Chapitre 12 : Tu dors ?

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L'adrénaline avait laissé place à l'angoisse. Une boule s'était formée dans le ventre de Eil et ne semblait pas vouloir s'en déloger. Elle en avait oublié de manger et était restée penchée sur des livres de droit international sur le mariage.

Se marier. Se marier. Maintenant que c'était devenu réel dans sa tête elle ne pouvait s'empêcher d'y penser. Il n'y avait plus aucune place dans sa cervelle pour haïr sa mère, penser à Ael qu'elle avait blessé ou encore aux bleues de la peau de sa sœur.

Pesked. Chef des armées, héritier du trône de Morglas. Elle ne savait pas grand-chose de lui en réalité. Tout juste quelques rumeurs, quelques titres. Qui était-il ? La pression montait dans le crane de la princesse pourpre. Ses yeux iris rouges étaient maintenant entourés de petites veines aux couleurs bordeaux, comme si elle avait pleuré. Sa grande chambre lui semblait trop petite. Elle se leva d'un bond, se redressa à s'en faire craquer la colonne vertébrale. Sortir. Elle se baissa sous son bureau et enleva quelques planchettes de bois, mal fixées au sol. Elle glissa sa main dans le trou et en sortit divers vêtements sombres, ceux qu'elle utilisait pour ses sorties nocturnes. Elle choisit son cache-joues pour dissimuler ses tatouages qui s'illuminaient la nuit, un pantalon et un t-shirt noir, achetés dans des magasins de Wezenn et une cape grise, brodée de racines vertes. Elle prit quelques secondes pour mettre ses lentilles bleu électrique en se rappelant l'époque où elle sortait avec des lunettes de soleil en pleine nuit. Ce souvenir amusant s'effaça aussitôt quand elle croisa son reflet dans un miroir de sa chambre.

-Tu vas te marier.

Son déguisement ne suffisait pas à la cacher d'elle-même. Une nouvelle violente envie de sortir de ce palais la prit tout d'un coup. Elle éteignit ses lumières avec empressement, une main posée sur son ventre contracté d'angoisse. Elle ouvrit enfin sa fenêtre. Le ciel était obscur. Aucune lumière n'entrait dans la pièce. En bas, les fleurs illuminaient les jardins du château. Au loin, dans la forêt,on pouvait apercevoir quelques lumières sous les arbres. Enfin respirer. A plein poumons. Goutter une première bouchée de liberté avant de la mordre à pleine dent. Eil ne souhaitait plus qu'une chose : courir. Et ne plus s'arrêter.

Toc toc.

-Non pas ça... Pitié... supplia-t-elle dans un soupir désespéré.

Elle referma sa fenêtre à contre-cœur et invita son invité à entrer.

-Eil ? Tu dors ?

Kentan était au seuil de la porte sans oser rentrer. Les deux jeunes femmes étaient plongées dans le noir, incapables de distinguer la silhouette de sa sœur. Eil prit du temps pour répondre. La têtebasse, elle voulait juste être seule, une boule s'était formée dans sa gorge.

-Oui.

-Tu... Tu veux que je te laisse dormir ?

Une certaine tristesse était présente dans sa voix. Elle avait pleuré. Eil le savait mais elle ne put se résoudre à tourner sa tête vers sa sœur. Courir. Juste courir.

-Oui.

-D'accord, je te laisse alors.

Elle referma doucement la porte.

-Je suis désolée Kentan. Sincèrement désolée.

Eil ouvrit de nouveau la fenêtre. Courir. Juste courir.

Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant