Chapitre 27 : Visite

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Le roi Airy courut pour parcourir un énième couloir. La réception qui se tiendrait le lendemain soir avait chargé sa journée. Pourtant, le souverain avait l'impression qu'il n'arriverait jamais à sortir la tête de l'eau. Et puis il avait cette foutre tenue qui le dérangeait dans le moindre de ses mouvements. Sa servante n'aurait-elle pas pu lui donner autre chose de plus adapté ? Gabriella l'aurait fait, elle.

Pour le moment, rien n'était prêt : le menu venait à peine d'être confectionné, les plans de tables étaient loin d'être parfait, et l'un des musiciens étaient malades et devaient donc être remplacé. Décidément, rien n'allait !

Bien sûr, si l'évènement avait été annoncé plus tôt, le château aurait pu s'organiser autrement. Mais le roi de Satbourg avait préféré avertir subitement de sa visite à Nekavland ce qui ne leur laissait que quelques heures pour préparer la réception. Il devait pourtant savoir qu'il était inhabituel de prévenir aussi peu à l'avance une visite de telle augure !

D'ailleurs, en plus de l'angoisse des préparatifs, Airy se sentait particulièrement dérangé à l'idée de cette visite : que voulait donc son égal ? Était-ce en rapport avec l'incident de la princesse Odile ? Ou concernait-ce leur alliance alternative ? Il n'en avait aucune idée et évidemment, le roi de Satbourg n'en avait rien dit.

- Si je puis me permettre d'interrompre sa Majesté dans ses activités, je voudrais savoir si elle désire un thème précis pour la décoration de la salle ? l'interrogea l'un des serviteurs.

- Non, choisissez au mieux, mais surtout au plus rapide !

Et puis toutes ces politesses qui ralentissaient de plusieurs secondes chaque demande, c'en était insupportable ! Tout l'énervait au plus haut point en ce jour. Comment allait-il faire pour organiser tout ce qu'il fallait à temps ?

- Je pris sa Majesté d'excuser mon apostrophe, mais nous avons un problème avec les plans de tables, l'interpela un autre membre du personnel.

- Quoi donc ?

- Nous n'arrivons pas à régler les problèmes que sa Majesté nous a indiqué.

Le roi s'arrêta subitement dans sa course faisant aussi se stopper ses secrétaires et son interlocuteur. Il souffla et prit son visage entre ses mains. Quel bordel !

- Allez chercher Gabriella en bibliothèque, dite lui d'abandonner ses activités habituelles pour gérer toutes les questions d'organisations et ne venez me contacter que si elle ne peut pas répondre. Faites passer cette information à tout le personnel.

- Bien sûr, nous ferons comme sa Majesté le désire.

Il aurait préféré donner lui-même ces directives à la jeune femme, mais puisqu'elle n'était plus en permanence à ses côtés, c'était bien plus compliqué. Au moins, avec elle, il aurait la certitude que tout serait rapidement réglé et avec minutie.

Le membre du personnel royal partit en trombe vers la bibliothèque. Il poussa les lourdes portes et trouva l'ancienne servante du roi dans l'un des rayons de livres.

- Sa Majesté requiert votre présence à la réception.

Gabriella regarda le sujet étonné et descendit de son échelle.

- Vraiment, pour quelle raison ?

- Pour organiser. Sa Majesté dit que vous êtes en charge.

Une pierre tomba sur la tête de Gabriella. Mais pourquoi donc le roi avait-il décidé de lui donner une telle tâche ? Sans la prévenir ! Pour la dernière réception elle avait passé des jours à penser au moindre détail, elle n'était pas préparée à gérer ce genre de choses dans la précipitation !

- D'ailleurs, une interrogation me vient : pour le plan de table, pensez-vous que le fou de sa Majesté de Satbourg doit être au plus près de la scène de spectacle donc du côté senestre du trône, ou auprès de son roi ?

La domestique rangea le livre qu'elle tenait dans l'un des rayons de l'immense bibliothèque et s'essuya les mains poussiéreuses dans sa robe. Puisqu'elle était à la tête de l'organisation, même si elle avait peu de temps, elle allait tenter de faire de son mieux.

- Avez-vous bien placé sa Majesté de Satbourg à la droite de sa Majesté de Nekavland ? demanda-t-elle.

Le sujet hocha vivement la tête.

- Et la scène est du côté senestre, indiqua-t-il.

- Alors vous ne pouvez pas mettre le fou à gauche de sa Majesté, ce dernier est trop proche du Roi de Satbourg pour ne pas être à droite.

Le serviteur remercia la jeune femme en s'inclinant devant elle. La gauche était depuis très longtemps, et dans de très nombreux royaumes, assimilé au mauvais Dieu. « Senestre », le mot qualifiant ce côté, était d'ailleurs un dérivé de « sinistre ». Chez Gabriella, cette croyance n'existait pas, pas plus qu'à Nekavland qui n'était pas un pays très croyant. Mais Satbourg, en revanche, aimait toutes ces superstitions. Le fou étant le compagnon indispensable et respecté de chaque roi, il devait en ce sens être traité avec presque autant de respect que ce dernier.

- Et concernant le garde personnel de sa Majesté de Satbourg, faut-il lui compter une assiette ou restera-t-il en retrait ?

- Dans leur royaume, les gardes ne mangent pas au même moment que leurs Majestés donc n'en mettez pas, ni pour lui, ni pour Seigneur Milon.

A nouveau, le sujet hocha la tête et s'inclina. Tout le reste de la journée se déroula ainsi pour Gabriella : on lui posait toutes les questions liées à l'organisation, et elle tentait au mieux de ne pas se référer au roi qui avait déjà beaucoup à faire. Le château entier s'affolait mais apercevait peu à peu la fin du cataclysme.

Aux premières heures du matin, tout était enfin prêt : les chambres pour les invités, la suite pour les proches de sa Majesté, la salle de réception ainsi que le menu et les divertissements. Le roi de Satbourg serait respectueusement accueilli au lendemain matin et c'était un soulagement pour tout le monde.

Airy mit plusieurs longues minutes voire heures avant de tomber dans les bras de Morphée. Il ne pouvait cesser son esprit de fonctionner, de s'inquiéter. Et il savait d'avance que ce sentiment ne s'arrêterait pas tant qu'il ne se serait pas entretenu avec le Roi de Sabourg pour connaître la raison de sa venue si soudaine. La seule chose qui le rassurait quelque part était que le souverain avait précisé dans sa lettre que la princesse Odile ne ferait pas partie du voyage. Il s'agissait d'après lui d'un signe de paix et d'amitié.

Sans oublier que Gabriella serait ainsi sauve.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant