Chapitre 19 : Excuses

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La porte des appartements claqua discrètement derrière Gabriella. Cette dernière fit volte-face, et son cœur terrifié se pinça en apercevant le roi Airy. Ne rien montrer, c'était ce qu'elle devait faire. Elle voulut retourner à son nettoyage intensif mais le souverain attrapa son poignet et la tourna vers lui.

Il murmura son nom. La servante essaya de lui donner un faux sourire mais il n'était pas dupe.

- Je ne t'ai pas vu ce matin, commença-t-il par dire.

Il semblait gêné, embarrassé. La rousse voulut bredouiller un mélange d'excuses et de justifications mais rien ne sortit de ses lèvres. Elle était devenue muette, tétanisée par son amour.

- Je suis désolé, poursuivit-il.

Sa voix était douce. Pourtant, il était clair depuis le début que leur relation ne serait que purement charnelle, qu'elle ne devrait même pas y apporter la moindre importance.

- Vous n'avez pas à...

La main du dirigeant se posa sur sa joue, à la limite de sa chevelure bouclée.

- Pourquoi tu recommences à me vouvoyer ?

Elle savait très bien pourquoi : pour marquer la différence qui les séparait. La distance qu'elle devait conserver même en dépit de leurs relations intimes.

- Écoute, sur le moment je n'ai pas pensé que tu viendrais le lendemain matin. Je suis désolé, si je m'en étais rappelé, j'aurais fait les choses différemment.

Au-delà de ses excuses qu'il n'était pas censé lui donner, Gabriella sentit son cœur se pincer. Cela voulait-il dire qu'il aurait été aussi intime avec la princesse dans tous les cas ? Que même en se rappelant de son existence, il n'aurait pas arrêté ses baisers ? La jeune femme savait qu'elle ne devait pas se sentir heurté par ces propos, ils étaient ceux d'un roi qui se fiançait. Mais au fond d'elle, son cœur lui hurlait qu'elle aurait aimé être la seule, qu'elle aurait aimé qu'il regrette non pas qu'elle l'eût su, mais qu'il l'eût fait.

Mais elle devait faire face à l'évidence : elle n'était même pas un second choix pour lui, elle n'était qu'une servante aux cheveux flamboyants.

- Je ne suis pas... Enfin je veux dire vous avez le droit. C'est normal, vous êtes roi...

Les mots de la jeune femme s'embrouillaient, comme elle n'arrivait plus à ordonner ses pensées dans son esprit. Le visage d'Airy grimaça.

- Pourquoi tu me parles comme ça ? Tu n'as pas à mâcher tes mots avec moi.

Gabriella ne répondit rien. Bien sûr que si, elle devait mâcher ses mots avec lui. En fait, elle n'aurait jamais dû arrêter de le faire. Parce qu'il était un roi et elle une servante. Parce qu'il dirigeait un royaume et elle n'avait plus rien. Parce qu'entre eux, rien ne pourrait jamais exister.

- Il est naturel d'avoir été dérangée. Je ne voudrais pas te voir dans les bras d'un autre homme non plus. Il n'est pas question de classe sociale, nous sommes intimes depuis assez longtemps pour que tu aies été perturbée et je m'en excuse. Et arrête de me vouvoyer.

- Je pensais que tant que la princesse Odile était là, c'était ce qui était convenu.

- En sa présence Gabriella. Je sais qu'il pourrait être choquant pour elle de voir que nos liens sont autant amicaux que professionnels parce qu'elle n'a pas le même rapport à ses sujets que moi.

Donc elle n'était qu'un sujet parmi tant d'autres à ses yeux ? Gabriella hocha la tête pour lui signifier qu'elle comprenait. Mais au fond, elle était brisée. Chaque mot que prononçait Airy semblait bouger le poignard enfoncé dans son cœur. Elle l'aimait. Elle l'aimait comme elle n'avait jamais aimé un homme. Mais lui ne ressentait pas cela pour elle. Lui, il aimerait la princesse Odile.

- Ne fuis pas mon regard ainsi.

Elle murmura un faible oui.

- Je dois retourner à mes affaires mais je voulais te trouver avant cela. Quand je suis passé dans mes appartements il y a quelques heures, tu n'étais pas là.

- Désolé, c'est que j'avais à faire.

Elle se reprocha de mentir. Pleurer n'était pas une chose « à faire » en tant que servante.

- Tu sais bien que je te laisse gérer ton travail comme tu le souhaites et je n'ai jamais été désappointé de ce fonctionnement. Je ne veux juste pas que tu te sentes étrange dans cette situation, et je ne voulais pas qu'un froid perdure entre nous.

Il caressa sa chevelure de sa main droite, en souriant. Puis, comme s'il ne mesurait pas l'importance de ses actes, il se pencha et l'embrassa.

Mais ce baiser ne pouvait avoir le même goût que les anciens qu'ils avaient partagés. Parce que Gabriella savait qu'elle ne lui donnait pas la même signification que le roi Airy. Parce que Gabriella savait qu'il en avait embrassé une autre quelques heures plus tôt. Parce que Gabriella savait que quoiqu'il pût dire, elle n'était pas la femme avec qui il finirait sa vie.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant