3. AL-ONDALOUZE : Arche de Rê, maître de l'Empathie

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— Bien sûr !

Comme prévu, leur attente prit fin quelques heures plus tard, lorsque le son d'une corne de brume déchira la quiétude de la montagne. Ignorant son nez et ses oreilles bouchées, Maximilien courut sur le pont et regarda par-dessus la balustrade : Un traîneau tiré par quatre grosses vaches poilues était en approche. Augustus se hâta d'ouvrir sa cale à ses visiteurs lorsqu'ils arrivèrent à destination. Ils étaient tous les cinq enroulés dans les mêmes manteaux mauves couverts de neige. Les empathes s'en débarrassèrent d'un seul mouvement, révélant leurs crânes rasés et cinq toges rigoureusement identiques. Leur doyen lança la conversation en saluant chaleureusement l'Oncle Augustus :

— Toute la Communauté vous souhaite la bienvenue sur Al-Ondalouse. Nous espérons que votre voyage s'est déroulé sans encombres.

— Nous avons été surpris par la tempête de neige de tout à l'heure, rit l'explorateur en retour. La rigueur de votre climat me jouera toujours des tours !

Ils sourirent tous les cinq à la remarque. Le plus âgé reprit de nouveau la parole.

— Nous avons été envoyés au nom de la majorité pour gérer nos transactions. Qu'avez-vous à nous proposer, marchand inter-familial ? Nous vous payerons directement en laine dalousienne.

— Vos laines ont une excellente réputation. J'accepte avec plaisir, suivez-moi !

Alors que l'empathe qui avait parlé emboîtait le pas de son oncle, deux autres allèrent chercher de gros baluchons sur leurs traîneaux. Maximilien les aida à les disposer dans la cale un peu désordonnée avant d'observer leurs invités avec curiosité.

Le groupe semblait mixte, même si Max ne pouvait pas l'affirmer avec certitude à cause de leurs tenues identiques. Leurs joues et leurs nez rougis par le froid ressortaient sur leurs peaux aux tons dorés. En dehors du doyen, aucun empathe n'émit le moindre commentaire pendant que l'oncle Augustus leur présentait ses épices et ses plants de légumes ; par contre, Max repéra plusieurs regards interrogatifs ou amusés aux instants précédant les questions du porte-parole. Ils pouvaient donc communiquer entre eux sans passer par la voix... Lorsqu'ils eurent fait leur choix, alors que les autres étaient occupés à empaqueter et à charger leurs achats sur leur traîneau, le porte-parole se retourna de nouveau vers l'explorateur.

— Vous souffrez du froid, n'est-ce-pas ? Quant au jeune homme qui vous accompagne, il est très enrhumé. Que diriez-vous de recevoir un bon dîner et de passer une nuit bien au chaud ?

— Ce serait un immense plaisir, s'inclina l'Oncle Augustus. Merci de votre prévenance.

Repas ou pas à la clé, avec cette météo exécrable, Maximilien n'était pas certain de vouloir s'aventurer dehors... L'explorateur lui désigna un manteau de laine flambant neuf et des bottes de fourrure un peu trop grandes.

— Allez fiston, équipes-toi bien. Il ne faudrait pas que tu tombes plus malade que tu ne l'es déjà !

Il s'exécuta un peu à contre-cœur. Une fois tout le monde équipé, l'Oncle Augustus ouvrit franchement la cale. Des bourrasques de vents glaciales s'engouffrèrent à l'intérieur, lui arrachant une nouvelle quinte de toux bien caverneuse. Max serra des dents. Ce n'était qu'un peu de neige, il n'était pas en sucre. Il s'engagea à la suite du groupe à l'extérieur.

Alors que le navire se refermait dans un craquement sourd, Max dût plisser les yeux pour distinguer leur véhicule malgré toute cette neige : C'était bel et bien un grand traîneau de bois, tiré par quatre yaks. Les empathes les attelèrent avec une coordination impressionnante, puis leur firent signe, à l'oncle Augustus et à lui, de s'installer sur les deux places restantes dans le traîneau, à côté du porte-parole. Max fronça les sourcils : comment les autres allaient-ils faire pour s'asseoir ? Le vieil homme assis lui fit signe de ne pas s'en inquiéter :

— Nous comprenons ta gêne, mais sache que nous sommes habitués à ces conditions de voyage. Viens donc t'asseoir.

Les quatre empathes illustrèrent ses paroles en s'installant sur des selles de fortunes, posées à même le dos des bisons des neiges. L'un d'entre eux leva le bras pour signaler que tout le monde était prêt à partir. Il lança un cri, puissamment repris par ses compagnons. En réponse, leurs montures s'ébrouèrent en tapant du sabot : elles étaient prêtes pour un départ imminent. Elles s'élancèrent vers les sommets enneigés quelques secondes plus tard. Max toussa dans son coude, frigorifié par les rafales qui lui cinglaient le visage. Son épais manteau lui semblait bien sommaire pour lutter contre les assauts du froid. Et dire que la tempête s'était prétendument apaisée ! Il se força à se changer les idées en se concentrant sur le paysage : il se sentit plus insignifiant qu'il ne l'avait jamais été face à cet océan de blancheur. Les plaines se succédaient aux crevasses, qui se succédaient elles-mêmes à des pics parfois si élevés qu'il ne parvenait pas à en distinguer le sommet. Le traîneau gagnait en altitude, et soulevait d'énormes monticules de neige dans son sillon. Ils ne croisèrent que quelques chèvres de montagnes.

Alors qu'il dévorait ce paysage impressionnant du regard, Maximilien fronça des sourcils en remarquant drôles d'empreintes dans la neige. Loin de traces de sabots, celles-ci ressemblaient à s'y méprendre à... des pas humains ? Max fut interrompu par une nouvelle quinte de toux. Lorsqu'il releva les yeux, ils s'étaient trop éloignés des empreintes pour continuer à les deviner dans toute cette neige. Max secoua la tête, troublé. Qui pourrait bien être assez fou pour se promener, seul et sans monture, dans ces montagnes ? Il s'était certainement trompé. Ces empreintes étaient forcément celles d'un autre animal. Ces mystérieuses traces de pas sortirent de son esprit à l'instant où il se reconcentra sur le paysage.

Les voyages de Maximilien | LA PASSE-MIROIRWhere stories live. Discover now