Chapitre 3 : Le labyrinthe

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Gevier n'avait plus beaucoup de temps pour rentrer chez elle et encore moins pour se reposer après. Elle se mit à courir, une dernière dose de liberté avant longtemps peut-être. Elle comptait bien en profiter. Elle sautait, grimpait tellement naturellement qu'elle semblait à peine effleurer le sol. Attrapant au passage des noyettes et des damavaloù, se faufilant entre les branches, sentant le vent s'engouffrer dans sa capuche. Elle vivait. Elle ne s'arrêta que lorsque ses chaussures touchèrent de la terre et non plus du bois. Il y avait très peu d'arbre ici, ils étaient volontairement coupés. Ceux qui restaient étaient minuscules, cinq mètres de hauteur au maximum. Des fleurs lumineuses recouvraient le sol, comme l'était une partie des arbres de la ville. Partout du rose, du bleu, du mauve étincelait, éclairant tout son corps. Des lucioles se mêlaient aux fleurs marécageuses, créant de ce lieu un véritable paradis de nuit.

-Toujours aussi magnifique ce coin, murmura-t-elle pour elle-même.

Bien qu'elle soit habituée à passer par ici pour rentrer chez elle, elle était à chaque fois émerveillée par ces jardins lumineux. Elle enfonça ses chaussures dans la boue un peu plus à chaque pas, luttant pour ne pas rester enfoncée. Elle effleura enfin des doigts le mur. Une majestueuse muraille de pierre blanche, lisse comme du verre, haute comme une montagne. Il était évident qu'elle ne passerait pas par là. Mais ce lieu était noyé de secrets. Heureusement pour elle, elle en connaissait quelques-uns.

Un arbre était collé à la muraille, bien trop petit pour monter jusqu'en haut hélas. Il ne donnait plus de fruit depuis longtemps. On l'avait laissé là parce qu'il était aussi vieux que la forêt disait-on. Autrefois, il faisait pousser des pamplas, un fruit incroyablement juteux et comme son celui-ci, il était creux. Gevier grimpa sur le tronc de l'arbre avant de se laisser tomber à l'intérieur. Une fois dans ses entrailles elle s'allongea sur le ventre et rampa dans le trou de la muraille sur trois ou quatre mètres avant de déboucher de l'autre côté dans un nouvel arbre creux. C'était un de ses passages préférés, elle s'étonnait toujours qu'il soit resté aussi longtemps secret. Elle grimpa à l'intérieur du tronc, se balança aux branches avant de se laisser tomber de nouveau, écrasant quelques fleurs au passage.

Ce jardin se voulait le plus beau du monde et il l'était sans nulle doute. La concentration de fleurs lumineuses était si forte qu'on se serait cru sur un tapis illuminé. La lumière montait jusqu'à son visage, la coloriant intégralement de bordeaux, de turquoise, de mauve, de vert, d'argent et d'or. Elle scintillait comme un diamant. Toutes étaient de différentes tailles, de différentes formes,offrant une diversité de plantes connues nulle part ailleurs que dans ce lieu magique.

Certains arbres à taille basse avaient de fines branches qui tombaient jusqu'au sol. Ses branches flexibles avaient été tressées manuellement à quelques endroits stratégiques pour laisser un passage aux visiteurs. De petits labyrinthes étaient créés ainsi pour le plus grand plaisir des rois et reines de passage. Ce n'était ici qu'une minuscule part de ce jardin et chaque parcelle de celui-ci était soigneusement calculée pour impressionner.

Gevier grimpa à un mur, beaucoup plus accessible cette fois, elle pouvait caler ses pieds un peu partout sur le bâtiment et s'accrocher aux plantes montantes ou descendantes. Elle arriva en quelques courtes minutes à une grande terrasse où une dizaine de luxueuses tables étaient éparpillées. Elle monta sur l'une d'elle, renversant un cendrier au passage, pour atteindre un grand balcon plus en hauteur, puis longea le bâtiment en sautant de balcon en balcon rapproché. Le soleil commençait à se lever, elle ne pouvait plus se permettre de prendre son temps. Elle respira un bon coup en montant de nouveau un mur, celui-ci avait la particularité d'avoir des pierres renfoncées, elle pouvait s'en servir comme une échelle. Elle traversa un petit jardin fruitier puis sauta de gorgone en gorgone sur quelques mètres avant d'atterrir sur un épais rebord de fenêtre. Sa fenêtre. Vous avez trouvé ce parcours improbable ? Elle aussi à une époque. Jusqu'à ce qu'elle comprenne que les architectes de ce palais étaient tout simplement des génies.

Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsWhere stories live. Discover now