Lourd est mon parcours.

35.

- La vie veut ma mort.

J'suis allé chez moi en bombe, dans ma tête c'était le bordel. J'priais pour qu'il vienne pas étaler son bonheur à Samia, j'me doutais, j'men doutais qu'il reviendrait. C'était trop beau pour être vrai sans lui. J'veux pas qu'il étale son bonheur à ma belle mère. Elle s'en remettra pas. Elle l'aime elle, pas comme moi. Moi j'le déteste, j'le tue dans ma tête.

J'suis arrivé tout essoufflé, et mon cœur à faillit arrêter de battre dès que j'ai entendu sa voix niquée par la clope.. Je l'entendais raisonner dans l'appart. Il était là dans le salon c'était sûr. Fallait que j'y aille, que j'lui dise de partir, de nous laisser tranquille. Il était vraiment là, posé comme chez sa mère. C'était l'ironie du sort franchement, c'est comme si le Diable était invité en Enfer, parce qu'avant qu'il se barre d'ici, c'était chez lui.

« Papa : Oh mon grand.. La même tête qu'Ayoub..
M - *regard noir* Parle pas de lui toi.
P - *rires* Et le même caractère..
M - (à Samia) Il fait quoi ici lui ? Sérieux il vient faire quoi ici ? Pourquoi tu l'as laissé entrer ?
P : Tu crois que toi tu vas me manquer de respect à moi ? T'as pas honte ? Elle est où la politesse hein ? C'est moi ton père ici alors tu parles correctement !
M - Ta mère la politesse ça te va ça ?
P - *gifle*
M - T'es qui pour lever la main sur moi toi ?! Sors d'ici, va mourrir parce que t'es pas mon père !
P - T'as pas pris assez de claques toi hein..
M - Si tu crois que c'est comme ça que j'vais t'aimer, *rires* j'te déteste encore pire qu'avant, t'es déjà mort pour moi tu sais ça ?! »

J'étais prêt à lui rendre sa gifle. C'est ma seule famille et je le déteste à en mourir. J'vous jure rien que de le voir j'vois déjà rouge. Mon père a toujours était un mec instable, un père fantôme.. Déjà que j'avais aucun lien avec lui bah depuis qu'il est parti c'est pire. J'sais pas moi, laisser une femme avec 4 enfants dont 2 qui sont pas à elle faut oser franchement. J'ai jamais vraiment était méchant, mais que mon père soit pas venu à l'enterrement d'Ayoub.. J'sais pas j'lai encore en travers d'la gorge. Ça amplifie ma haine tu comprends ? J'peux pas rester en face de lui et lui taper la discute, c'est n'importe quoi. Ça colle pas. Bordel c'que j'ai la haine amère quand j'le revois. J'ai l'impression qu'il réveille mes vieux démons. Pourtant j'ai pas l'impression d'être de la pire espèce. J'ai jamais autant détesté quelqu'un, je crois même que je préfère de loin Aymen à mon père.

C'est terrible mon Dieu. Ô Dieu, apaise mon cœur sombrant dans les foutues ténèbres. Mon cœur qui meurt prit par la haine..

J'suis victime de déception paternelle, et mon pauvre cœur s'en est jamais remis. Ni mon cœur ni moi d'ailleurs. Comme un gros pd. Comme une meuf dévastée par une grosse rupture. Comme un véritable sans couilles.. Mais faut me comprendre un peu, j'ai à peine 18 balais, j'suis encore un môme moi. J'ai du devenir un homme trop tôt, connaître la vie et la mort trop tôt, tout apprendre trop tôt. J'ai l'impression d'avoir grandis à travers les épreuves, d'avoir passé mon enfance à m'acharner de vivre. D'avoir jamais rien vécu de normal, de tout vivre bizarrement.. Si mon père avait pas été là j'aurais vécu autrement. Je serai né ailleurs, dans un autre corps, une autre vie. J'aurai peut-être été indou, noich, renoi ou j'sais pas quoi mais peut-être que j'aurai mieux vécu.. Rien que pour la sale vie que je mène je lui en veux. Pour tout mes malheurs je lui en veux à lui, dès que je serai malheureux je lui en voudrai à lui et ça toute ma vie, parce que s'il avait été quelqu'un de bien, tout se serait passé autrement. C'est sûr.. J'ai pas de mots assez fort pour vous dire à quel point j'le veux mort.

Les jours qui ont suivit sa visite empoisonnée ressemblaient à des jours de deuil. La venue du vieux fou a eu un effet désastreux et dévastateur dans ma demeure. Franchement, c'est pas beau à voir du tout. C'est pas joli. À la maison l'ambiance est devenue lourde, personne ne parle, personne ne vie. Y'a cinq corps sans vies, c'est plus que des âmes vides qui se baladent chez moi. Et d'ailleurs j'en suis le premier. J'ai pas envie de parler, de manger, j'ai envie de rien. Je calcule pas mon téléphone, j'calcule plus personne d'ailleurs, même moi j'me calcule plus déjà. Faire le mort pour mourir c'est pas une vie, ce que je vie c'est pas une vie.

J'suis resté un peu avec mes petites soeurs mais j'voyais pas Samia. Depuis l'autre jour, on la voit plus du tout. À la maison c'est un repère j'vous jure quand elle est pas là ici c'est chelou, c'est pire que vide. C'est comme une tombe sans mort. Putain c'que j'peux être glauque quand j'm'y mets.. C'est terrible. Mais c'est pour vous dire à tel point ça fonctionne mal voir pas du tout sans elle ici.. Pour être plus gai c'est comme un corps sans organes. C'est le cœur de la maison, sans elle on est complètement mort.

Quand j'suis allé la voir elle était sur son lit et elle regardait ce plafond pourrit qui perd sa peinture. Tout comme moi elle est au plus bas. J'aime pas quand mes proches vont mal, parce que tu vois moi quand ma miff est mal j'ai des fléchettes qui se plante dans le cœur. Quand elle a remarqué ma présence elle s'est retourné vers moi avec un faux sourire.. Elle peut arrêter de faire semblant, parce que ses yeux la trahissent comme un gosse qui ment. Elle aime encore mon père et j'le sais très bien. J'me demande bien ce qu'elle lui trouve à ce malade. C'est une putain de catastrophe cette histoire. Il provoque le malheur ce mec, c'est grave un danger humain, un vrai danger public. La pauvre elle est vraiment tombée sur le roi des salopards, sur celui qui fallait vraiment pas choisir. Elle mérite pas ça. J'suis presque même désolé pour elle.. C'est un peu la Reine qu'on a chassé du royaume sans raisons, celle que son Roi a abandonné. A la voir on dirait qu'elle a la corde au cou et j'vous jure que ça fait mal. C'est la pièce vivante de la maison cette femme..

Samia c'est le coeur de la baraque, quand elle va mal moi j'suis mourant.