1-4 : ANIMA

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L'EXPLORATEUR

Maximilien atterrit l'instant suivant dans une boîte sombre. Pris dans son élan, il perdit l'équilibre et se cogna violemment la tête contre une cloison de bois.

— Nom d'un pot de chambre usagé, balbutia-t-il d'une voix confuse.

Il tituba en essayant de se remettre debout. Il avait si mal à la tête... Max perdit connaissance avant même d'avoir le temps de s'en rendre compte.


— Eh bien, que se passe-t-il ici ?

La voix avait résonné à l'extérieur de la boite qui retenait Maximilien. Reprenant peu à peu conscience, Max se rendit compte avec stupéfaction qu'il ne pouvait pas faire le moindre geste. Des tissus s'étaient enroulés autour de ses membres, et l'avaient rendu incapable de tout mouvement. Il eut à peine le temps de se débattre qu'une lumière aveuglante se déversa sur son visage. Un cri surpris résonna à ses oreilles alors que ses yeux achevaient de se réhabituer à la lumière du jour. Le frère de la grand-mère Pélagie se tenait devant l'armoire grande ouverte, et dévisageait le petit animiste avec d'un air interloqué.

— Mais comment...

Une étincelle apparut dans les yeux du vieil homme lorsqu'il sembla le reconnaître. Il frappa des mains à l'attention des vêtements qui retenaient Maximilien prisonnier. Ceux-ci se démêlèrent avec réticence, puis regagnèrent sagement leurs cintres. Le marchand tendit une main à Maximilien et l'aida à sortir avec une vigueur étonnante pour son âge. Les deux animistes se dévisagèrent un long moment : l'explorateur avait quitté son extravagant costume et portait désormais un simple pantalon à bretelles. Ses yeux bleus étaient bien plus perçants que ne l'aurait supposé Maximilien. Il prit la parole tout en caressant pensivement ses généreuses moustaches grises.

— Tu étais au pique-nique des horlogers. Comment es-tu arrivé dans cette armoire, nom d'une pipe ?

— Je ne sais pas, répondit Max avec honnêteté.

De tous les miroirs présents sur Anima, qu'elle était la probabilité de passer à travers celui de l'explorateur ? D'autant plus que Max ne s'y était jamais reflété. Il venait de réaliser un voyage normalement impossible. Maximilien désigna tout de même d'un timide coup de menton le miroir au fond de l'armoire. Le regard du marchand s'éclaira.

— Un passe-miroir. Suis-je bête ! Mais maintenant que j'ai le comment, ajouta t-il, tu vas m'expliquer le pourquoi.


La gorge de Maximilien se serra lorsqu'il se remémora la dernière conversation qu'il avait eu avec sa mère. Il lui avait dit des choses terribles sous le coup de la colère. Mais Max fut surtout surpris de découvrir qu'il n'en regrettait pas un mot. Il releva les yeux vers le marchand en forçant sa voix à ne pas trembler :

— J'ai fugué.

— Voyez-vous cela.

— Je n'ai aucune envie de devenir machiniste à mon tour. Je veux être libre de choisir ma vie, comme vous l'avez fait !

L'explorateur passa de nouveau la main dans sa moustache, le regard brillant d'une lueur que Max ne parvint pas à interpréter. Il l'invita à le suivre sans lui répondre tout de suite. Maximilien traversa une chambre soigneusement rangée. Il fronça des sourcils en se rendant compte que le sol semblait vibrer sous ses pieds. L'explication vint lorsque l'explorateur ouvrit la porte qui les séparait de l'extérieur.

Maximilien resta sans voix. Il tituba jusqu'à la rambarde en face de lui et s'y accrocha comme un naufragé. En face de lui se déployait un vide vertigineux. Où qu'il posât le regard, Max ne croisait que le ciel et des nuages à perte de vue. Alors qu'il peinait toujours à comprendre ce qui se trouvait sous ses yeux, l'explorateur lui désigna un point en suspension dans les airs ; Max eut un coup au cœur en reconnaissant son arche. Anima paraissait minuscule vue de loin...

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIRWhere stories live. Discover now