La Servante du Roi

Chapitre 35 : Doctoresse

Cela faisait un an. Un an que Gabriella était officiellement une habitante au château royal de Nekavland. C'était si étrange quand elle y repensait : elle était juste arrivée là par hasard, et désormais, elle était doctoresse. Cela ne faisait que quelque jour qu'elle portait ce tout nouveau titre mais elle baignait déjà dans un rêve.

Avant d'arriver au château, elle avait vécu quatre difficiles années. Elle avait dû surmonter les discriminations sur ses cheveux, son sexe, combattre la misère et la précarité. Et désormais, elle avait un toit, un emploi, une vie saine. Elle n'aurait jamais cru pouvoir retrouver cela un jour, après le drame de sa vie...

- Est-ce bien ainsi ?

La jeune femme sursauta aux paroles du seigneur Milon à ses côtés.

- Vous étiez dans vos pensées ? rit ce dernier.

- Oui, excusez-moi. Vous me disiez ?

- Je vous demandais si mon mouvement était correct ? Je ne sais pas trop si je le fais bien.

Pour accompagner ses paroles, le brun remonta sa jambe à la verticale. Gabriella étudia la courbure de son dos et hocha la tête.

- Oui, c'est très bien. Il faut que vous essayiez d'avoir le dos droit pour ne pas vous faire mal mais vous le faites très bien. Cet exercice a pour but d'étirer les muscles autour de vos hanches.

- Oui, je sens que ça tire.

- Tant mieux. Mais ne forcez pas trop non plus, il ne faudrait pas vous coincer ou vous déboîter quelque chose.

- Mais j'ai tellement envie de pouvoir reprendre de mes fonctions.

- Je ne doute pas que ça arrivera, le rassura la jeune femme. Mais il faut donner du temps à votre corps, vous avez subi un grand traumatisme.

L'homme redescendit sa jambe et se mit face à la jeune femme.

- Dans tous les cas, vos exercices m'aident beaucoup. Merci.

Gabriella lui sourit.

- Vous m'en voyez ravie. Je vous conseille de les continuer pendant encore de longs mois, ils ne pourront pas vous faire de mal.

- Il y avait cet écuyer qui était très souple, il était très bon au combat à l'épée.

- Oui, j'imagine que cela peut aider. La souplesse est utile dans pleins de domaines.

Le garde hocha la tête.

- J'ai encore un autre bout de fil qui est partit d'ailleurs.

- Oh laissez-moi voir ça, je vais vérifier que la plaie n'est pas ouverte.

- Elle ne l'est pas.

Mais malgré son affirmation, le chef de la garde royale souleva sa tenue et montra son pansement. La rousse le détacha discrètement dans un coin et regarda la blessure.

- En effet tout va bien. Tout le fil finira bientôt par tomber entièrement. Cela voudra dire que la plaie est cicatrisée. Vous avez très bien récupéré, je suis heureuse.

- C'est grâce à vous tout cela. Vais-je garder une marque ?

- C'est probable. Pour le moment, c'est encore rouge mais avec le temps la cicatrice deviendra blanche et se verra moins.

- Il n'y a pas de problèmes, ça ne me gêne pas. Ma femme un peu plus mais elle s'y fera sûrement.

Gabriella sourit.

- Je n'en doute pas, elle est déjà si heureuse que vous alliez bien. Elle a eu très peur.

- Oh je sais bien ! Elle n'arrête pas de me le répéter ! Mais elle reste malgré tout triste que notre projet d'enfant soit retardé.

Les joues de la doctoresse se rosirent.

- Oh vous savez, peut-être que doucement... Enfin vous pouvez reprendre vos activités...

La jeune femme n'était jamais très à l'aise à l'idée de parler de cela publiquement. Mais elle comprenait l'importance que cela avait, surtout pour un couple de jeunes mariés comme son patient.

- Très bien, je lui en ferai part ! rit le jeune homme devant sa timidité.

La doctoresse sourit puis s'inclina avant de partir. Elle avait encore deux autres patients à voir et la journée touchait à sa fin alors si elle voulait ne pas trop se coucher trop tard, elle devait se dépêcher. Mais peu importe les efforts que lui demandait son nouveau statut, elle ne voudrait changer pour rien au monde. Même à Battupia, elle n'aurait probablement jamais pu être doctoresse. Pas pour les mêmes raisons qu'à Nekavland, mais tout de même : elle vivait un rêve.