Chapitre 21 : Jalousie

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La princesse Odile avança encore d'un énième pas vers la servante. Gabriella sentit sa gorge se serrer de peur. Quel était donc ce regard ébène ?

- Son Altesse a-t-elle besoin de quelque chose ? osa-t-elle murmurer une nouvelle fois.

- Vous savez, commença la noble en l'ignorant, j'ai dormi avec sa Majesté le soir de mon arrivée. Nous avons passé un agréable moment tous les deux, du moins c'était ce que je pensais. Mais le lendemain, il a refusé mes avances. A la manière d'un roi naturellement, mais il s'agissait tout de même d'un refus. Alors, je me suis questionnée : qu'avais-je donc fait pour irriter mon futur époux ? Et puis j'ai entendu des choses, des rumeurs. Vous devez savoir de quoi je parle, non, servante ?

La sujette déglutit et recula une fois de plus vers le mur.

- Il semblerait que sa Majesté et vous appréciez passer du temps ensemble. Et il semblerait également, que vous vous soyez permise de prendre ma place dans ses draps la nuit. Savez-vous à quel point vous m'avez bafouée ?

- Je ne...

Les mots de Gabriella se bloquèrent dans sa gorge. Bien sûr, c'était faux : elle n'avait pas dormi avec le roi depuis que la princesse était arrivée à Nekavland. Certains baisers avaient pu être volés, mais ils n'avaient pas été si intimes.

- Je suis ridicule aux yeux de sa Majesté désormais, et tout cela, c'est à cause de vous. Vous, misérable bonne.

Gabriella était perdue et terrifiée. Son interlocutrice ne cessait d'avancer dans sa direction, les yeux aussi menaçants que ceux d'un vautour. Et la sujette avait beau reculé, elle ne trouvait d'autres échappatoires.

- Sa Majesté est un généreux roi, commença Gabriella. Il traite avec respect ses serviteurs mais aucun...

Elle déglutit.

- Aucun blasphème à votre encontre n'a été fait. Je ne me serais pas permise de...

- La ferme ! hurla la princesse.

La jeune femme fronça les sourcils et fit un grand pas en avant. Elle attrapa avec rage le drap bleu roi débordant du panier et le jeta au sol.

- Vous n'êtes qu'une menteuse. Une hypocrite petite menteuse aux cheveux du démon. Pour qui vous prenez-vous, pour me manquer ainsi de respect, sous mes yeux ? Sa Majesté m'est promise et vous osez l'attirer dans vos bras ?!

Gabriella bredouilla des excuses. Elle ne savait ni quoi répondre, ni comment échapper à la situation. L'Altesse en face d'elle n'avait plus rien de cordial – si on pouvait considérer est qu'elle l'eût déjà été – et l'angoisse dans le ventre de la domestique grandissait peu à peu.

Un énième pas en avant de la noble fit cogner le dos de la servante contre le mur, à quelques centimètres de la meurtrière. Bien sûr, cette fenêtre n'était plus réservée aux arcs de la garde royale, mais personne n'avait pris le temps de boucher l'ouverture.

Gabriella le savait, elle pouvait basculer. Et face à ce regard ténébreux et menaçant, l'idée s'encrait assurément dans son esprit.

- Voulez-vous toujours me mentir, désormais ? continua la noble.

La sujette du roi ne répondit pas. Elle était trop terrorisée pour prononcer quelque mot que ce fût. Et puis à quoi bon ? Jamais l'Altesse ne la croirait.

La princesse s'impatienta.

Elle avança rapidement vers la domestique et poussa le panier contre le corps frêle de cette dernière. Gabriella lâcha l'objet d'une main et se rattrapa de justesse à la paroi arrondie de la tour.

Il n'y avait plus de doute désormais, la princesse Odile voulait la blesser.

La femme aux cheveux roux chercha à se redresser et à s'éloigner de la meurtrière. Jamais elle n'avait aussi bien compris le nom de cette fenêtre sans vitre. La fiancée du roi revint à l'assaut et la secoua à nouveau le panier.

Gabriella hurla.

- Madame je...

- Ne m'appelle pas... Madame !

La princesse attrapa avec fermeté le rebord du panier auquel la domestique s'accrochait sans raison, et poussa. La servante chercha à se rattraper au bras de son Altesse – elle n'avait pas le droit de toucher un membre de la famille royale, mais les conventions n'étaient plus la priorité dans l'esprit de la jeune femme. Seulement, son interlocutrice se dégagea et projeta le corps fragilisé par la terreur contre le mur.

Le choc de son dos contre la pierre fit hurler Gabriella. Mais avant qu'elle n'eût le temps de reprendre ses esprits, un bras la souleva et la poussa.

Et lentement, elle sentit son corps basculer dans le vide.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant