Chapitre 3 : Présentation

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Il était près de minuit quand le roi emprunta enfin les couloirs vers ses appartements. Il était tout bonnement exténué et n'avait qu'une envie : dormir. Il pensait d'ailleurs le faire directement en passant le pas de sa porte, mais il dût reporter ses plans en constatant que sa servante était toujours sur les lieux. L'air semblait avoir été renouvelé, les draps avaient été changés, et chaque parcelle de la pièce avait été nettoyée. L'espace sentait bon le propre, et pourtant, la jeune domestique trouvait encore quelque chose à faire.

Celle fois-ci, il ne fallut à cette dernière que quelques secondes pour remarquer la présence de son souverain, si bien qu'elle arrivât solennellement vers lui pour s'incliner.

- Je vais laisser sa Majesté, je continuerai mes tâches demain. Sa Majesté doit avoir envie de se reposer.

Elle ne semblait pas le moins du monde fatiguée. Il suffisait pourtant d'un seul coup d'œil au sol pour comprendre qu'elle avait fait un grand travail toute la journée.

- Attendez, l'interrompit le roi.

La femme à la chevelure rousse s'arrêta. Elle se demanda un instant si elle avait fait quelque chose de mal, mais son interlocuteur coupa bien vite court à ses inquiétudes :

- Comment vous appelez-vous ?

- Sa Majesté peut m'appeler Gabriella.

- Gabriella comment ?

- Simplement Gabriella. Si cela convient à sa Majesté bien sûr.

Il n'était pas rare que des serviteurs ne possédassent pas de nom de famille, principalement les jeunes orphelins. Ainsi, Airy n'insista pas plus.

- Au risque de me répéter, je voudrais réellement que vous me vouvoyiez.

La jeune servante hocha la tête en rougissant. Il comprenait que ce qu'il lui demandait n'était pas commun et peu évident puisque respecter le roi du royaume était l'une des choses les plus importantes. Mais si la demande venait du dirigeant lui-même, elle devait comprendre qu'il n'y avait pas de problème.

- Vous pouvez disposer, je ne pensais honnêtement pas que vous resteriez si tard.

Le ton du roi ne sonnait pas comme un reproche, ainsi la domestique se sentit libre de répondre :

- C'est qu'il y avait beaucoup de travail, la poussière était bien ancrée dans tous les recoins. Je n'ai pas encore eu le temps de nettoyer la bibliothèque de sa... votre bibliothèque, Sire. Je m'en chargerai demain. Voulez-vous que je vous réveille également demain matin ? Il m'a été dit que je devais voir avec vous pour mes taches.

Le souverain apprécia sa demande. Elle avait plus la tête sur les épaules que lui, il avait totalement oublié tout le discours qu'il devait lui tenir. Mais actuellement, il était bien trop fatigué :

- Pas la peine de me réveiller, et ne venez pas laver avant que je ne me sois levé. Pour les modalités de votre fonction, on en discutera plus tard si vous le voulez bien. Je passerai en fin de matinée vous voir ici-même.

La jeune femme s'inclina devant le dirigeant de son royaume et partit aussitôt. Le roi se fit la réflexion que, s'il était fatigué de toutes ces marques de respect, il avait au moins la possibilité de ne pas les respecter si ce n'était avec les rois des royaumes voisins. En revanche, ses sujets comme la jeune Gabriella, devaient obligatoirement s'y soumettre et ce n'était sûrement pas plus agréable pour eux. Personne ne trouvait donc son compte dans cette histoire, et pourtant, les choses restaient inchangées.

...

Le lendemain, le même rituel matinal se déroula : le roi Airy se réveilla avec les rayons du soleil aux alentours de dix heures, la cheminée encore flambante et la chambre vide de toute présence. Il avait dit à Gabriella de ne pas le réveiller car il pensait intérieurement l'être par son passage vers six heures du matin pour allumer le feu, mais elle était décidément très discrète et il se retrouvait donc à dormir bien plus tard qu'à l'accoutumée. C'était une chose qu'il ne pouvait s'accorder plus longtemps, ce rythme lui laissait bien trop peu de temps pour traiter les documents du jour.

Le dirigent se dépêcha de s'extraire de son lit et se vêtit. Il se dépêcha par la suite de se rendre dans ses bureaux. Une fois arrivé dans la salle du trône, il fut largement soulagé de voir que ses secrétaires avaient pris l'initiative d'effectuer les mêmes taches que la veille sans qu'il n'en eût donné l'ordre. Cela lui fit gagner un temps monstrueux.

Rendre son personnel autonome était l'une des premières choses qu'il avait instauré en devenant roi. Son père préférait largement tout contrôler mais Airy aimait laisser une marge de manœuvre à ses serviteurs pour augmenter l'efficacité de la gestion du royaume. Évidemment, cette autonomie ne touchait que les activités à l'intérieur du château et le personnel du roi n'avait pas le droit de contacter qui que ce fût de l'extérieur sans sa validation : il fallait permettre à Airy de défaire leur travail si jamais il y avait un problème. Pour le moment ce n'était jamais arrivé mais il préférait anticiper. Après tout, de quoi aurait-il l'air si ses sujets répondaient des propos déplacés aux dirigeants des royaumes alliés ?

Malgré tout cela cependant, le roi avait déjà accumulé du retard sur sa matinée et anticipait déjà l'heure tardive à laquelle il allait pouvoir se coucher. Définitivement, il devait reprendre un train de vie correcte, se lever à une telle heure avec tant de travail n'était plus envisageable, malgré qu'il admît sans difficulté que le sommeil de ses deux derniers jours lui avait fait le plus grand bien.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant