Chapitre 60 : Épilogue

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Pesked avait tenu sa promesse. Quelques semaines plus tard Trede fut couronnée et dans la foulée Strangourien, l'ancien roi de Wezenn fut promu régent. Eil et Ael assistèrent au couronnement de Trede dans la salle de cérémonie, caché dans les plantes de la salle en hauteur. Eil était si fière de sa petite sœur. Même Trede esquissa un sourire.

Dans le monde entier, la grande catastrophe avait créé des dommages colossaux qui prendraient des décennies à réparer. Que ce soit au niveau du bien-être de la population, mais aussi au niveau politique, économique, religieux. Mais Eil avait arrêté de s'en inquiéter. Elle vivait.

Les deux amoureux s'étaient installés dans les cimes dans une vieille maison à retaper. Eil s'était spécialisée dans les plantes médicinales, ce qui l'éloignait un peu de la ville et Ael avait repris son poste de jardinier royal et s'attendait d'un jour à l'autre à être promu aux jardins de Brav.

La vie entre les arbres donnait chaque jour des milliers d'aventures possibles. Tout était si vivant entre les enfants qui grimpaient, les prières, les commerces, les grandes fêtes religieuses, si joyeuse et dansante. Chaque jour était un festival de couleur. Jamais ils ne s'ennuyaient mais jamais ils n'étaient épuisés. Il s'agissait d'un parfait équilibre pour une vie, simple, riche et heureuse.

Eil et Ael avaient une complicité rare. Ils étaient meilleurs amis avant d'être des compagnons de vie. Et ils s'aimaient. Ce genre de couple que tout le monde déteste parce qu'ils semblaient parfaits. C'était des gamins ensemble. Ils riaient, ils passaient leur temps à rire.

-Mais comment tu as fait pour attraper un rhume ? On est à la saison chaude !

-Les jardins sont particulièrement humides. Arrête de rigoler, tu es un monstre sans empathie.

-Oh mon pauvre chéri ! Tu es bon pour de la tisane de Louzou pendant une semaine. Tu peux toujours courir pour que je t'embrasse pendant cette période.

-Qu'est-ce que je disais. Un monstre sans empathie ! Où sont les mouchoirs s'il-te-plaît ?

Eil lui entendit un en pouffant encore de rire.

-Tiens ! Je te prépare une tisane tout de suite. Tu as encore un peu de boulot ?

Ael venait de sortir quelques dossiers de son sac après s'être assis sur le lit.

-Pas vraiment. C'est plutôt du travail personnel. J'ai réussi à trouver les derniers rapports scientifiques concernant l'arrêt du monde pendant trois jours.

Eil servit à la va-vite deux tisanes et s'installa proche d'Ael, faisait attraction du rhume de celui-ci.

-De quoi ça parle, exactement ?

-Il semblerait que suite à un incitent « non identifié pour l'instant »...

-L'abatage de l'arbre des Dieux, le coupa Eil.

-... il y a eu un déséquilibre dans le fluide qui par la suite se serait rétracté vers le centre de la terre.

Ael fit un temps de pause pour laisser monter la pression. Eil lui donna un petit coup dans l'épaule.

-Continu, crétin.

-Quel sale caractère ! Et bien au vu de la rétractation et le peu de fluide disponible il se pourrait qu'on n'y ai pas l'accès avant quelques siècles.

-Tu veux dire que...

-Que les royaumes dirigés par des « Dieux », expliqua Ael en mimant des crochets avec ses doigts, connaissent leurs dernières générations.

-Jusqu'à ce que le fluide revienne dans quelques siècles et que de nouvelles personnes s'en servent.

-Oui, le temps que cet étrange épisode de notre vie ne devienne que des légendes dans des livres de contes pour enfants.

-Puis ces nouveaux dieux chercheront à trop contrôler le fluide et l'histoire se répétera.

-Oui, on peut le parier.

-C'est vrai que c'est plutôt logique, conclut Eil. Après tout, nos familles royales actuelles ne datent que de quelques générations. Le temps que le fluide remonte à la surface depuis une ancienne catastrophe similaire, je suppose.

Les deux tourtereaux s'allongèrent sur le lit. Les règnes des dieux bientôt finis ? C'était si étrange à imaginer. Trede sera la dernière reine-déesse à régner sur Wezenn. Eil repensa au prêtre Yaouank qui l'avait attaquée lors d'une de ses sorties. Qu'avait il dit déjà ? « Lorsque les dieux tomberont, le feu s'abattra sur la forêt ». Les dieux se sont perdu dans leurs vices. Le monde et leur pouvoir s'étaient écroulés.

Quelle était sa mission maintenant ? Faire en sorte que les futures générations soient au courant de la situation ? Eil n'était pas très excitée par l'idée.

« Que les religions et les contes pour enfants fassent leurs boulots ! C'est une autre vie que j'ai choisie ».

Sans crier gare elle embrassa Ael. Dans un premier temps il voulut protester.

« J'ai un rhume ! ».

Mais il se laissa porter, embrassant la personne qu'il aimait de plus belle.

Ils avaient tout, tout le bonheur qu'on puisse imaginer.



Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsWhere stories live. Discover now