3-2 : AL-ONDALOUZE

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Le Dîner

Le traîneau s'immobilisa au terme d'une longue demi-heure de voyage, au pied d'un haut mur de glace. Les empathes installèrent rapidement leur véhicule sur une plateforme recouverte de neige, avant d'attraper une carne de brume. L'ancien souffla à l'intérieur, avec une telle force que les oreilles de Maximilien en sifflèrent comme une bouilloire pleine à rebord. Ce signal assourdissant reçu une réponse similaire, une dizaine de mètres plus haut. Il y eut des grincements métalliques. Puis les lourdes chaînes de métal harnachées de part et d'autre de la plateforme se mirent lentement en mouvement. Max s'agrippa instinctivement au traîneau lorsqu'ils décollèrent du sol. La montée fut de très courte durée, et ils débouchèrent quelques instants plus tard sur le parvis d'une cité bâtie à même le flanc de la montagne.

Ils furent une cinquantaine, tous habillés du même manteau lavande, à s'éloigner du gouvernail qui leur avait permis de les hisser dans les hauteurs. Une dizaine d'empathes restèrent spontanément sur place pour aider à décharger le traîneau. Le doyen du groupe sourit aux deux animistes avec une fierté non dissimulé, embrassant la scène d'un grand geste de la manche :

— Bienvenue dans notre Communauté.

Tout le monde s'immobilisa brutalement, relevant le nez vers un point à l'intérieur de la ville. Comme il était impressionnant de voir toutes ces personnes réagir à un signal qu'il ne pouvait même pas percevoir ! Quelqu'un d'autre les interpella chaleureusement, comme-ci ils ne venaient pas tout juste de se rencontrer.

— Vous arrivez pile à l'heure pour le repas ! Laissez-nous vous guider au réfectoire.

Trois nouvelles personnes se détachèrent du groupe et les invitèrent à leur emboîter le pas. La Communauté vivait dans une ville à l'architecture rustique - pour résister au froid - mais loin d'être dénuée de charme. Maximilien ralentit le pas à plusieurs reprises devant les fresques en camaïeux de violets qui en ornaient les murs. Aucun bâtiment ne semblait avoir été pensé comme une maison individuelle : Tout était large, orné de toits pointus, et laissaient se déverser un flot d'empathes – portant encore et toujours ce même manteau lavande – sûrement eux aussi appelés pour le dîner. Tout le monde, à l'exception des enfants, avait le crâne rasé. Les deux animistes se retrouvèrent ainsi noyés dans cette foule d'individus tous très semblables les uns aux autres. Maximilien se sentait assez mal à l'aise, ainsi cerné. Il comprit mieux l'avertissement de son grand-oncle par rapport au mode de vie particulier de leurs hôtes.

Ils débouchèrent finalement dans une immense salle commune, remplie de volutes de fumée chaudes et alléchantes. Max ne put retenir un râle de soulagement en se retrouvant à nouveau sous une température confortable. Il avait repoussé le froid à la frontière de son esprit, trop occupé à découvrir ce nouvel environnement, mais il ne sentait quasiment plus ses doigts. Tout le monde se débarrassa de son manteau et de ses écharpes dans le vestibule, laissé sans la moindre surveillance. Maximilien les imita après avoir jeté un regard interrogatif à son grand-oncle, qui lui confirma d'une simple œillade que c'était la démarche à suivre. En entrant tout à fait à l'intérieur, Max eut la mauvaise surprise de découvrir que leurs guides leur avaient faussé compagnie. Faute d'une autre idée, ils s'insérèrent dans la queue. De plus en plus mal à l'aise, Max fit tout son possible pour ignorer les regards ouvertement intrigués qu'on leur jeta de droite à gauche. C'était qu'il détonnait, avec ses vêtements animistes et sa chevelure brun-roux...

— Toutes nos excuses, commenta une vieille femme en posant la main sur son bras. Nous ne voulions en aucun cas vous embarrasser. Nous sommes juste si peu habitués aux visiteurs extérieurs...

Parce-qu'en plus, ils pouvaient sentir ses états d'âme ! Augustus lui donna une claque sur l'épaule pour le ramener à lui :

— Prends donc un plateau, fiston. Notre tour est arrivé.

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIRWhere stories live. Discover now