Chapitre 35

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Diane

J'ai réussi ! J'ai réussi ! J'ai réussi !

C'est incroyable, j'ai dompté ma magie et elle a fait ce que je lui ai ordonné. Je suis tellement heureuse et fière que je saute dans les bras de Théophile. La Chasseur est surpris mais renferme ses bras musclés autour de ma taille. 

- J'étais sûr que tu y arriverai, me murmure-t-il à l'oreille.

Son souffle chaud sur ma nuque me fait frissonner. Pendant une seconde je baisse le regard vers sa bouche et l'envie d'y déposer un baiser me prend. Pourtant je me retiens. Nous avons plus important à faire, comme par exemple, penser à notre survie.

A contre cœur je me détache du Chasseur. Cependant celui-ci ne lâche pas ma main qu'il garde serrée dans la sienne. 

- Prête ?

Je hoche la tête. Oui j'en ai plus qu'assez de me morfondre dans ce trou à rat, il est temps de foutre le camp.

Théophile passe la tête dans l'embrasure de la porte pour vérifier que personne ne nous attend de l'autre côté. Lorsqu'il est certain que la voie est libre, il me fait un signe de la main : "en avant". Sans faire un bruit, nous nous faufilons hors de la cellule.

Un sentiment indescriptible prend possession de mon corps. Un mélange de peur et d'excitation, saupoudré d'adrénaline. Passer enfin à l'action me fait un bien fou. Même si on se fait tuer maintenant, c'est bien mieux que cette lente agonie à attendre que l'on vienne s'occuper de nous.

Le plus discrètement possible, nous nous déplaçons dans le tunnel, longeant la paroi. Théo est meilleur que moi à ce jeu-là, il ne fait aucun bruit, alors que j'ai l'impression de me mouvoir comme un éléphant. J'essaie d'adopter sa démarche féline, comme je l'ai appris lors des entraînements intensifs, mais mes pieds nus, peu habitués, rencontrent des cailloux qui roulent avec un bruit assourdissant. 

Je me stoppe quelques secondes m'attendant à voir un bataillon de vampire débarquer. Mon cœur bat la chamade, j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Théophile se retourne vers moi et me serre plus fort la main. Le message est clair, je fais trop de bruit et je dois me calmer. J'ai peur de tout faire foirer, nous n'avons même pas fait trois mètres. 

Voyant mon angoisse, et qu'au lieu de me calmer je fais tout le contraire, le Chasseur me prend dans ses bras et m'enjoint à aligner ma respiration sur la sienne. Pour ne pas être entendu des vampires, il faut ralentir les battements de son cœur. Cet exploit, facilement réalisé par n'importe quel Chasseur demande une grande concentration et un contrôle impeccable de sa respiration. 

La peur de nous faire prendre m'empêche de me calquer sur la respiration de Théo. Mon angoisse s'intensifie quand je comprends que je n'y arriverai pas. Voyant mon affolement, mon ami fait une chose à laquelle je ne m'attendais pas. 

Sans crier gare, il m'embrasse. 

Ses lèvres chaudes et fines se pressent avec douceur contre les miennes. Entaillées, elles ont le goût amer du sang. Cependant, elles provoquent un raz-de-marée chez moi. Elles me font oublier toute la souffrance endurée jusque là, toute la peur et l'angoisse de ce kidnapping. Une chaleur inconnue mais bienvenue se répand dans mon être. Je ne peux qu'apprécier cette union. Je me rends soudain compte que c'était ce que je désirai au plus profond de moi, et ce depuis bien plus longtemps que quelques jours. Je lui rends alors son baiser avec ardeur. Mon cœur après avoir manqué un battement accélère dangereusement. 

Malheureusement, Théophile rompt notre étreinte presque aussitôt. Son baiser a au moins eu le don de me faire sortir de ma torpeur. 

Théo me regarde droit dans les yeux, de ce regard intense qui me fait chavirer. Puis il pose un doigt sur ses lèvres me rappelant que nous jouons au roi du silence. Il attrape ma main et presse son pouce contre l'intérieur de mon poignet afin de sentir mon pouls. Il soulève ensuite mon menton, m'enjoignant à le regarder et à l'imiter. Il inspire fortement avant d'expirer lentement. De nouveau en possession de mes moyens je répète l'exercice. Je sens mon rythme cardiaque diminuer d'intensité ce qui m'encourage à redoubler d'efforts. Au bout d'une minute Théo relâche mon poignet, visiblement satisfait de la vitesse de mon pouls.

Sans rien dire, il se remet en marche. J'adopte sa démarche féline et nous progressons dans un silence de mort dans le souterrain. Pendant un moment je me demande si il m'a embrassé simplement pour me calmer ou si il en avait vraiment envie. Je finis par secouer la tête comme pour chasser ces questions futiles et me concentre sur notre mission.

Je suis étonnée de ne découvrir aucun garde dans le couloir de notre cellule. Ils doivent tellement avoir confiance dans leurs installations qu'ils ne se donnent même pas la peine de surveiller leurs prisonniers. La suffisance des vampires les perdront. 

Théo suit le chemin menant à la salle de torture et fini par s'arrêter devant une porte fermée. Il agrippe la poignée et la tourne. Mais celle-ci lui résiste. Il tourne alors la tête vers moi et me regarde, je sais ce qu'il attend de moi. Fixant le loquet du panneau de bois, je l'imagine s'ouvrir devant moi. Ma magie ne me résiste pas une seconde et déverrouille la porte.

A l'intérieur nous découvrons avec joie nos effets personnels. Enfin plutôt les effets de Théo puisque je ne possédais aucune arme. Le Chasseur s'approche de sa cape noire et enfonce une main dans sa poche intérieure. Il me lance un regard victorieux lorsque ces doigts en retirent la pommade "cache-odeur". Notre soulagement est perceptible. Nous nous détendons un peu et profitons de ce moment de répit, cachés dans la petite pièce. 

Nous nous empressons de nous tartiner du produit magique. Les yeux de Théo parcourent la salle et finissent par se poser sur un point. Il pousse un soupir de soulagement et se dirige vers le fond de la pièce plongée dans la pénombre. Il attrape quelque chose et je reconnais ses bottes noires. 
Alors que mon ami s'apprête à les enfiler, il se stoppe et me regarde. Ses yeux descendent vers mes pieds gonflés et entaillés. Mal à l'aise, je me balance d'un pied à l'autre. 

Au lieu de se chausser de ses bottes, le Chasseur me les tend. Je le regarde un instant hésitante. Voyant que je ne les prends pas, Théo s'agenouille près de moi et soulève délicatement l'une de mes chevilles. Je m'accroche à ses épaules pour ne pas perdre l'équilibre. Doucement il frotte mon pied pour en débarrasser la terre qui s'y est incrustée, puis m'enfile la botte. Il réitère son geste avec mon deuxième pied. J'accueille avec joie la chaleur que me procurent les chaussures sur mes pieds glacés. Les bottes sont un peu trop grandes pour moi mais je ferai avec. Je remercie silencieusement Théo qui me lance un sourire sincère. 

Ensuite, le Chasseur récupère ses armes. Il attrape ses poignards, il en accroche un à son pantalon et en garde à un autre dans sa main gauche, celle valide. Il est droitier, ça risque d'être un peu plus difficile pour lui de manier l'arme. Mais je sais que les Chasseurs s'entraînent des deux mains. Puis il glisse un poignard dans ma botte droite. Le tranchant glacé de l'arme picote mon tibia. Il me refourgue la dernière dague dans la main. 

Théo a décidé de laisser sa cape de Chasseur et son épée derrière lui, pensant que sans eux nos chances d'évasion sont plus grandes. Et puis, si quelqu'un s'aventure dans la salle et découvre la disparition des effets du Chasseur, cette personne sonnera l'alarme et adieu notre liberté. 

Lorsque nous sommes fin prêts, il me chuchote avec un sourire d'excitation :

- Tirons-nous d'ici.





Aliumnos- Chasseuse dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant