Chapitre 18 : Sentiments

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Gabriella rejoignit un coin isolé du château qu'elle avait découvert il y avait de cela quelques semaines. Elle s'y accroupit, les larmes dévalant toujours ses joues. Son cœur la serrait, et sa gorge semblait étouffée.

Elle ne comprenait pas. Pourquoi ressentait-elle tout cela ? Pourquoi même avait-elle été surprise de voir tout cela ? Finir la nuit ensemble pour un roi et une princesse se fiançant était habituel. A Nekavland, mais aussi chez elle. En fait, c'était même bon signe. Alors pourquoi souffrait-elle à ce point ? Au fond, la réponse, Gabriella la connaissait. Elle s'était attachée au roi Airy. Mais n'aurait pas dû, et elle le savait depuis le début.

Le souverain était un dirigeant généreux et altruiste, il était amical et gentil avec elle. Il était aussi beau et respectueux. Et toutes ces qualités étaient ce qu'elle cherchait chez un homme. Sauf qu'elle ne pouvait avoir Airy. Il n'en avait même jamais été question. Et elle le savait. Parce qu'elle restait une servante, et lui un roi.

Il était près de neuf heures désormais, et elle était supposée commencer le ménage dans les appartements royaux. Le roi était sûrement déjà réveillé, et la princesse Odile avec. Pourtant, elle était encore dans ce coin reculé du château, à l'abri des regards. Elle devrait y retourner, elle le savait. Mais elle n'en avait pas envie. Encore moins que lorsqu'elle avait dû revoir le roi après leur première nuit. Était-elle amoureuse ? Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait, elle ne savait même pas pourquoi elle le ressentait. La seule chose qu'elle savait, c'était qu'elle n'en avait pas le droit.

Pour retirer un peu de sa culpabilité, la femme aux cheveux roux se répétait inlassablement qu'Airy ne lui en voudrait pas si elle ne remplissait pas ses tâches ce jour-là. Parce qu'il l'appréciait. Puis l'image de la princesse dans ses bras lui revenait, et elle se rappelait qu'il ne l'appréciait pas de la même façon qu'elle l'appréciait. Elle se rappelait que malgré toute leur complicité, malgré tous ces mois d'intimité, il n'avait désormais plus besoin d'elle pour lui tenir compagnie la nuit.

Peut-être le roi n'avait-il chercher que cela auprès d'elle, finalement ? Une présence féminine dans son lit. Pourquoi ne voulait-elle pas le comprendre ? Pourquoi ne voulait-elle pas comprendre qu'une servante, peu importaient ses qualités et son passé, ne pouvait aimer un roi. Pourquoi ne pouvait-elle pas comprendre que la princesse Odile était ce dont le roi avait besoin ? Ce dont Nekavland avait besoin ?

Elle pleura à chaudes larmes durant près de trois heures. L'heure du déjeuner approchant, elle se rappela que sa Majesté et son Altesse allait déjeuner dans l'une des salles à manger du château. C'était l'occasion parfaite pour enfin commencer à travailler, elle serait sûre de ne croiser ni l'un ni l'autre. Ainsi, Gabriella réussit à se lever de son refuge. Elle essuya ses larmes, ses joues, son cou, secoua son esprit et tonifia ses jambes. Puis elle marcha en direction de la suite royale. Dans les couloirs, personnes ne fit attention à elle, à ses yeux bouffis et à ses joues rosées. Elle n'était qu'une servante après tout. A la différence du roi Airy.

Cette fois encore, une fois devant les appartements du souverain, elle ne toqua pas. Elle préférait ne pas savoir si quelqu'un était à l'intérieur, autrement, elle savait qu'elle fuirait. Mais fort heureusement pour elle, elle trouva une pièce vide. Le lit avait même été fait, comme si rien ne s'était passé, comme si personne n'avait dormi ici cette nuit. Mais Gabriella savait que ce n'était pas le cas. Elle se rappelait avec vivacité ce qu'elle avait vu.

Naturellement, elle décida de s'enfermer dans la salle d'eau. Elle lava chaque recoin de fond en comble alors même qu'aucun n'avait vraiment eu le temps de se salir depuis la veille. Mais nettoyer lui faisait penser à autre chose, et c'était ce dont elle avait besoin.

Gabriella ne pouvait se permettre d'être aussi blessée. Elle devait s'en remettre, vite. Comprendre que ses sentiments devaient disparaître et redevenir la sérieuse servante qu'elle avait jusque-là toujours été. Le roi Airy avait beau être quelqu'un d'exceptionnel, il n'en restait pas moins le dirigeant de l'un des plus gros royaumes du monde, et rien que cela était suffisant pour interdire toutes sortes de romantisme entre eux.

La Servante du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant