31.

9.6K 849 27
                                    

- Le gun c'est comme un cercueil, on s'en sert seul.

« L'atmosphère est démoniaque. »

En ce moment au quartier l'ambiance qui règne est pas des plus légères. De bouche à oreille ça parle de descente d'une citée voisine qui voudrait régler ses comptes.. Y'a plus cette ambiance familiale un peu hypocrite, ce faux sentiment de solidarité. Mon quartier se vide, vide comme nos coeurs. Le temps est lourd, lourd comme mon parcours. C'est triste, comme un jour de mort, c'est morbide, c'est glauque..

Chaque jour on voit en chacun d'ces mecs de tess une putain de fierté, et cette fierté c'est une bombe à retardement. Faut pas la toucher, faut pas la frôler.. Derrière cette fierté y'a un coeur qui se cache. C'est assez grand, un peu vide parce que y'a que la miff qui peut y habiter, chez nous on évite de faire confiance aux gens. J'vous avoue, la plus grande place c'est la mama qui l'occupe. D'ailleurs, quand la daronne verse des larmes, nos cœurs, eux, sortent des litres de sang.. Quand elle va mal, il s'arrête de battre. Quand elle va mourir, on ose même pas y penser. On oublie de lui montrer, mais putain qu'est ce qu'on l'aime la madre..

J'vous raconte tout ça en observant ma cité par la fenêtre. Parce qu'au fond je sais qu'on est tous les mêmes. On a grandis sous les mêmes codes, les mêmes valeurs, la même morale, les mêmes principes. Un fils de pute c'est pas forcément un fils dont la mère est une putain, c'est juste un mec sans principes. À la Belle Étoile, si t'es un homme t'as des valeurs, une morale, si t'en a pas t'es pas un. C'est comme si t'avais pas de couilles. Et j'peux te dire que dans la course à celui qui aura les plus grosses, c'est toujours celui qui se fait passer pour bon qui arrive en tête. Alors qu'en vrai c'est un putain de fils de pute, sans morale, sans principes ni valeurs..

Le soleil s'est taillé comme un gentleman pour laisser sa place à la lune. Quelque chose de pas normal se passe, déjà y'avait pas une mouche dehors.. Jusqu'à ce que de chaque bâtiments du quartier sorte des dizaines de mecs armes à la main. Batte, gun, slash, béquille, chacun son arme quoi. Et là, arrive en balle une trentaine de gars, armes égales à c'que j'vois..

C'était la guerre.

Moi Abdel, j'ai vu la guerre de mes propres yeux, j'ai vu la guerre mon gars. Coup d'batte, coup d'slash, coup d'béquille, patate dans la race.. Pas encore de coup d'feu. Tous prêts à tout pour montrer qui a les plus grosses couilles.

Le premier coup de feu qui arrive, ça vient du camp adverse, ils avaient du mal à se défendre, sortir le gun c'était la facilité. C'est comme quand tu vois que tu perds un match et que tu te sens obligée de simuler à chaque chute.

Un mec de chez nous tombe au sol, c'est le premier blessé. Il a fallu peu de temps quand même..

À partir du moment où le coup d'feu a résonné, plus personne a bougé. Tout l'monde a regardé celui qui venait de tirer et quelqu'un a pris le blessé pour l'emmener à l'hôpital certainement.. Moi j'regardais la scène, choqué. Si ce gars meurt le type qui a tiré va vivre un véritable enfer. Les guerres de quartier s'arrêtent jamais, et c'est justement pour ça.. Ça commence d'un truc tout bidon, y'a une première bataille, quand y'a un mort ou un blessé faut y retourner pour le venger et ainsi d'suite. On en finit pas j'vous dit, c'est infini.

Un mec de ma cité a choppé la batte que le mec blessé tenait et il s'est mis a défoncé le gars qui a tiré, on peut dire qu'il s'est bien défoulé sur lui jusqu'à ce que des girophares se fassent entendre. Tout le monde à pris ses morts, ses blessés, et tout le monde s'est barré en balle. En plus d'avoir des estropiés pas besoin d'aller en garde à vue, on va limiter les dégâts.

Vu qu'on est trop buté pour s'expliquer, on préfère déterminer qui a raison en laissant les douilles parler. La violence c'est l'un des seuls moyens qu'on a trouvé pour réussir à se faire entendre.. Même entre galériens, entre mecs de tess on s'cogne, on s'allume. Bien sûr qu'on est tous chauds pour faire la guerre si y'a assez d'flingues, personne veut perdre, les guerres de cité rendent dingue. Parce que c'est la fierté qui est mise en jeu. On veut tous montrer que c'est chez nous que y'a les meilleurs, les plus forts, les plus gros bonhommes. Et quitte à perdre des soldats, la guerre on la fera et on la refera jusqu'à y laisser notre propre peau. Prêt à perdre la vie pour gagner l'respect, c'est un peu la phrase phare qui décrit la mentalité de nos quartiers..

Quelques jours après la descente y'a des échos comme quoi celui qui s'est pris la balle s'appelle Saïd et qu'apparemment il serait entre la vie et la mort. J'vois pas trop qui s'est, d'après les dires des gens c'est un brave type. C'est con mais la vie à repris son cours tant bien que mal.. J'ai remarqué que la mort c'est un sujet que tout le monde évite, tout le monde snob la mort.. Pourtant elle est là elle, elle t'guette en cachette et au moment où tu t'y attends le moins elle te prends ta vie ou celle d'un de tes proches. Quand elle est partie avec Ayoub j'ai rien vu venir. Ayoub mon frère.. Mon sang, ma chair merde. Quand j'pense à lui mes yeux deviennent grave humides.. J'ressens un gros manque quand j'vois sa chambre sans lui dedans, quand j'remarque qu'il est parti et qu'il reviendra jamais. J'me dit que j'ai tout fait de travers, j'lui ai jamais dit que j'l'aimais ni à lui ni à ma mère et aujourd'hui c'est trop tard, c'est pas face à une tombe que j'dois le dire. De toute façon c'est simple, c'est toujours trop tard que l'être humain prend conscience des choses. La preuve.

C'est fou comme ça va vite, aujourd'hui t'es là demain t'es à la morgue.. Soir ce tu bouge en boîte demain t'es mort. Ce putain de système vital de merde que j'comprends pas..

*sonnerie* Appel entrant : > 👸🏼

« M : Allô ?
👸🏼 : On peut se voir ?
M - Ça va pas ?
- J'ai besoin d'te voir seulement..
M - Sur ton toit ?
- Ouais vas-y.
M - J'suis là dans 10 minutes. »

J'ai pris des sappes à l'arrache et j'suis sortis.. Il commençait un peu à faire nuit c'est bizarre qu'elle veuille me voir maintenant.

Quand elle m'a vu sur le toit elle s'est dirigée vers moi, un peu hésitante. J'lui ai pas laissé en placer une, j'lai prise directement dans mes bras. Elle me manque. La meuf qui m'a fait tomber amoureux me manque. La relation qu'on avait me manque.

On s'est regardé et elle m'a fait un tout petit sourire avant de se mettre à pleurer comme jamais. Elle est désolée, si j'ai bien compris.

« S - J'ai eu l'impression que tu me mettais de côté, que t'avais plus de temps pour moi..
M - Dita..
- Non laisse moi finir.. J'te vois filer sous mes yeux, quand on s'appelle tu t'endors, on peut jamais se voir plus de 30mn t'as toujours pleins de trucs à faire à chaque fois, je sais plus où me foutre. J'ai pas envie de te saouler de base, mais tu me manque alors je fais quoi ?
M - Pourquoi tu me l'as jamais dit ? Pour moi c'était pas si profond..
- Tu te rends juste compte que j'te casse les couilles, forcément.
M - Souad..
- Tu m'aimes encore ?
M - Et toi ?
- Comme une ouf. »

Je l'ai embrassée. J'ai blessée ma ptite femme et j'en suis désolé.. J'ai passé le reste de la soirée avec elle. On parlait, on rigolait.. Ça faisait du bien parce que ça faisait longtemps qu'on avait pas rigolé comme ça ensemble. Elle voulait juste de l'attention.. Mais c'est vrai que m'embrouiller et me casser les couilles matin midi soir c'est une drôle de manière de demander de l'attention ma foi. Elle est un peu bizarre Souad des fois, j'vous avoue la chose. Mais bon c'est vrai que j'suis vite monté aux tours, elle devenait un problème.

Lourd est mon parcours.Where stories live. Discover now