Lourd est mon parcours.

10.

- Le seul combat auquel je crois c'est contre moi.

J'suis tout le temps avec Adel ça devient plus qu'une habitude, c'est un quotidien. Souad a des copines dans la classe du coup elle est pas tout l'temps avec nous. Ca fait du bien de se retrouver entre couilles des fois alors c'est pas plus mal comme ça en vrai.

Entre Youssra et moi c'est toujours la même chose, j'la regarde pas et je lui parle pas et c'est même mieux comme ça. Chacun sa vie chacun son dos. J'vais pas mentir à dire que ça m'fait rien, à l'ancienne c'était ma seule pote et ça jl'oubie pas.. Mais à partir du moment où tu retournes ta veste, bêtement, du jour au lendemain, sans explications qui valent ou sous-prétexte que t'as la rage que j'attire d'la meuf franchement j'ai la flemme d'me prendre la tête pour toi. Ça en vaux pas la peine, moi j'vaux mieux que ça, même un chien vaudrait mieux que ça. Faudrait qu'elle raisonne dans sa tête, qu'elle se remette en question.

Après les cours Ayoub doit passer me chercher pour aller avec lui à l'hôpital..

À la sonnerie j'suis sorti de la salle en balle, la prof avait même pas finit ses explications mais j'en avais rien à foutre. J'vais enfin savoir ce qu'il a même si j'ai peur d'y aller et de savoir que c'est une maladie grave.. Si c'est le cas honnêtement j'préfère rester chez moi, pépère dans mon ignorance. Sincèrement. Parce que si c'est grave, c'est qu'il risque sa vie. Encore un décès ? Tout ce qu'il faut pour que j'me pende. Savoir que la mort lui pend au nez je l'assumerai pas, ce serait de trop. Quand il s'agit de la famille j'flanche totalement on dirait que je raisonne plus. Dans ma tête c'est la merde, tout s'mélange.. Pour la famille je donne mon âme au pire des truands, au diable même à un clochard. T'es qui sans ta famille ? Hein t'es qui sans ta famille ? Manquerait plus qu'il meurt et j'me jette. J'me jette direct c'est pas une blague.

Médecin : Alors monsieur Beddia j'ai le regret de vous annoncer que vos résultats sont vraiment mauvais.. Mais bon, rien n'est joué hein ! Vous êtes un p'tit guerrier vous, alors ce cancer des poumons on va essayer de ralentir sa croissance comme on peut pour débuter. Il faut absolument que vous réduisiez votre consommation de tabac.

" Vos résultats sont vraiment mauvais [...] cancer des poumons.
Vos résultats sont vraiment mauvais [...] cancer des poumons..
Vos résultats sont vraiment mauvais [...] cancer des poumons..
Vos résultats sont vraiment mauvais [...] cancer des poumons.. "

À tour de rôle je regardais Ayoub et le médecin. À cette annonce j'avais les yeux qui piquaient sa mère, la gorge encore plus serrée qu'un legging et l'coeur qui hurlait au désespoir. J'savais pas si c'était une blague, si je devais rire ou pleurer, j'savais même pas si c'était réel c'que j'vivais. J'avais plus envie d'rester là, ni avec le médecin ni avec Ayoub. Alors là putain Ayoub si j'avais pu le buter ce con. J'voulais partir mais mon corps était encore sous le choc, il voulait pas bouger.

J'étais coupé du monde, j'avais l'impression d'être ailleurs. J'avais les images du médecin qui parlait mais j'avais même plus le son de c'quils disaient..

Dans la voiture personne parlait, y'avait un silence de mort qui régnait. Cette même mort qui le rongeait et l'attraperait d'ici peu.. Ça allait être le prochain à sauter et là j'en voulais au monde entier, au médecin, à Ayoub, à Phillip Morris, j'en voulais même au pauvre gars du tabac qui cherchait juste à faire de la maille.

* DANS LA PEAU DE YOUSS.

« T'amuse pas à poser le doigt où ça fait mal à ma vie. »

Abdel me manque. Mais j'ose pas lui dire. Y'a des choses qui s'disent mais qui s'écrivent pas comme y'a des choses qui s'pensent mais qui s'disent pas.. Et vous comprenez vite que le manque, tout comme l'amour, chez moi ne se dit pas..

Malgré tout il reste mon meilleur pote. Il a raison d'agir comme ça avec moi.. Comment voulez-vous que j'lui dise que le pire homme, la pire espèce c'est celui que j'aime ? Il me cracherait à la gueule et franchement il aurait de quoi, c'est pire qu'une trahison, c'est un vrai coup de pute. J'peux rien dire de tout ce qui s'est passé, c'est trop honteux et trop sale. Et même si j'voulais les mots ne sortiraient pas, c'est tellement improbable, tellement grave..

Ça m'fait mal de pas croiser son regard, de pas lui parler, de pas voir son sourire.. Sans lui j'ai grand un vide dans ma vie et ça m'fait mal, j'ai mal à ma vie. Peut-être que j'aurais dû lui dire, de toute façon entre les potes et l'amour faut vite savoir que tu te marie pas avec ton ami. Abdel méritait pas ça, pas que j'le laisse tomber, pas que j'lui envoie des choses que j'pense pas dans la gueule.. De toute façon ce qui est mort.

Il a certainement besoin de moi mais je sais pas comment aller vers lui, il me jettera. Plus les jours passent, moins j'le vois heureux. Il perd son sourire et son petit éclat dans les yeux.. J'le connais comme si jl'avais fait ce gars, y'a quelque chose qui va pas. Son caractère change, il devient agressif, nerveux.. Faut que j'lui parle. Ça fait une semaine que j'le vois comme un zombie, comme s'il était vide.. Et j'aime pas, le voir comme ça j'peux pas j'vous jure.

À la sonnerie j'range en bombe mes affaires pour l'rejoindre.. Il faut que j'lui parle. Maintenant, pas jamais.

« M : ABDEL ! ABDEL !!
Abl : *fronce les sourcils* Quoi toi ?
- Euh.. Je.. Fin.. Ça va ?
- Questce ça peut t'foutre ?
- Waaaah Youss t'es sérieuse depuis taleur j'te cherche ! On bouge au parc ou pas ? »

J'ai l'ai vu défroncer les sourcils et partir sans rien chercher à comprendre.. Il m'reparlera plus jamais, c'est mort.

Je l'ai perdu, pour de bon cette fois. Y'a plus rien à sauver.

* DANS LA PEAU D'ABDEL.

« Combien d'enfants battus deviendront des parents violents ? »

Qu'est ce que vous voulez que j'dise ? Ca m'passe au dessus de la tête ces conneries, je la calcule pas, jmen fou en fait. Elle fait ce qu'elle veut, j'en ai plus rien à foutre. J'ai d'autres choses plus grave qui s'passe chez moi pour m'préocuper de choses comme ça.

J'continue mon chemin jusqu'à l'arrêt d'bus, et j'monte dans celui qui me ramène au quartier.

Ma tête contre la vitre j'essaie de relativiser.. C'est pas facile de vivre "pleinement" ta vie quand tu sais que ton reuf a les poumons noirs charbon et que ton père s'est barré sans s'expliquer. J'ai la flemme de sourire aux gens, d'être gentil avec eux, de paraître fort devant eux, de faire semblant d'être heureux. J'sais très bien que la mort me court après et j'ai la flemme de vivre parce que j'sais aussi qu'elle finira par m'rattraper. J'ai le corps avide de vie, j'ai ma vie avide de bonheur. Mon frère, ma chair, peut canner du jour au lendemain. J'ai pas trop de mal à réaliser mais j'remarque surtout que j'suis jaloux. J'l'envie à mort, il rejoindra ma mère pendant que j'vais pourrir ici au milieu de tout ces loups..

Et quoi ? Qui viendra m'épauler quand j'serais comme un shlag ? Y'aura que moi et moi seul, moi, ma conscience et mon âme. Personne d'autre sera là pour ma pauvre gueule. Tu veux que qui vienne me tenir compagnie quand j'serais dans la merde ? Les miens seront morts et enterrés. Ouais c'est vrai, au début tout le monde sera là. Ouais désolé, c'était un bon ton frère, t'inquiète t'es pas tout seul. Bien sur que si j'serais tout seul. Même mon ombre me lâchera.

Faut savoir un truc, les gens c'est comme l'argent, ça va ça vient. Des fois t'es blindé et des fois c'est la crise.