Chapitre 28 : Satbourg

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Airy se tenait aux côtés du roi de Satbourg dans sa cour royale. Le matin, aux alentours de dix-heures, l'invité était arrivé comme prévu aux côtés de deux autres carrosses de son royaume. Airy savait que, dans le milieu de la noblesse, l'hypocrisie était le maître mot de toutes les rencontres. Pourtant, il avait la réelle impression que leur amitié fût toujours intacte malgré les récents évènements.

Présentement, cela faisait donc quelques heures que les visiteurs avaient pénétré l'enceinte du château et le déjeuner venait de se terminer. Le roi de Satbourg avait eu envie de digérer en faisant le tour de la cour royale de Nekavland.

- Vos jardiniers font un travail exemplaire, Sire.

- Je vous en remercie. Mais je sais que votre jardin est réputé comme étant l'un des plus beaux alors je me ferais modeste.

- Le plus beau vous voulez dire ? annonça le roi de Satbourg en levant un sourcil.

Le souverain de Nekavland savait qu'il faisait preuve d'humour, mais pris tout de même soin de valider ses propos :

- Évidemment, veuillez m'excuser, ma langue a fourché.

Le roi à ses côtés rit sans gêne et lui tapa l'épaule. Il était bien plus vieux qu'Airy mais il n'avait pas perdu de sa force, si bien que le torse de ce dernier flancha vers l'avant.

- Il est vrai, je vous l'accorde, que les réputations sont à la hauteur de la réalité, mais j'avoue bien aimer la sauvagerie de Nekavland. Nous avons pour habitude, à Satbourg, de contrôler la nature. Tandis qu'ici, vous essayez davantage de la dompter. La différence est grande. C'est un beau paysage.

- J'en suis profondément touché, Sire.

En effet, dans le royaume de l'invité, les jardins étaient tous coupé au millimètre près, donnant lieu à des formes spectaculairement symétriques et géométriques. Malgré tout, Airy n'était pas convaincu que le mot « sauvagerie » convenait vraiment à ses arbres entretenus chaque semaine. Il n'en dit cependant rien.

- Mon cher ami, commença le blond en réfléchissant précautionneusement à chacun des mots qu'il allait prononcer. Puis-je me permettre une question à votre égard ?

- Ne soyez pas autant sur la retenue avec moi, dites donc mon cher ami.

- Votre venue m'emplit d'une joie certaine. Seulement, je dois vous avouer avoir été surpris d'une telle annonce. Ainsi, je m'interroge, quelles en sont les motivations ?

- Oh, je me veux de vous avoir inquiété si cela est le cas. Sachez que je suis moi-même très heureux d'être venu découvrir votre château dans un temps si calme. Mais ne vous inquiétez pas concernant ma visite, elle est de courtoisie et notre accord est toujours d'augure.

Le roi de Satbourg passa ses doigts dans sa barbe blanche.

- Voyez-vous, je me suis trouvé très embêté du comportement de ma fille lors de sa visite chez vous. Je pensais pouvoir me fier à ses bonnes manières mais elle oublie parfois que votre politique n'est pas la nôtre et que chez vous, elle se doit de la respecter.

En effet, à Satbourg, le roi n'était pas pour ainsi dire cruel mais il n'avait rien à voir avec la générosité et la bonté d'Airy. Il n'était pas rare que des sujets fussent tués par simple suspicion de trahison, à la différence de ce qu'il se passait à Nekavland depuis que le jeune roi était au pouvoir.

- Vos excuses par courrier ont été profondément acceptées de mon côté, intervint le jeune souverain.

- Vous m'en voyez ravi. Je vous sais bon depuis votre naissance, plus que votre père qui était déjà un grand homme. Et vous savoir toujours amical à mon égard m'emplit de fierté et d'honneur. Néanmoins, malgré notre pacte de paix, notre alliance et nos correspondances, il me semblait nécessaire de venir en personne vous montrer mon affection.

- Et c'est avec grand plaisir.

Le vieil homme sourit.

- A vrai dire, c'est ma fille qui m'a soufflé l'idée alors que je lui reprochai encore une fois son attitude déplacée avec vos sujets.

- Votre fille ?

- Eh bien oui, étonnant n'est-ce pas ? Elle voulait même venir en personne ici mais je ne me serai permis de reproduire la même erreur, alors elle m'a proposé de venir m'excuser en son nom. Vous me voyez bien triste que ce mariage n'ait pu avoir lieu, mais je sais que notre alliance est de confiance et je vous comprends bien mon cher ami.

- Je suis satisfait de vous savoir si compréhensif à mon égard. Sachez bien que l'union entre votre fille et moi était une chose officielle mais qu'il n'en reste pas moins que je vous compte parmi mes alliés les plus proches. J'éduquerai mes héritiers de sortes à ce que cela perdure, qu'il porte votre sang ou non.

- Vous ne pouviez plus me combler. Dois-je comprendre par cela que vous avez déjà prévu un autre mariage ?

- A vrai dire, non. Mais si je peux me permettre d'être honnête avec vous, cela ne saurait tarder.

- Il est vrai que vous devez assurer votre descendance.

- Des enfants de mon sang me satisferait grandement en effet. Mais ne vous en faites pas, ma famille est grande et le royaume ne risque pas d'être perdu.

- Bien sûr, je me doutais qu'un héritier restait encore à Nekavland.

Naturellement, tout ceci n'était qu'un tissu de mensonge : s'il lui arrivait quelque chose, le royaume d'Airy tomberait aux mains de ses ennemis. Mais feindre était l'une des meilleures défenses. C'était particulièrement quand les royaumes voisins savaient qu'ils n'y avaient qu'une personne à tuer pour prendre le pouvoir qu'ils attaquaient.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant