Chapitre 12 : Solitude

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Airy se réveilla. Il ne perçut pas le moindre rayon de soleil, et en déduisit donc qu'il était assez tôt dans la matinée, environ 4h du matin probablement. Il tourna le regard vers la droite et découvrit Gabriella, toujours nue et assoupie. Ses cheveux étaient étalés sur l'oreiller, tels des traînées de rayons de soleil matinaux. Il les adorait. Il adorait ces boucles, cette couleur, cette longueur, leur douceur.

Gabriella était de manière générale très belle. Des yeux verts grands ouverts lui donnant un air joyeux et bienveillant, une peau claire décorée de taches de rousseur, un visage harmonieux entourant en son centre un petit nez aplati, et de très belles lèvres contrastant avec sa pâleur. Mais ses cheveux étaient probablement ce que le noble préférait chez elle.

Bien sûr, il n'avait pas attendu trois mois pour remarquer cette beauté, dès la première fois où il l'avait vu, en train de nettoyer ce dessus de l'armoire, il avait été attiré par elle. Mais il ne l'avait pas approchée directement, préférant apprendre à la connaître. Quand il était un peu plus jeune, il avait eu une aventure avec une autre de ses servantes, mais les choses avaient mal tourné : elle avait pris sa position trop au sérieux et avait commencé à demander des privilèges. Il avait dû changer de domestique. Mais Gabriella faisait très bien la différence entre son travail et le présent qu'ils s'offraient chaque nuit.

Avant la jeune femme actuellement à ses côtés, le roi avait eu cinq sujettes à son service. La première était sa gouvernante, quand il était petit. Elle était bien plus âgée que lui mais l'avait toujours traité comme une personne intelligente qui méritait d'être écoutée, à la différence de son père. Le blond avait été dévasté par son décès. Elle était âgée, cela devait bien arrivée un jour, la mort était la vie après tout. Mais tout de même, la douleur avait tardé à s'atténuer.

Après, il y avait eu cette fameuse servante avec qui il avait eu une aventure. Honnêtement, il n'en gardait pas un très bon souvenir. Elle avait à peu près son âge, et avait été la première expérience charnelle du dirigeant de Nekavland. Et puis ensuite il y en avait eu deux. Celle qui avait précédé Gabriella et qui, bien qu'elle ne fût pas particulièrement dérangeante, n'était pas la plus talentueuse ou la plus intéressante. Et avant cela, une autre qui n'était resté à ses côtés que quelques semaines, à tel point qu'il se souvenait à peine de son visage.

A l'exception de sa gouvernante, Gabriella était peut-être la servante la plus agréable qu'il eût eu. Elles étaient très différentes l'une de l'autre : la première l'avait pris sous son aile telle une mère, tandis que la seconde était bien plus douce et passive. Mais les deux lui avaient apporté ou lui apportait actuellement quelque chose. Leur seul défaut, qui n'en était pas vraiment un puisqu'aucune des deux femmes ne l'avaient décidé, restait la différence de classe sociale. Avec Gabriella, cette différence s'effaçait peu à peu, mais tellement lentement aux yeux du roi. Et puis, pourrait-elle totalement disparaître un jour ?

Airy n'avait jamais eu beaucoup d'amis. A vrai dire, il n'en avait qu'un : Milon. A l'époque il était le fils du chef de la garde royale, et désormais, pratiquement depuis qu'Airy avait accédé au trône, il avait lui-même pris cette fonction. C'était la seule personne avec qui le roi se sentait réellement bien, libre. Tous deux se tutoyaient et se vouaient une confiance aveugle, à tel point que jamais le souverain n'avait été réticent à l'idée de lui confier ses peurs, ses profonds désirs et ses rêves.

Parfois, c'était ce qui le rendait le plus triste dans sa vie actuelle : la solitude. Il avait de l'argent, du pouvoir, des femmes. C'était ce que tous les hommes désiraient, non ? Pourtant, il aurait aimé un peu plus, ou du moins autre chose : de la complicité. Amicale, amoureuse, paternel. Honnêtement il s'en fichait. Mais à part Milon, il n'avait jamais eu personne à qui se confier, tout partager. Il était toujours le Majesté de Nekavland, aux yeux de tout le monde. Et même s'il était un souverain aimé, parfois il aurait aimé être né dans une autre famille, une famille sans titre ou terres. Était-ce trop demander ? Était-ce égoïste ? Était-ce même stupide ? Régulièrement, il y pensait. Il ne pouvait taire cette voix, ce petit souhait au fond de lui qui lui disait qu'un jour, il serait heureux. Individuellement. Personnellement. Et pas en tant que roi. Non, juste en tant que lui. En tant qu'Airy.

Quand il voyait Gabriella, il se disait qu'elle ressemblait à ce qu'il voulait. Il se disait que c'était bien la première fois qu'il rencontrait quelqu'un avec qui il avait l'impression d'être libre d'être lui. Elle était intelligente et compréhensive, et au-delà de cela, elle semblait réaliser qu'au-delà d'être un dirigeant, il était une personne. Pourtant, elle le vouvoyait toujours, elle s'inclinait même encore parfois devant lui. Il aurait aimé qu'elle s'arrêtât. Il aurait aimé qu'elle aussi, soit libre d'être elle-même face à lui. Mais était-ce seulement possible ?

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant