Chapitre 37

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Diane

Je comprends dès que j'entends des exclamations de surprise de l'autre côté de la porte argileuse. Les créatures surnaturelles ont assisté en direct à la disparition magique de l'arc. Dans moins d'une seconde ils auront compris ce qu'il se passe et dans deux, ils seront sur nous.

Quand Théophile arrive à la même conclusion, il m'attrape sans ménagement et m'entraîne avec lui vers les souterrains de l'autre côté du carrefour. Nous nous retrouvons alors face à un dilemme : trois couloirs s'ouvrent à nous (sans compter celui duquel nous venons). Nous devons choisir vite et bien. L'un d'eux doit mener à la liberté. Les autres à la morts.

Dans notre dos, les créatures s'agitent, je les entends qui se ruent hors de la salle principale. Nous n'avons plus de temps. Théo me tire à sa suite dans le tunnel le plus proche et je prie pour que ce soit le bon. Nous nous mettons à courir de toutes nos forces, nos pas résonnent dans le souterrain mais nous sommes déjà repérés de toute façon. Nous courrons à perdre halène, nous avons un peu d'avance mais déjà, nos poursuivants sont entrés à leur tour dans notre tunnel avec un vacarme assourdissant.

Brutalement, Théophile s'arrête. Je manque de peu de lui rentrer dedans. Pourquoi s'arrête-t-il ? Je regarde devant nous et suis saisi d'effroi. Un cul-de-sac ! Il ne manquait plus que ça ! Derrière nous la clameur de nos ennemis se rapproche dangereusement, ils seront bientôt sur nous. 

Que faire ? Nous sommes pris au piège. Nous regardons partout autour de nous dans l'espoir de trouver quelque chose, n'importe quoi pour échapper à notre funeste destin. Soudain, mon regard est attiré par un éclat brillant, comme un diamant, sur une pierre près de la paroi qui nous bloque le chemin. Je m'y approche et remarque une ouverture sur la gauche de la pierre. J'attrape la main de Théophile et m'engouffre dans le trou. 

Nous débouchons alors dans un endroit irréel. La salle dans laquelle nous nous trouvons doit faire une quinzaine de mètres. Un grand bassin naturelle occupe presque toute sa surface. L'eau y est clair et pure. Une douce vapeur s'y élève et vient réchauffer la pièce toute entière : le bassin est en réalité une source d'eau chaude.

Il n'y a pas de torche pour s'éclairer, mais il n'y en a pas besoin. En effet, les parois de la cavité s'élèvent sur une vingtaine de mètres et laissent apparaître un trou d'une envergure moyenne d'où on peut voir la voûte céleste. Les étoiles scintillent et les rayons de la lune descendent le long de la grotte pour éclairer le bassin de sa lumière blafarde.  

Je suis éblouie par ce spectacle féerique. La beauté de ce lieu me coupe le souffle. Théophile me ramène à la réalité en m'attirant vers les rochers jouxtant la piscine naturelle. Sans plus attendre, il commence l'ascension. Je regarde en haut, il faut simplement escalader ces vingt mètres nous séparant du reste du monde et nous serons libre. J'attache ma dague toujours en main dans la ceinture de mon pantalon et passe mon arc par dessus mon épaule. Je m'élance ensuite après Théo, m'agrippant sur des bouts de roches ressortant de la paroi. 

Le nombre important de rochers donne des prises d'escalades naturelles et nous montons les premiers mètres sans difficulté. Puis la paroi se fait moins rugueuse, plus lisse et donc plus difficile à escalader. Devant moi, Théo attrape une pierre mais celle-ci roule sur la paroi faisant perdre son appui au Chasseur. Il glisse d'une dizaine de centimètres avant de réussir à sa stabiliser sur une autre prise. Je souffle de soulagement, c'était moins une. 

Mais mon répit est de courte durée puisqu'à ce moment là les vampires débarquent dans la salle. Avec des beuglements terrifiants, ils bondissent derrière nous. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ils sont au pied de la paroi. Les buveurs de sang grimpent à leur tour, ou plutôt ils courent sur le mur. Leurs ongles crochus s'enfoncent dans la paroi argileuse sans nécessité d'agripper des prises. Ils sont bien plus rapides que nous et même si je saute d'une prise à l'autre, ils m'ont déjà rattrapée. 

