6. (partie 2)

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"Sans doute, fit Elizabeth. Et je lui aurais volontiers pardonné son orgueil s'il n'avait tant mortifié le mien."

-Jane Austen ; Orgueils et préjugés.

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Je restais immobile dans le couloir. Comme pétrifiée, je ne pouvais qu'observer Arya se retourner vivement pour saluer notre enseignant avec une énergie que je ne comprenais pas. Elle avait bien l'air trop heureuse de tomber sur lui. Ça m'indifférait, personnellement. J'espérais seulement que les regards en biais qu'il me lançait, sans doute involontairement, n'étaient pas un signe inconscient de son intérêt pour moi. Après tout, j'avais raté chacun de ses cours depuis ma rentrée. Si j'étais lui, je ne resterais pas à cet échange et réprimanderais l'élève en question. Ma mâchoire se contracta. C'était sans doute ce qui allait arriver.

Je grimaçais, et attendis qu'Arya finisse sa discussion avec, sans pour autant écouter un moindre mot de ce qu'ils échangeait. Ça m'intéressait pas tellement. Je voulais juste entrer dans la salle, afin d'éviter une quelconque sanction. Il n'avait pas l'air de faire attention à ma présence, pas autant que je le pensais du moins. Pourtant, lorsque l'idée de les laisser seuls dans le couloir et rejoindre notre cours d'histoire apparut, un regard moralisateur me dissuada du contraire. Il n'était pourtant pas imposant, mais j'avais eu la sensation qu'il fallait mieux éviter tout faux pas. J'avais été intimidée, et nulle l'envie de s'opposer à tant de prestance. Même Arya s'était retournée vers moi, se demandant ce qui avait bien pu extirper l'attention de notre professeur de leur dialogue. J'avais très vite retiré ma main de la poignet.

— Allez, je vais te laisser aller en cours. D'autant plus que tu es en retard, s'exclama enfin monsieur Rivera.

Bordel, sa voix. Malgré mon pull en laine, d'innombrables frissons me survolaient. Merde. Elle était bien trop grave pour être humaine. Avait-il subi une dysphonie ? Ou était-il né avec un timbre pareil ?
Instinctivement, je me mis à me frotter les bras. Je n'aimais pas cette réponse inconsciente de mon corps. 

— Vous serez mon excuse, répliqua-t-elle, volant un sourire à l'homme en face d'elle.

Je ne connaissais pas notre professeur d'anglais et je n'avais encore jamais eu l'occasion de constater réellement sa manière d'agir avec mes camarades, mais il semblait vêtir une affinité particulière avec eux. Je savais seulement que son timbre de voix était incroyablement fascinant et qu'il pourrait à l'aide de celui-ci attirer de nombreuses personnes jusqu'à lui. Cela me faisait penser aux sirènes dans l'Odyssée. C'était peut-être d'ailleurs pour ça qu'il était apprécié de tous. Je me souvins qu'à mes premiers jours ici, le professeur que les élèves appréciaient le plus, c'était lui. Suivi de près par notre professeur d'histoire, qui était également le frère de Nour et celle d'espagnol. Mais d'après eux, avec Monsieur Rivera, il y'avait ces plaisanteries et cette confiance qu'on ne pouvait pas avoir avec les autres. Ce qui le rendait captivant aux yeux de beaucoup. Que demander de plus ? M'avaient-ils dit.

Qu'il me laisse tranquille, j'aurais aimé leur répondre.

— Tant qu'à faire, tu peux distribuer ces papiers à la classe ?

Tout comme ma camarade, mes yeux se dirigèrent vers la pile de feuilles qu'il tenait entre ses doigts ; d'ailleurs, il avait sur lui un manteau ainsi que dans sa main de libre une sacoche. Il venait sans doute de débuter sa journée de travail. Ça m'étonnerait en tout cas qu'il la finisse, il n'était même pas onze heures.

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