Chapitre 22 : Chute

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Gabriella hurla et sentit sa main agripper le rebord d'une meurtrière de justesse. Son poignet la lança, et elle réalisa qu'elle était tombée un étage plus bas que la princesse. Tant bien que mal, elle essaya de remonter son second bras et accrocha sa prise. Elle força, mais elle n'avait pas assez de force pour se soulever.

Son corps commença à palpiter, ses jambes à balancer dans le vide. Elle était terrorisée. Allait-elle chuter ? Ainsi, du haut d'une tour ? En bas, elle pouvait entendre de vagues cris. Certains exprimaient l'horreur, d'autres alertaient les gardes. Essayait-on de venir la sauver ?

Gabriella ferma les yeux un instant. Elle devait se calmer. Elle stabilisa ses jambes et plia ses doigts pour mieux s'agripper à le rebord. Elle ne voulait pas regarder en bas, elle savait qu'elle était bien trop haute pour pouvoir garder son sang-froid. A nouveau, elle tenta de remonter dans la tour.

En vain.

Les larmes commencèrent à couler sur son visage. Elle ne voulait pas mourir. Pas maintenant, pas comme cela. Elle réessaya.

A chaque fois que ses bras retombaient lourdement, son ventre se serrait. Elle n'était pas assez forte pour cela, elle n'y arrivait pas.

...

En bas, le sang d'Airy ne fit qu'un tour. On venait de l'avertir qu'une servante tombait d'une tour. Personne ne l'avait prévenu qu'il s'agissait de Gabriella. Il aurait reconnu sa chevelure de feu loin de dix toises. Il n'y avait aucun doute. Gabriella pendait dans le vide.

Il était paralysé, il ne savait que faire. Comment avait-elle pu trébucher ainsi, elle n'était pas maladroite. Et combien de temps allait-elle tenir avant que Milon ne vînt l'aider ? Airy savait qu'il s'était aussitôt précipité dans la tour en la voyant, mais le roi voyait déjà le corps frêle de sa servante lâcher avant qu'il n'arrivât.

Il aperçut Gabriella tenter une nouvelle fois de se hisser sur le rebord, puis retomber. Il ne lui en fallut pas plus pour reprendre ses esprits, et il hurla aux servants alentours d'étendre un drap en dessous d'elle. Au cas où... Mais il savait que c'était vain : elle s'effondrerait sur un rempart bien avant d'avoir pu toucher le tissu.

Une main de Gabriella lâcha.

Sans sang se glaça et la foule hurla.

Airy ne pouvait se résigner à la quitter des yeux. C'était comme si tant qu'il la regardait, elle ne pouvait tomber.

Mais il savait que c'était faux.

Les minutes qui suivirent furent dans les plus longues secondes de toute sa vie. Il fixait la fenêtre avec une telle intensité que ses yeux lui brûlèrent. Il avait peur de cligner de fermer les yeux, ne serait-ce que pour un clignement : et si elle n'était plus là quand il les ouvrirait de nouveau ?

Finalement, un bras passa la fenêtre et attrapa celui de Gabriella. Il la remonta à l'intérieur de la tour, et les serviteurs respirèrent de nouveau. Pourtant, Airy était toujours terrifié. Il courut immédiatement pour rejoindre sa servante.

- Allez me chercher le médecin royal ! Immédiatement ! hurla-t-il à un serviteur passant par-là.

Il arriva au pied de la tour et eut tout juste assez de conscience pour s'arrêter avant de monter le premier étage. Les escaliers étaient étroits, il ne ferait qu'encombrer s'il montait. Pour l'heure, attendre que Milon descendît la jeune femme était le mieux à faire.

Il tapa du pied nerveusement et attendit de longues minutes. Quand il aperçut enfin son fidèle ami, et sur son dos, la jeune rousse, ses yeux s'écarquillèrent et il courut vers elle. Pourquoi ne pouvait-elle pas marcher ? Était-elle blessée ? Pourtant son bras droit l'avait secouru à temps !

Le chef de la garde royale comprit son inquiétude et le rassura :

- Elle a dû s'évanouir de peur. Ne t'en fais pas. Elle respire, elle va bien.

Malgré ses mots, le cœur du souverain ne s'apaisa pas. Le médecin royal arriva quelques secondes plus tard accompagné de deux disciples. Ces derniers voulurent prendre le corps inconscient de Gabriella pour l'amener à l'infirmerie, mais le roi leur intima de la déposer dans sa chambre.

Il s'apprêtait d'ailleurs à la suivre, mais son meilleur ami lui retint le bras. Airy se retourna vivement, hâtif à l'idée de pouvoir tenir compagnie à sa sujette. Le regard sérieux en face de lui l'inquiéta. Il venait pourtant de lui dire que la domestique allait bien alors pourquoi avoir ce regard dramatique ?

- Tu peux me suivre s'il te plaît ? J'ai à te parler.

Milon ne tutoyait Airy en public que rarement, préférant garder leur relation de proximité à la sphère privée. Le roi ne discuta pas et suivit à contre-cœur le garde. De toute façon il ne serait pas de grande utilité aux côtés de Gabriella. Ils arrivèrent dans une pièce de serviteur vide, à l'abri de regards. Milon se plaça face à la Majesté, et souffla :

- Écoute, je ne veux pas que tu fasses quelque chose d'insensé parce qu'il s'agit de Gabriella...

- Qui a-t-il ? le coupa Airy.

Naturellement, le chef de la garde royal connaissait tout de la relation que son ami et la servante entretenaient, et il savait l'attachement que le noble lui portait.

- En partant aider Gabriella...

Il marqua un temps d'arrêt.

- Bon Dieu, parle ! s'exclama le roi.

- J'ai vu son Altesse.

Airy fronça les sourcils.

- Son Altesse de Satbourg ? Où ça ?

- A la sortie de la tour.

Le regard du roi devint suspicieux.

- Tu veux me dire que... tu penses que c'est elle qui a poussé Gabriella ?

Le garde haussa les épaules.

- Elle semblait beaucoup trop calme alors qu'on percevait largement les cris de la cour. Je te rapporte juste ce que j'ai vu, mais je ne veux pas que tu agisses bêtement sans réfléchir.

- Je ne vais rien faire de stupide. Mais si c'est le cas, il est hors de question que je laisse passer quelque chose de ce genre dans mon château.

Milon hocha la tête et quitta la salle, montrant au roi qu'il pouvait désormais rejoindre Gabriella. Si c'était réellement sa fiancée qui venait de faire basculer Gabriella à travers la fenêtre, il ne comptait clairement pas la laisser impunie, mariage en vue ou non.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant