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"Le temps est disloqué. Ô destin maudit, Pourquoi suis-je né pour le remettre en place !"

-Shakespeare ; Hamlet.

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Je soupirais et tentais tant bien que mal de retirer les nombreux noeuds de ma chevelure. La pluie venait de surgir brutalement sur notre petite ville.

Heureusement, j'avais pu m'abriter sous l'arrêt de bus le plus proche lorsque les gouttes se firent plus intenses. L'adolescent qui prenait le même mode de transport que moi chaque matin vint par ailleurs vite me tenir compagnie, bien que je ne le voyais que peu suite à mes absences.

Wesley, il s'appelait. Je le savais, puisque j'avais découvert qu'il était dans la même classe que moi. Cependant, bien que tous deux habitant dans la même ville, nous nous étions encore jamais adressés la parole.

À vrai dire, il n'avait pas l'air très bavard. Accentuée par les couleurs sombres de ses vêtements, qui se composaient généralement de sweat –parfois à l'effigie de groupes musicaux– et d'un jean, rien ne nous intimait à aller lui parler, malgré son charme évident. Son métissage faisait ressortir ses yeux verts, absolument magnifique !

Si je me souvenais bien, Nour m'avait fait un léger récapitulatif des élèves composant ma classe. Celui sur Wesley était loin d'être glorieux. Ce fut à coup de menteur, de manipulateur, de connard et d'autres insultes bien plus violentes qu'elle me l'avait décrit. Elle n'avait même pas essayé de cacher sa haine et m'avait clairement déconseillé de le côtoyer.

Néanmoins, rien de ce qu'elle ne m'avait dit n'avait influencé mes choix. Jusqu'à maintenant, rien ne me donnait l'envie de discuter avec lui, tout simplement.

En venant dans ce lycée, j'avais pris la décision de rester à l'écart. Les amitiés n'étaient pour moi qu'inutile. Personne ne pourrait remplacer ceux que j'avais abandonné. Et je ne voulais d'ailleurs pas. Arya et Nour n'étaient qu'une exception surprenante. Et encore ici, j'avais parfois du mal en leurs présences.

Evidemment, je ne dis pas que je rejèterais quiconque voudrait s'adresser à moi. Je ne suis pas si exécrable, quand même ! Seulement, jamais je ne ferais le premier pour une nouvelle amitié.
Puis pour moi, même si les deux brunes devraient plus tard faire partie de mon cercle proche, elles ne les égaleront jamais.

Sur ces pensées, je plongeais ma tête en arrière pour observer la pluie frapper le toit en verre de l'abri-bus. Un soupir, cette fois-ci pas le mien m'indiqua que je n'étais pas la seule agacée. Le bus avait du retard. Et le métis vint s'installer sur le banc à mes côtés, prenant son mal en patience. Le fixant curieusement, je remarquais son énervement, perceptible par sa jambe qui tressautait et ses murmures de nature vulgaire.

Aujourd'hui encore, il portait un sweat. Ses écouteurs étaient bien positionnés dans ses oreilles, aucun événement extérieur ne semblait désormais perturber le monde dans lequel il était. Je fronçais les sourcils, surprise de sa capacité à passer de l'impatience à l'indifférence.

— Tu vas continuer à me fixer encore longtemps ? il rompit le silence quelques minutes plus tard, toujours dans le calme et en pianotant sur son portable.

Effectivement, son flegme était surprenant. Néanmoins, je ne démordais pas pour autant et croisa mes jambes pour avoir une position plus confortable. Mon fessier souffrait clairement de ce métal froid et dur.

— Aussi longtemps que je le voudrais, haussais-je les épaules.

Il daigna enfin me regarder. Je savais aussi faire preuve de culot. Il y répondît à son tour, en retirant ses écouteurs avant de les ranger dans sa poche.

Alumnus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant