Chapitre 4 : Instructions

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- Je suis en retard, veuillez m'excuser, annonça Airy en entrant dans ses appartements.

Gabriella l'attendait sagement alors qu'il était l'heure du déjeuner.

- Sire, vous n'avez pas à être désolé auprès de moi.

- Demain, réveillez-moi au lever du soleil, l'ignora-t-il. Vous êtes définitivement trop discrète.

- Excusez-moi, Sire.

- Ce n'était pas vraiment un reproche, haussa-t-il les épaules. Je vais faire vite pour vous libérer, soyez attentive.

La servante hocha la tête.

- Le matin, vous allumez la cheminée sauf si je vous demande le contraire la veille, comme vous l'avez fait jusque-là. Pour mon réveil, je vous tiendrais également au courant la veille pour le lendemain. Vous êtes libre de vaquer dans mes appartements pour travailler à moins que je ne vous demande de sortir ou que je vous attribue une autre tâche. En revanche, quand je prends mon bain, je ne veux pas que vous rentriez dans la salle d'eau. Vous n'avez pas besoin d'être là pour me vêtir le matin à moins d'une visite importante ou d'une réception de grand augure, mais j'attends de vous le nettoyage et le lavement de mon linge. Pour le moment ça sera tout. Des questions ?

- Une seule, Sire.

- Je vous écoute, répondit le roi.

- Puis-je me permettre de bouger certains objets de leur place originelle ?

Le dirigeant fronça les sourcils :

- Vous avez un exemple à me donner ?

La jeune femme hocha la tête :

- En nettoyant votre salle d'eau ce matin, j'y ai trouvé plusieurs livres. Avec l'humidité les pages s'abîment et je me demandais si je pouvais les mettre au sec.

Airy ne savait même pas qu'il y avait des ouvrages dans sa salle de bain. Il lisait parfois mais il avouait ne pas y vouer une passion folle. De plus, il n'était pas organisé. Quand il s'agissait de paperasse, les secrétaires rangeaient pour lui, mais pour ses effets personnels, c'était bien plus compliqué de tout garder en ordre.

- Pour ce genre de choses oui. En revanche, j'ai oublié de vous le dire, je ne veux pas que vous touchiez à mon bureau. Si vous avez besoin de le débarrasser pour y faire la poussière, demandez-moi au préalable. Et pas tous les jours évidemment.

- Comme vous le désirez, Sire. Et que dois-je faire si mes taches sont terminées plus tôt dans la journée ?

- Ce que vous voulez, je n'ai que faire du temps que vous mettez à effectuer votre travail tant qu'il est fait. Vous avez comme temps libre tout le temps que vous ne passez pas à remplir votre rôle de servante.

La sujette hocha la tête lentement, plutôt ravie de ce fonctionnement. Elle était de nature efficace alors cela lui convenait bien.

- Vous pouvez aller déjeuner. Si le service est terminé, dites à votre supérieur que je vous ai retenu et qu'il peut faire une entorse aux horaires de service pour cette fois.

La jeune femme le remercia gracieusement en s'inclinant devant lui, puis s'en alla de la pièce. Investie et réfléchie, c'était tout ce qu'il demandait pour sa servante personnelle, et la jeune Gabriella semblait remplir ces critères à merveille. Et puis, il fallait le dire, elle n'était pas désagréable à regarder.

Les cheveux roux avaient toujours intrigué, fasciné même le peuple de Nekavland. Certains pensaient même qu'en les trempant dans du sang, on obtenait de l'or. Une légende urbaine bien évidemment, mais elle représentait bien la place particulière qu'avait les roux dans ce monde. En revanche, cette position était à double-tranchant, car qui disait fascination, disait également mauvaise attention. Airy ne comptait plus le nombre de fois où il avait entendu des personnes être condamné à mort pour sorcellerie simplement car ils avaient cette couleur de cheveux. Et il ne parlait pas des expériences étranges qu'on leur faisait subir ! Il ne connaissait pas Gabriella, mais il ne doutait pas que sa vie en tant que rousse, et qui plus était en tant que femme socialement démunie, comprenait de nombreux évènements douloureux enfoui au fond de son cœur. De son côté, Airy avouait aisément trouver un certain charme dans cette couleur. La peau blanche et parsemée de tâches qui allait parfois avec lui plaisait aussi. Il ne croyait pas aux histoires qu'on racontait sur leurs attributs, mais il ne pouvait nier la beauté qu'il y lisait depuis tout petit.

Après le départ de la jeune femme en question, le dirigeant décida qu'il serait préférable de sauter l'heure du déjeuner afin d'avancer dans son travail. Il ne put cependant pas s'empêcher de faire un tour dans la salle de bain. Et en effet, en ouvrant la porte, à côté de ses thermes privés, il trouva une pile de livres quelque peu gondolés du fait de l'humidité. Il les attrapa et les posa sur la table centrale de son appartement, signifiant ainsi à sa servante qu'elle pouvait les déplacer où bon lui semblait. Cette dernière semblait savoir entretenir un lieu de vie, ce qui n'était pas son cas, alors il lui laissait le champ libre. Tant qu'elle ne dépassait pas les limites qu'il lui imposait, il n'avait pas de raison de la restreindre dans ses initiatives.

Il n'attendit pas plus avant de retourner travailler. Il avait encore du courrier à traiter et l'un de ses comtes venant de non loin de là lui rendait visite pour lui parler des problèmes de rendements sur ses terres agricoles. Le souverain ne pouvait évidemment pas compenser les choix de la nature sur tout son royaume, mais s'il jugeait la situation grave, il trouvait normal d'intervenir pour éviter une famine générale.

La Servante du RoiWhere stories live. Discover now