Topaze

2 1 0
                                    

          Impossible de trouver une sortie. Jacinthe tournait visiblement en rond depuis ce qu'elle estimait deux minutes et trente seconde. Le bâtiment de l'entreprise était devenu un piège mortel, là ou elle passerait probablement ses derniers instants. L'odeur de la fumée lui chatouillait les narines mais l'adrénaline couvrait l'inconfort la poussant à trouver un moyen de sortir. La pièce dans laquelle elle se trouvait venait tout juste d'être fermée à clé par l'un de ses collègues. Quelques minutes plus tôt alors qu'elle venait de sortir de la chambre noire avec ses photos entendant pour la première fois l'alarme incendie elle avait croisé le regard paniqué de Jerry. Comprenant la situation en sentant la fumée elle avait tenté de traverser la pièce, à l'autre bout de l'open space son supérieur l'avait considérée avec un regard pensif durant un instant avant de fermer la porte à clé derrière lui. Jacinthe avait du passer trente secondes à tambouriner contre la porte suppliant de la laisser sortir mais elle avait vite compris que l'homme était parti depuis un moment. 
          Jacinthe n'avait pas eu besoin de réfléchir pour comprendre pourquoi Jerry tentait de la tuer. La veille lors d'un dîner entre collègue elle avait catégoriquement refusé les avances de ce même homme qui venait de l'abandonner à une mort plus que probable.
          Il lui avait semblé étrange d'être invitée : les stagiaires n'étaient pas souvent inclus dans les réunion de collègues, en réalité elle avait eu un étrange pressentiment quand Lauren était venu lui parler de ce dîner pour lui annoncer l'invitation générale de la part du bureau. Et, effectivement, lors de ce dîner entre collègues Jerry avait remercié son assistante pour la présence de Jacinthe, révélant ainsi qu'il en était l'instigateur. Plus tard dans la soirée il s'était approché d'elle avec ce petit sourire qui ne disait rien de bon mais Jacinthe ayant senti l'embrouille arriver était restée sobre afin de pouvoir lui échapper à tout moment. 

          Maintenant qu'elle sentait la chaleur des flammes s'intensifier dans son dos elle regrettait amèrement de ne pas l'avoir giflé au passage. Regardant autour d'elle, elle repéra l'extincteur et alla le décrocher espérant que les pompiers arriveraient avant que le feu ne l'encercle. Retournant dans la chambre noire elle prit le bac dans lequel se trouvait encore une photo et n'hésita pas un instant à se le vider sur la tête, se saisissant de la réserve d'eau dans le coin de la pièce elle décrocha le rideau blanc qui séparait la pièce en deux et le trempa complètement avant de le passer autour de ses épaules. Elle plaça un des morceau du tissu contre ses lèvres pour respirer avant de tenter une nouvelle fois d'ouvrir la porte sans y parvenir. Elle cria plusieurs fois à l'aide personne ne répondait et le feu l'avait en à peine quelques secondes complètement piégée contre la porte close. Comme elle avait poussé les bureaux les flammes se tenaient à une certaine distance d'elle mais elle ne pouvait pas espérer retourner dans la chambre ou elle avait bêtement laissé le reste de la réserve d'eau. Après quinze minutes totale à chercher un moyen de forcer la serrure de la porte les flammes s'était rapprochées et menaçaient de l'atteindre. Elle rampait désormais au sol pour éviter de respirer la fumée et s'était placée près de la porte serrant contre elle l'extincteur. Dès qu'une flamme menaçait de se rapprocher de trop elle l'aspergeait du mieux qu'elle le pouvait en se couvrant la bouche et les yeux. Elle n'arrêtait pas de tousser et son instinct la poussait à conserver son calme malgré tout mais plus les flammes se rapprochaient plus son souffle se faisait cours et elle ne se donnait peut-être pas plus de cinq minutes avant de s'évanouir de fait du manque d'air. 

          Alors qu'elle venait d'arriver à la fin de la capacité de l'extincteur et qu'elle sentait sa conscience partir elle entendit pour la première fois une voix, incapable d'appeler elle rampa pour se trouver plus proche du mur et rapprochant ses jambes contre elle elle commença à donner de faibles coups dans le mur. Ironiquement elle tenta de frapper en morse le classique S.O.S. que beaucoup de gens comme elle devait connaître. La dernière chose qu'elle entendit fut la même voix juste derrière la porte. Elle était à bout de forces et comme elle manquait cruellement d'oxygène elle ne put plus maintenir sa conscience éveillée malgré l'imminent sauvetage qu'elle avait espéré. 

           L'homme qui enfonça la porte était membre des sapeurs pompiers, il avait entendu les tapements de Jacinthe et quand il la trouva juste à côté de la porte étendue inconsciente et enveloppée d'un drap humide il n'hésita pas un instant et la tira avec lui hors de la pièce. Trouver une femme derrière une porte fermée à clé était une de ses premières, il avait remarqué que la serrure du côté externe avait été endommagée comme si quelqu'un y avait mis un coup. 

"- Équipe quatre, vous n'avez pas le temps, le bâtiment est instable selon le proprio ! Prévint une voix à travers la radio.
- Chef ! J'ai trouvé une femme. Annonça le pompier en guise de réponse ajoutant : je vais l'évacuer. 
- Statut ? Intervint une troisième voix. Les autres nous ont pourtant dit que tout le monde était déjà dehors. Elle est peut-être pas de l'entreprise. 
- Négatif Lieutenant : Jacinthe Laval sur son badge. Respiration difficile, elle est inconsciente depuis deux minutes je dirai. Informa le sauveur dégageant le couloir pour favoriser son passage à travers les flammes. Je suis au deuxième étage, je vais prendre l'escalier Nord, c'est le plus proche. 
- Je viens te chercher Quinn, je suis en bas de l'escalier Nord. Intervint une quatrième voix. 
- Bien ! Gaspard tu t'occupes d'aider Quinn, je veux l'équipe 7 et 3 qui sécurise le sauvetage. Sortez vite. N'oubliez pas de nous tenir au courant. 
- Affirmatif, je suis au bout du couloir Quinn. Confirma Gaspard."
A l'extérieur toutes les équipes 3 et 7 s'étaient rassemblées devant la sortie nord du bâtiment tandis que le Lieutenant s'était rapproché des victimes pour leur demander calmement s'ils connaissaient la femme qu'ils venaient de trouver et à l'entente du nom de Jacinthe deux femmes et un homme se levèrent semblant réaliser l'oubli général : "- C'est la stagiaire. Elle est là depuis une semaine." Expliqua l'homme l'air inquiet. Le Lieutenant remercia les trois individus d'un signe de la main avant de retourner auprès de ses hommes, la jeune femme était nouvelle dans l'entreprise elle ne devait pas connaître les issues de secours et n'avait sûrement pas rencontré tous les employés d'où la raison de cet oubli collectif. Alors qu'il allait demander un rapport de situation sur la radio il vit à quelques mètre Quinn et Gaspard sortir du bâtiment portant une femme dans leurs bras. Un brancard les attendaient à l'entrée et ils se précipitèrent en sa direction pour rejoindre le médecin. Gloria jeta un rapide coup d'œil sur les brûlures de la jeune femme tout en lui posant le masque à oxygène autour de la tête. Constatant qu'elle respirait elle commença à traiter les blessures, elle repéra vite que la totalité des jambes étaient brulées au premier degré et qu'il y avait certaines marques de brûlures au second degré sur les mains et les pieds. "- Elle a des phlyctènes, je peux mettre de la crème mais çane suffira pas. On doit l'emmener à l'hôpital rapidement." Un instant plus tard Quinn et le médecin montaient à l'arrière d'un camion prêt à partir pour les urgences laissant aux aurres pompiers le soin de prendre le feu en charge.

          Quand Jacinthe ouvrit les yeux la douleur fut la première chose qu'elle prit en compte avant de comprendre qu'elle avait été hospitalisée. La chambre semblait agréable mais l'ordeur âpre des médicaments la dégoûtait. Elle tenta de sentir quelles parties de son corps étaient blessées ou brûlées et rapidement elle sut qu'elle ne pourrait pas bouger pendant plusieurs jours. Elle pouvait au passage dire adieu au jeans pendant un certain temps, en soulevant sa couette elle avait découvert les longues cloques qui couvraient ses mollets et qu'elle sentait remonter le long de ses cuisses. Levant le menton pour regarder au-dessus de sa tête elle repéra le bouton rouge qui devait lui permettre d'appeler l'infirmière. Quand cette dernière fit son apparition les premièrs mots de Jacinthe lui furent clairs et précis : "- On a tenté de me tuer. Je veux la police et un avocat."

Textes oubliés ~☆Where stories live. Discover now