L'un d'entre eux m'attrape la cheville et tire d'un coup sec m'arrachant à la paroi. Une sombre douleur se fait ressentir à l'endroit où le vampire m'a entaillée avec ses griffes. Je tombe en hurlant, agitant mes bras en une veine tentative pour me raccrocher au mur. 

- Diane ! S'écrie Théophile au dessus de moi. 

"Vas-t'en" j'aimerais lui crier. Mais tout ce que je peux faire c'est hurler en voyant le sol se rapprocher dangereusement. J'atterris entre les mains crochus d'un vampire qui tente ensuite de m'immobiliser. Ma main droite se resserre sur la dague fixée à ma ceinture et je la dégaine. Avec rapidité je plante mon arme dans la poitrine de la sangsue qui s'écroule avec un râle surpris. Je ressors ma lame noire de sang du vampire et la lance sur le monstre qui vient de m'attraper par derrière. La forme de la salle nous donne un avantage. En effet, l'entrée fait office d'entonnoir, ne laissant passer qu'un petit flux de vampires à la fois. Mais mes ennemis sont de plus en plus nombreux et finissent par m'encercler, m'enlevant tout espoir d'échappatoire. 

Je recule et me retrouve acculée contre le mur. Aurais-je une chance si je me retourne et recommence mon ascension ? Non, les vampires m'auront déchiquetée la gorge avant même que je n'attrape la première prise. 

- Ne la laissez pas s'échapper ! S'égosille une Mélanie furieuse. 

Elle a dû mal à rentrer à son tour dans la salle, bloquée par la dizaine de vampires qui tente de s'y engouffrer en même temps.

J'attrape mon arc et m'empresse d'éliminer un maximum de ses monstres avec des flèches magiques. Si je meurs, j'en entraînerai au moins quelques uns avec moi. Mais ils sont trop nombreux et je n'arrive pas à les tenir à distance. Tout ce que j'espère c'est d'avoir gagné assez de temps pour permettre à Théophile de s'échapper. 

Un vampire que je visais stoppe ma flèche et profite du temps dont j'ai besoin pour en encocher une nouvelle pour me sauter dessus. Je n'arrive même plus à avoir peur. En ce moment mon esprit ne peut penser à rien d'autre qu'à survivre, tout autre sentiment a été éliminé pour que je puisse me concentrer sur cette seule tâche.

Mais avant que les doigts pointus de la sangsue ne se referment sur moi, un poignard vole et se fige dans l'œil de mon assaillant. Un liquide noir éclabousse mon visage. Je l'essuie dans un hoquet d'horreur et aperçois une silhouette sauter et atterrir entre moi et les vampires. 

- File ! M'ordonne Théo en me jetant un coup d'œil par dessus son épaule. 

Sa main gauche se resserre sur sa deuxième dague. Il enchaîne alors les pirouettes pour tenir les monstres à distance. 

Je décoche encore quelques flèches pour l'aider mais le Chasseur me pousse sans ménagement vers la paroi en me sifflant d'un ton dur de partir et qu'il est juste derrière moi. Je l'écoute donc et recommence l'ascension du mur. Je monte comme jamais je n'ai gravi un mur d'escalade avant. Je bondis sur la paroi, m'écorchant, glissant mais allant toujours de l'avant. Le ciel se rapproche de plus en plus, je n'ai plus que quelques mètres à parcourir et je serai dehors. A mesure que je monte, un vent gelé me fouette le visage et le froid se fait ressentir de plus en plus intensément.

Nous touchons enfin au but. J'entends la respiration saccadée de Théo qui me suit. Je jette un coup d'œil derrière moi, il est un mètre en dessous de moi, les vampires vont bientôt le rattraper. J'accélère encore.

Soudain, alors que ma main accroche enfin un rocher à l'extérieur de la grotte, j'entends un cri de stupeur. Sous mes yeux interdits, la main droite de Théophile glisse. Son index manquant, il ne parvient pas à se rattraper et tombe. Dans sa chute il entraîne trois vampires étant sur le point de nous rejoindre. Je vois au ralenti le corps du Chasseur basculer dans le vide avant de disparaître avec un grand "splatch" dans le bassin. Je ne m'entends pas crier mais je sens ma gorge me brûler et ma voix se briser. 

Dehors, le ciel se voile un instant et la lumière disparaît. Une éclipse lunaire survient et éclaire la scène d'une couleur ocre. Mais Théophile ne revient pas à la surface. 

Alors, je me hisse hors du trou, prête à disparaître. 

Aliumnos- Chasseuse dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant