Chapitre 9 : Intimité

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Le roi attrapa une mèche de cheveux de Gabriella entre ses doigts. Ils étaient encore un peu essoufflés, nus et allongés.

- Tu as toujours eu cette couleur de cheveux ?

- Et vous Sire ?

Le souverain ricana.

- Je l'admets, ma question n'était pas très intelligente. Ceci dit, certains enfants naissent avec une autre couleur de cheveux que celle qu'ils ont à l'âge adulte.

La jeune femme sourit.

- C'est vrai. Mais moi, j'ai toujours été ainsi.

- C'est une couleur fascinante.

- Parce que peu de gens l'ont.

- Peut-être. Mais même au-delà de ça, on dirait presque qu'elle n'est pas naturelle. Elle est beaucoup plus intense que les autres, plus éclatante.

Il s'arrêta un temps.

- J'aime bien. Mais tu dois déjà le savoir.

Gabriella rit :

- Oui, je le sais, vous me l'avez déjà dit maintes fois.

Airy sourit. Puis, après un instant de paisible silence, il demanda :

- Tu crois que tu pourrais arrêter de m'appeler ainsi ?

La jeune femme écarquilla les yeux :

- C'est vous qui me l'avez demandé...

- Non. Enfin si, je sais mais... Je ne te demande pas de m'appeler à nouveau « Sa Majesté », au contraire. Je voudrais que tu me tutoies.

Elle rit à nouveau.

- Ça je ne le peux pas.

- Pourquoi ?

- Parce que je n'en ai pas le droit tout simplement ! Je ne devrais même pas me permettre de m'adresser directement à vous comme je le fais, alors vous tutoyer, ce qui signifierait vous placer au même rang que moi, ce n'est pas imaginable, vous le concevez bien.

Le roi souffla.

- Si c'est moi qui t'en fais la demande, je ne vois pas en quoi ça serait dérangeant. Nous partageons presque toutes nos nuits depuis un mois maintenant, le vouvoiement est étrange dans ces conditions.

- Nous partageons peut-être nos nuits, mais je n'en reste pas moins votre servante.

- Tu es peut-être ma servante mais dans ce genre de rapport, nous ne devrions pas marquer notre différence.

Il marqua un silence.

- Tu trouves que nous sommes d'égal à égale ? finit-il par murmurer.

- Sire, vous êtes un dirigeant de Royaume, il...

- Ce n'est pas de cela dont je parlais. Es-tu étais ici parce que je suis ton Roi, ou parce que tu le veux ? Est-ce que tu te sens libre de refuser mes avances ? Tu ne l'as jamais fait jusque-là.

Gabriella ferma les yeux. Devait-elle répondre honnêtement à cela ? Le ton calme d'Airy lui laissait penser que c'était sûrement la meilleure chose à faire :

- Non, bien sûr que non je ne peux pas me sentir totalement libre de vous repousser. Mais en réalité je ne me suis pas vraiment posée la question, parce que je n'avais pas réellement envie de refuser vos avances.

- Donc tu consens à notre intimité ?

- Vous ne devriez pas vous en préoccuper autant, Sire.

Le roi Airy se tourna d'un quart de tour pour reposer son dos contre le lit.

- Bien sûr que si. J'aurais même dû m'en préoccuper plus tôt. Je ne veux pas te contraindre d'une quelconque façon. Je sais que je le pourrais, que je le fais même sans réellement le désirer, mais ce n'est pas comme cela que j'ai envie de fonctionner.

La domestique sourit.

- Je suis bien ici, murmura-t-elle pour retirer toute trace de culpabilité à son interlocuteur.

Ce dernier se tourna à nouveau vers elle. Ils étaient encore plus beaux près l'un de l'autre.

- Si tu te sens libre, alors tutoies-moi Gabriella. Je sais qu'on a dû te dire tout l'inverse mais je suis davantage dérangé par toutes ces appellations qu'honoré.

- Ce n'est pas la seule chose que vous contredisez sur la formation qu'on m'a donnée avant de vous fréquenter, rit la jeune femme. Mais je persiste à dire que je ne peux pas.

Le roi Airy souffla.

- C'est plus épuisant de se battre pour ne pas se faire respecter que l'inverse.

- Avez-vous déjà été bafoué Sire ? répondit Gabriella le sourire aux lèvres.

- Pas vraiment, mais parfois j'aimerais bien. Tu ne pourrais pas au moins essayer ?

- Sire...

- S'il te plaît.

Le regard du dirigeant s'encra dans celui de sa compagne nocturne. Elle céda :

- J'essayerai. Mais uniquement dans vos appartements, je ne peux pas me permettre de vous tutoyer à l'extérieur, devant votre cour ou vos sujets.

Satisfait, le dirigeant de Nekavland opina et se coucha à nouveau sur le dos.

Il était bien assez tard pour que les deux songeassent à dormir, mais Gabriella peina à trouver les bras de Morphée. A vrai dire, elle n'avait jamais réellement pensé à son consentement comme le faisait apparemment Airy. Certes, elle avait constaté son désir pour lui, elle avait mesuré les risques d'une relation si privée avec lui. Mais jamais elle ne s'était vraiment demandé si elle se sentait libre de refuser les envies du roi. Jamais elle ne s'était demandée si elle avait réellement envie de lui, ou si elle avait suffisamment envie pour accepter. La différence était énorme, à bien y réfléchir. Mais il avait été plus simple d'éluder la question, parce qu'il était un roi, et que les volontés du roi était sacrées.

Gabriella se sentit soudainement chanceuse, de partager ses nuits avec un homme qui pensait à son désir profond, ses envies et sa liberté. Mais de toute façon, puisque l'acte avait déjà été consommé, la question ne se posait plus, non ? Une fois l'intimité partagée, elle ne pouvait plus vraiment refuser, n'est-ce pas ? C'était cela être une femme, et se donner à un homme. Du moins, c'était ce que son naïf esprit pensait. Parce qu'après tout, c'était ce qu'on lui avait toujours dit.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant