7.3 : HÉLIOPOLIS

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LUMOS

L'attentat avait mis leur programme de visite sur les rotules. Après avoir été raccompagnés à la hâte à leur vaisseau, Max et son grand-oncle avaient été livrés à eux-mêmes pendant quelques heures. Le terroriste avait visé le réseau de canalisation : des milliers de mètres cubes de plasma s'étaient déversés dans le vide qui environnait l'arche de la foudre. Si aucune victime n'était à déplorer en dehors de son auteur, Héliopolis fut plongée dans le noir et le silence pendant une journée complète. Cette pause avait néanmoins été la bienvenue pour le jeune animiste, qui en avait profité pour prendre du recul sur leur situation. N'était-il pas étrange qu'ils aient fait l'objet de tant d'attentions de la part du régime ? Il avait interrogé son grand-oncle sur le sujet alors qu'il était occupé à remplir son carnet de bord :

— Héliopolis traverse une période instable. Etant donné que le Lumos est censé passer le flambeau à son successeur d'ici quelques semaines, ses opposants espèrent profiter de cette transition pour faire tourner les choses en leur faveur.

— Et en quoi toute cette histoire nous regarde-t-elle ?

L'Oncle Augustus avait semblé étrangement embarrassé par la question. Il lui avait finalement répondu après une longue hésitation :

— Par notre statut de visiteurs étrangers, on veut absolument nous faire comprendre que maintenant plus que jamais, la situation est sous leur contrôle.

— En nous promenant à travers toute l'arche ? En nous faisant miroiter leurs avancées technologiques, tout en nous vantant leur philosophie de vie ? avait raillé ouvertement Max. Ce n'est pas très subtil comme moyen de faire.

— Le régime héliopolitain n'a jamais été très subtil ni scrupuleux, avait commenté Augustus dans un demi-sourire amusé. C'est aussi ce qui fait son efficacité redoutable.

— Mais nous ne sommes que des marchands itinérants ! Alors nous accorder des gardes du corps, un programme de visite officiel... Ca reste trop d'attentions.

Augustus lui avait répondu par une grande claque dans le dos, accompagnée d'un rire qui lui avait semblé un peu forcé.

— Ce n'est que de la propagande, fiston. Ce traitement est le même pour tous les visiteurs. N'y prête pas attention, et contente-toi d'ouvrir grand les yeux tout en fermant bien les oreilles.

Son grand-oncle avait ensuite changé de sujet en exigeant de voir ses croquis d'Héliopolis. Max l'avait laissé faire, néanmoins peu convaincu par ses explications. Quelque chose lui échappait dans toute cette histoire...



Cette impression s'était amplifiée lorsque leurs trois gardes du corps se représentèrent à leur porte. Ils avaient tous les trois revêtu un uniforme sombre et un képi. Les brassards passés à leur épaule représentaient le symbole héliopolitain : deux éclairs blanc et noir croisés sur un fond bleu turquoise. Leurs « guides » s'avéraient bel et bien être des policiers habillés en civils. Lugder avança vers eux, ses épaulettes bien mises en avant. Il semblait plus tendu qu'à l'ordinaire.

— Le Lumos a décidé de vous honorer d'un entretien.

La mégalopole semblait à première vue être revenue à la normalité. Les écrans de propagande avaient repris leur service, diffusant les mêmes images qu'à leur arrivée. Des gradins de bois étaient en édification un peu partout, comme pour préparer une cérémonie en plein air. Mais Max eut tout le loisir de se rendre compte à quel point les passants faisaient profil bas. Les yeux étaient tournés vers le sol, et la peur était perceptible devant les uniformes des trois policiers. Des collègues à eux patrouillaient d'ailleurs à chaque coin de rue. Les deux actions de Nox, survenues à quelques jours d'intervalle, semblaient mettre les autorités sur les dents... Max faisait là face au véritable visage d'Héliopolis. Ils arrivèrent finalement au pied du plus haut gratte-ciel de la ville. Max se tordit le cou pour tenter d'en apercevoir le sommet, en vain. L'intérieur de la tour s'avéra spacieux et survolté. Leurs gardes du corps échangèrent des saluts héliopolitains avec tous ceux qu'ils rencontrèrent en chemin. On les observait, lui et son grand-oncle, avec des regards méfiants. Les visiteurs furent enfin pris en charge par une ravissante hôtesse. Elle les guida jusqu'à un ascenseur dont le mur était recouvert de plusieurs centaines de numéros d'étages. La jeune femme inséra un pass dans la fente prévue pour démarrer le dispositif, puis appuya sur le bouton le plus élevé du tableau de bord. Il s'agissait également du seul à ne pas comporter de numéro, mais seulement les deux éclairs héliopolitains.

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIRWhere stories live. Discover now