Chapitre 10 : Privilège

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Un rayon chaleureux vint illuminer le visage de Gabriella. Elle fronça les yeux, la luminosité du soleil était trop forte pour son corps se réveillant à peine. Puis elle enfonça son visage un peu plus profondément dans le coussin de soie blanche. Derrière elle, elle entendait vaguement la respiration apaisée d'Airy. Sur ses cuisses dénudées, elle sentait le drap la couvrir. Malgré tout, elle avait froid.

En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, elle comprit la gravité de la situation. Elle se leva en sursaut sans prendre garde au sommeil de son voisin, et s'habilla à toute vitesse. Le roi de Nekavland grogna.

- Je suis en retard ! J'ai oublié de me réveiller ! s'affola-t-elle.

Elle s'agita dans tous les sens pour finir d'enfiler sa robe taupe de servante, puis fonça vers la cheminée pour l'allumer. Pas étonnant qu'elle eût froid si elle ne faisait pas son travail ! Et puis quelle heure était-il ? A l'accoutumée, le soleil n'était même pas encore visible quand elle se réveillait !

- Gabriella, ne t'affoles pas ainsi.

- Sire, je suis en retard ! Je dois me dépêcher !

Une fois le feu ayant complètement pris, même si honnêtement il était un peu tard pour l'allumer, elle sortit en trombe des appartements royaux, sans même penser à s'excuser auprès du souverain.

Le dirigeant aux cheveux d'or ne lui en tint pas vraiment rigueur. Au lieu de cela, il se dirigea vers la fenêtre dont il tira les rideaux. En observant la position du soleil dans le ciel, il en déduisit qu'il était bien dix heures. La jeune femme avait donc définitivement raté le service matinal qu'elle était normalement censée assurer. A son tour, il se vêtit et quitta ses appartements. Le réveil avait été agité. Pourtant il était d'excellente humeur ce jour-ci.

Dans les couloirs, Gabriella courait, toujours inconsciente de l'heure qu'il était. Quand elle arriva enfin au niveau des cuisines du personnel du château, elle tomba sur le chef des serviteurs. Il ne fallut qu'un regard pour comprendre qu'au-delà d'avoir raté le service, la vaisselle avait elle aussi déjà eu le temps d'être intégralement faite. Elle s'inclina piteusement devant son supérieur en s'excusant platement. Mais en face, l'homme ne semblait même pas se préoccuper de la raison de son retard – raison qu'elle n'avait d'ailleurs pas – et fronçait simplement les sourcils.

Jusqu'à ce qu'une voix ne s'élève dans le dos de la jeune femme.

- Veuillez m'excuser, j'ai retenu ma servante ce matin sans vous en informer, cela a dû chambouler votre organisation.

Le visage du chef des servants s'illumina d'un hypocrite sourire :

- Sa Majesté n'a pas à s'excuser d'une telle chose voyons ! Il est tout naturel que sa Majesté ait besoin de sa servante personnelle, c'est bien là la raison de sa présence. Le personnel du château est là pour s'adapter aux demandes de sa Majesté.

Le roi hocha la tête.

- Avez-vous encore besoin d'elle ? demanda-t-il ensuite.

- Non bien sûr que non, sa Majesté peut en disposer de la manière dont il souhaite jusqu'au lendemain, et même plus si sa Majesté le désire.

A nouveau, Airy opina réprimant une grimace. Il fallait dire que la voix mielleuse et bien trop lisse de son sujet était assez irritante. Et puis cette façon de parler de la jeune femme le dérangeait.

- Gabriella, voulez-vous me rejoindre dans ma chambre ?

La servante se retourna vivement vers le dirigeant de Nekavland en hochant vivement la tête. Pourquoi était-il intervenu ? Il n'était pas censé le faire, surtout pour énumérer un tissu de mensonges ! Elle ne s'était pas réveillée par sa faute, et être excusée de vive voix par le roi était une honte.

Ce dernier tourna le dos aux cuisines qu'il ne visitait que très rarement et se dirigea à nouveau vers ses appartements, vite suivi de la jeune femme rougissant encore de culpabilité. Son attitude était pour le moins déplorable. Comment avait-elle pu manquer à une tâche aussi importante que le service matinal des sujets du château ? D'autant plus que le roi lui laissait beaucoup de temps libre, elle n'avait que cela à penser !

Une fois arrivé dans la suite royale, Airy se tourna vers la jeune femme :

- Je m'en vais travailler dans la salle du trône, je ne voudrais pas accumuler trop de retard. Aujourd'hui, si tu pouvais ranger mon bureau... laissa-t-il résonner en suspens comme il le faisait souvent en lui donnant des ordres.

- Sire, veuillez m'excusez, je n'aurais jamais dû...

- La seule chose pour laquelle je suis vexé Gabriella, la coupa-t-il, c'est que tu ne me tutoies toujours pas. Être en retard pour la première fois alors que tu travailles pour moi depuis près de quatre mois est tout à fait pardonnable. D'autant plus que je ne te laisse peut-être pas le loisir de te reposer comme tu le souhaites la nuit.

- Sire, absolument pas, je...

- Le tutoiement Gabriella.

Elle baissa honteusement la tête.

- Si tu ne sais pas à quoi correspondent certains documents, laisse-les de côté. Et attention à ne rien perdre, dit-il en se dirigeant vers la porte.

- Mais je croyais que le bureau m'était...

La porte des appartements royaux avait déjà claqué.

- Interdit... finit-elle pour elle-même.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant