Capitulation

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Récemment on m'a annoncé que je ne verrais plus certaines personnes qui comptent pour moi. J'avoue ne pas avoir bien compris pourquoi je ne les verrais plus mais je n'ai pas posé de questions. Ma mère m'a toujours dit que poser trop de questions dérange la personne en face de nous. Je recule d'un pas et attend, je ne comprend pas pourquoi je ne devrais plus les voir. C'est absurde.

Une jeune femme s'approche de moi et pose une main sur mon épaule. Elle me semble irréelle  comment est-il possible de rencontrer un être aussi beau et délicat dans une situation pareille ? "Monsieur vous allez bien ?" Me demande-t'elle d'une voix calme qui caresse ma nuque et me souffler de la tendresse à l'oreille. "Je ne suis pas sur..." Répond-je sans rompre votre contact visuel. Elle porte une blouse blanche, ses cheveux sont attachés ses lèvres roses me sourient et dans ses yeux bridées pupilles luisent un bref instant avant qu'elle ne s'asseoit sur le banc derrière moi.

"C'est peu commun de croiser quelqu'un ici lors de ma pause. Vous êtes un visiteur ?" M'interroge-t'elle en regardant au loin devant elle.
"Non... Je... Ma mère est hospitalisée." Dis-je simplement en tournant la tête à mon tour vers l'horizon. Depuis le toit de l'hôpital on peut voir les immeubles qui l'entourent s'illuminer et faire danser les lumières aussi vite que dans une ambulance.
"Tenez!" Elle me tend une brique de lait d'une main avec un sourire gentil aux lèvres "J'en ai deux !" Se justifie-t'elle en se tournant à nouveau une fois que je tiens la boisson entre mes doigts.
"Merci." Souffle-je tourné vers elle. Je m'assois à mon tour à sa droite et fixe le cadeau qu'elle vient de me faire.
"Vous n'avez pas à remercier, je n'avais pas le cœur à la jeter, heureusement que vous étiez là."

Elle dissimule sa gentillesse ainsi. Mes pensées se tournent vers ma famille. Est-ce que l'un d'eux m'a déjà tendu la main comme cette médecin viens de me tendre cette brique de lait ? Dans ma main droite je tiens la boisson dans la gauche la paille, qu'est-ce que j'attends ?

"Il faut faire comme ça ! Sans hésitation !" Reprend-t'elle après avoir constaté mon temps d'absence. Je la regarde planter sa paille d'un coup sec dans l'opercule et l'imite avant de porter la paille à mes lèvres pour aspirer une première gorgée de lait. C'est sucré... C'est doux: c'est délicieux... La jeune femme rit légèrement face à mon air surpris: "C'est bon non ?" Confirme-t'elle en continuant de boire. Je hoche la tête lentement et fixe le ciel. Le ciel est rempli d'étoiles ce soir, comme les yeux de ma mère le jour nous je lui ai annoncé mon départ pour l'école de journalisme. J'ai été accepté. Ça ne suffit donc pas ? Je voulais tant la rendre fière de moi ! Désormais me voilà: sur ce toit d'hôpital à attendre je ne sais quoi... De l'espoir ?

"Vous savez c'est étrange parce que je n'avais jamais vu personne sur ce toit avant vous. Même mes collègues qui viennent parfois ici... Je ne les ai jamais croisés." Avoue cette jeune inconnue, alors que je me.tourne vers elle je constate qu'elle aussi regarde le plafond étoilé. "Vous savez, je suis sûre que votre mère ira bien. Alors ce n'est pas la peine de s'en faire..." Elle tourne la tête vers moi pour plonger son regard dans le mien, une chaleur intense s'empare de mon être. Je la vois rassembler ses affaires et se lever. "Je vais y aller, ma pause est bientôt finie... Courage !".

Que se passe-t'il ? Pourquoi ai-je soudainement envie de crier ? Doucement d'une voix rauque la tête basse je souffle: "Attendez...", elle ne m'entend pas. "Attendez. ... Attendez !" Elle se tourne enfin la main sur la poignée de la porte du toit. Je la rattrape en courant vers elle. Arrivé a son niveau je me penche vers elle. Elle est bien plus petite que moi. "Qui êtes-vous ?" Je la vois cligner des yeux d'étonnement. Elle ne s'y attendait visiblement pas: "Je... Voici ma carte !" Dit-elle précitemment en me glissant sa carte entre les doigts. Elle glisse dans l'entrebaillure de la porte et j'entends ses pas dévaler les escaliers: je lui ai fait peur ? 

A mon tour je passe le pas de la porte, il faut que j'aille voir ma mère. Je descend les marches des escaliers et m'arrêtent une fois au deuxième étage. Je rejoins la chambre où ma mère est hospitalisée: vidée ce matin.

Ma mère ira bien n'est-ce pas ? Un ange me l'a dit, comment ne pas y croire ?

Je récupère mes affaires sur le lit inoccupé et sort en prenant bien soin de fermer la porte. Je me rend au bureau du médecin s'occupant de ma mère: "Je cherche le docteur Saddler. Il a opéré ma mère ce matin je viens récupérer ses affaires."
La jeune femme hoche la tête et quelques minutes plus tard je reconnais le front dégarni du chirurgien. "Andrea... Toutes mes condoléances. Si je peux faire quoi que ce soit..." Me dit-il d'un ton grave.
"Vous avez fait ce que vous avez pu. Merci pour tout monsieur... A-t'elle dit quelque chose ?"
"Ses dernières pensées étaient pour toi Andrea. Elle nous a dit de t'encourager pour ton école."

Une fois de plus je remercie le médecin et récupère les affaires de ma mère qu'il me tend dans un petit carton.

Dans sa voiture dont je viens de trouver les clés dans le carton, rien n'a changé. On dirait que demain elle en prendra le volant et se rendra à son lieu de travail comme si rien de tout ça n'était arrivé. Une boule se forme au creux de ma gorge. Merde... Je ne voulais pas pleurer pourtant je sens les larmes s'échapper de mes yeux. Pourquoi est-ce si dur ? Pourquoi dois-je endurer tout cela aujourd'hui et me rendre à l'université demain ? Mes larmes coulent à flots et je ne peux m'empêcher de pousser un long cri plaintif.

"Putain merde..." Jure-je en appuyant mon front sur le haut du volant. Ma respiration est saccadée, je ne peux plus m'arrêter de pleurer. "Maman... Maman..." Appelle-je en vain. Pourquoi descendrait-elle du paradis ou elle est si bien ? Elle avait dit qu'elle déplacerait des montagnes pour me voir sourire et maintenant qu'elle n'est plus là je ne peux plus m'arrêter de pleurer.

Textes oubliés ~☆Where stories live. Discover now