants, classés par ordre de gravité : désertion du territoire, forçage et usage irrégulier des Roses des Vents, contacts aggravés avec populations issues d'arches exogènes, et introduction d'un étranger sur le territoire. Au vu de ces accusations, quelle est la peine recourue les anciens ?

— L'enfermement à vie.

Des applaudissements retentirent discrètement dans la foule spectatrice. Une pierre tomba au fond de l'estomac de Maximilien. L'enfermement à vie ? Par sa faute ? Celle qui avait parlé faisait partie du groupe de personne âgées regroupées devant l'estrade. Son expression était grave. Guadalupe devint très pâle. Elle se détendit sensiblement lorsque Remigio pressa sa main dans la sienne. Le porte-parole reprit la parole, s'adressant cette fois-ci à l'accusée.

— Quelle est votre réponse, doña Imelda ?

— Je plaide non-coupable.

Sa voix avait porté loin, claire et flegmatique. Hildegarde ne semblait pas effrayée outre mesure par la lourde peine qui lui pendait au nez. Un bruissement scandalisé remua l'ensemble de la foule. Janus haussa un sourcil, mais resta impénétrable. Les jurés fixèrent la jeune femme d'un œil dépourvu de toute bienveillance.

— Nous nous remettons au jugement de Don Janus pour prendre la meilleure décision. J'appelle le premier témoin à la barre : Maximilien d'Anima.


Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIRWhere stories live. Discover now