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« Nous vivons dans un arc-en-ciel de chaos »

–Paul Cezanne.

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Je me regardais encore une fois dans le miroir. Et rien ne changea. C'était normal après tout, mais mon reflet m'effrayait, ou plutôt il me renvoyait la dure réalité de mon état.

Je déglutis difficilement, inspirais une bouffée d'air frais, et lâchais les bords du lavabo sur lesquels mes jointures devinrent blanches. En ouvrant les yeux, l'évidence me frappa au visage. Ma pourriture intérieure qui commençait à déteindre sur mon enveloppe extérieure. Un nouveau portrait de Dorian Gray, revisité façon Samuel.

Je serrais les dents, et ouvris le robinet d'eau froide pour m'asperger le visage. Après une nuit sans dormir, je ne pouvais que constater l'ampleur des dégâts. Mes yeux vides d'émotions ne contenaient plus aucuns éclats, si ce n'est celui de la déchéance. Ma peau terne, quant à elle surprenait par sa pâleur légèrement plus excessive que d'habitude, et mes cernes, violacés enfonçaient définitivement mes yeux dans un gouffre de tristesse. De plus, on pouvait s'apercevoir par mes clavicules saillantes que j'avais encore perdu du poids.

Je soupirais, et me rabattais sur la seule chose plus ou moins potable physiquement et que j'appréciais encore : mes cheveux. Je les avais lavé hier soir, avant de rejoindre le métis à notre lieu de rendez-vous habituel. Ils étaient doux et brillants, mais par pur flemme ou manque d'énergie, je les attachais en un chignon flou.

J'étais sur le point de craquer, je le sentais, je le savais, mais rien ne semblait pouvoir empêcher cela. Pas après hier soir, pas après l'annonce de Wesley. Pas après qu'il m'ait dis qu'il partait et qu'il ne reviendrait pas. Pas après ça, non.

Ces paroles me firent autant de mal lorsque je me les remémorais, que lorsqu'il me les avait dites. « Je déménage Samuel. Loin d'ici, loin de tout, loin de toi. »

Cela n'avait rien à voir avec moi, ou nous, mais forcée de constater que cela impactait notre relation.
Je savais que la situation avec son père n'était pas facile, mais j'étais loin de me douter de l'envergure de cette histoire. Et pire encore que de ne pas avoir été là pour lui dans ces moments, je n'aurais plus aucune occasion de me rattraper désormais. Le temps était écoulé, et on ne pouvait le changer. Et j'aurais déjà modifié tellement de choses si cela était possible.

Je fermais les yeux quelques instants, dans l'espoir de chasser tous les regrets qui déferlaient en ma mémoire, et me concentrais pour reprendre un peu de contenance.

Aujourd'hui, je reprenais les cours. Après trois jours d'exclusion et une semaine d'examen que j'étais persuadée d'avoir loupé, mon comeback au lycée n'était plus qu'une question d'heures. Déjà angoissée, ne serait-ce qu'à l'idée de recroiser mon professeur d'anglais, je devais maintenant l'affronter avec le rappel que mon ami le plus précieux ne sera plus là pour me soutenir. Et c'était dur, parce que c'était dans sa force que je puisais la mienne.

Je me mordais la langue, refoulant un sanglot et sortie de cette pièce avec le pull que le métis m'avait laissé la veille. Son odeur me donna l'envie d'avancer. Au fond, une infime partie de moi espérait qu'il serait toujours à mes côtés. Et bien qu'il m'avait affirmé qu'il tenterait de revenir dans cette ville, je savais qu'à notre âge une distance de plus de huit cent kilomètres était généralement fatale. Et même si il avait tenté de me rassurer, je n'étais pas dupe. Je le savais au fond de moi.

Inspire, Samuel. Ce n'était qu'une journée. Une banale journée. Une journée encore à être seule , me souffla ma conscience.

— Tu as vraiment une sale gueule, me surprit la voix de Zac.

Alumnus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant