Chapitre 2 : Servante

12.1K 979 25
                                    

Aux alentours de quinze heures, Airy parcourait de nouveau les couloirs de son château. Il n'arrivait plus à mettre la main sur la fiche des comptes et espérait l'avoir laissée dans sa chambre après avoir travaillé dessus il y avait de cela quelques jours. Sinon, il allait être bon pour tout refaire, ou tout faire refaire. Dans les deux cas, c'était une nouvelle contrainte fastidieuse qui s'ajoutait à sa journée.

En ouvrant la porte de ses appartements, il ne s'attendait pas à tomber sur une jeune femme, plutôt petite, aux longs cheveux inhabituellement mais magnifiquement roux et bouclés. Elle se tenait à bout de pieds sur une chaise pour faire le ménage au-dessus d'une grande armoire. Cela devait faire des lustres que personnes ne l'eût nettoyé, Airy se demandait bien pourquoi elle s'embêtait à le faire. Il ne doutait pas que l'inconnue fût sa nouvelle servante. Et à la vue de ses mains délicates, il comprenait pourquoi il n'avait pas été réveillé ce matin.

Pour signaler sa présence, le roi toussota, et la jeune femme faillit tomber de son escabeau de fortune. Fort heureusement, elle se rattrapa de justesse après avoir poussé un petit cri. Une fois stable, elle tourna sa tête vers le maître des lieux et écarquilla les yeux. Elle descendit ensuite à toute vitesse de son perchoir, arriva au niveau du souverain, puis s'inclina.

- Si sa Majesté veut bien m'excuser, je ne l'avais pas vue. Je me présente je suis la nouvelle servante personnelle de sa Majesté, je viens remplacer ma prédécessrice.

Airy leva les yeux aux ciels devant cette attitude qu'on avait pourtant dû lui recommander. Il l'invita à se redresser.

- Je ne savais pas que sa Majesté avait besoin de ses appartements aujourd'hui, je peux partir si elle le désire.

Le blond secoua la tête négativement, toujours désespéré par tant de pincettes :

- Je venais simplement chercher des papiers sur mon bureau, vous pouvez rester. En revanche, j'aimerais beaucoup que vous arrêtiez de m'appeler « Sa Majesté ». Le vouvoiement sera amplement suffisant.

Avec son ancienne servante, il n'avait jamais réussi à avoir le fin mot de l'histoire. Mais peut-être que celle-ci comprendrait ? A la vue de la réponse qu'elle lui donna, il en doutait déjà :

- S-Sa Majesté ne doit pas être vouvoyée ! Elle...

- Oui, oui, je sais, elle est de haut rang et on doit la respecter. Mais moi je préfère le vouvoiement. Vous n'êtes pas censée faire ce que je vous dis avant tout ?

Elle bredouilla quelques mots en rougissant. Elle avait sur les joues de multiples taches de rousseur bien caractéristiques de la couleur de sa chevelure.

- Je ne vous dérange pas plus longtemps dans votre grand ménage, mais vous n'êtes pas obligée de vous ennuyer à nettoyer ce haut de placard, personne n'y touche.

- La poussière vole, sa Majesté risquerait d'en tomber malade, lui répondit-elle sans trop s'affirmer.

Airy releva tout d'abord le fait qu'elle l'ait encore une fois appelé « Sa Majesté » malgré ses recommandations, puis nota qu'elle était bien la première servante à s'investir autant dans le ménage de ses appartements. Il haussa les épaules. Il ne voyait pas réellement l'intérêt de nettoyer ce qui ne se voyait pas, mais si elle jugeait cela nécessaire, il n'y voyait pas non plus d'inconvénients.

- Faites comme bon vous semble.

Il attrapa ensuite le cahier de comptes en effet laissé dans ses appartements pour repartir dans son bureau public.

- Je ne serai pas là avant ce soir alors profitez de mon absence pour nettoyer la salle d'eau également. Elle en a bien besoin, grimaça-t-il.

- Si sa Majesté le désire.

Cette phrase l'irritait définitivement. C'est pourquoi il ajouta à nouveau avant de partir de la pièce :

- Le vouvoiement ira très bien.

Il ne savait pas qui avait instauré toutes ses règles de locutions et d'adresses, mais il ne comprenait pas cette personne.

Sur le chemin vers son bureau et en se rappelant de la peau claire de sa nouvelle domestique, il constata qu'il ne lui avait même pas demandé son nom. Il faudrait qu'il y pensât la prochaine fois, ce serait bien plus simple pour l'interpeler en cas de besoin. Il devrait également lui lister ce qu'il voulait qu'elle fasse pour lui, et surtout ce qu'il ne voulait pas qu'elle fasse. Rien que d'y penser, il était épuisé.

Il espérait de tout cœur que cette jeune femme à la belle chevelure rousse serait plus réfléchie que sa précédente servante. Combien de fois avait-il dû répéter à l'ancienne de ne pas rentrer dans la salle de bain quand il se lavait ? Ou bien de ne pas ranger son bureau à sa place ? Il avait arrêté de les compter. A bien y réfléchir, il aurait peut-être dû songer à demander à en changer plus tôt. Il ne l'avait jamais fait parce qu'il savait qu'après ce genre de remarques, les servantes étaient encore plus mal traitées et malgré tout, elle faisait son travail. Dans tous les cas, elle était partie pour épouser un agriculteur d'un royaume voisin alors ça ne le concernait plus vraiment.

- Sa Majesté a-t-elle retrouver ce qu'elle cherchait ? demanda son secrétaire quand il entra de nouveau dans la salle du trône.

Ce à quoi Airy hocha distraitement la tête, se remettant directement à travailler. Il sentait déjà un mal de cou lui venir et pourtant, il n'était pas près d'avoir fini son travail. Il regrettait les journées de visites dans diverses contrées de son royaume. Au moins, lors de ces dernières, il n'était pas assis toute la journée à un bureau !

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant