— Je vois où tu vas en venir, et non, tu n'auras pas de réponses tant que tu n'auras pas vu ce que je veux te montrer.

— Tu peux me dire au moins où nous avons atterri ?

— Crois-le ou non, nous nous trouvons toujours sur Zéphyr.

Maximilien embrassa du regard la rue dans laquelle ils venaient de déboucher. Les bâtiments étaient faits de bric et de broc. Il pleuvait à verse, le forçant à resserrer sa cape autour de ses épaules. Les rues débordaient de boue. Il ne trouva pas le moindre point commun entre ce qui lui faisait actuellement face et ce qu'il avait découvert ce matin-même.

— En es-tu vraiment certaine ?

— Tu veux une preuve ? Suis-moi.

Lâchant un reniflement dédaigneux, elle s'engagea dans une rue sombre et mal pavée. Maximilien n'eut d'autre choix que de lui emboîter le pas. Les bâtiments tout comme les quelques passants qu'ils croisèrent respiraient la pauvreté et la fatigue. Et cette pluie qui ne faiblissait pas... Minos ne lui avait-il pas pourtant dit qu'il ne pleuvait jamais, sur Zéphyr ? Ils s'arrêtèrent enfin en bordure de l'arche, à côté d'un bâtiment en pierre. C'était bien le premier bâtiment en dur qu'ils croisaient de leur promenade. Hildegarde le fit contourner l'édifice en évitant de croiser les hommes en bleu d'ouvrier qui déambulaient aux alentours, puis grimpa agilement sur la façade. Maximilien suivit le mouvement tant bien que mal, manquant de peu de déraper sur les prises devenues glissantes à cause de la pluie. Le bâtiment ne s'avéra pas si haut que ça, mais dominait tout de même largement cette ville faite de matériaux de récupération.

Une fois arrivés au sommet, ils s'assirent côte à côte sur le toit de l'édifice. Max bondit en apercevant un téléphérique plein à craquer quitter l'enceinte. Il s'envola vers un ilot voisin, recouvert de pâturages. Ce couloir de vent, la forme du téléphérique... Tout ça ressemblait à s'y méprendre à ce qu'il avait déjà aperçu ce matin. L'arcadienne lui fit passer une longue-vue qu'elle avait tiré d'Artémis ne-sait-où. Le regard grave, elle lui désigna un point lumineux à l'horizon, brillant au milieu des gouttes de pluie. Le palais d'Olympe ! Max en resta aussi muet qu'un gramophone rayé. Plus aucun doute n'était permis. Ils se trouvaient bel et bien sur Zéphyr. Son regard glissa ensuite sur l'ilot qu'ils surplombaient, profondément choqué. Les constructions qui les entouraient suintaient la misère.

— C'est ça, Zéphyr : un ensemble d'îlots soumis à un apartheid féroce. Nous nous trouvons actuellement sur un îlot-ghetto, au plus bas de l'échelle sociale. Ils sont majoritairement peuplés par des sans-pouvoirs.

Maximilien garda le silence, accablé par la révélation. Cet été éternel et cette douceur de vivre qui l'avaient tant émerveillé ne formeraient le quotidien que d'une poignée de privilégiés ? Hildegarde continua son discours, une moue écœurée gravée sur le visage.

— Tu n'as pas idée d'à quel point il est facile de restreindre les déplacements sur une arche fragmentée en morceaux. Imagine-toi bien que la plupart des hommes et des femmes nés ici n'ont jamais posé le pied ailleurs que sur des îlots agricoles. Sans compter la présence quasi-permanente de nuages de pluie au-dessus de leurs têtes : il faut bien épargner les plus chanceux de telles visions de misère !

Le silence retomba, lourd. Maximilien ne savait plus quoi penser. Il en avait presque le tournis. Vu la violence de la désillusion, il aurait presque préféré rester dans l'ignorance.

— Pourquoi ? murmura-t-il d'une voix blanche. Pourquoi m'avoir montré tout cela ?

— Je voulais te faire comprendre l'importance de notre mission. Ne penses-tu pas que ce système immonde ait ses opposants ? Que certains aient envie de se révolter devant toute ces injustices ?

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIRWhere stories live. Discover now