Chapitre 57 : De quoi sera fait demain ?

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Mammig servit de la tisane à tous ceux qui se trouvaient autour de la tablée. Ael tenait la main de Eil, Ruz gardait ses yeux rivés sur sa tisane et Larandra comme à son habitude fumait sa pipe.

-Tu as vécu des événements extrêmement difficiles et tu as fait beaucoup de progrès ces dernières semaines, commença Mammig. Nous sommes tous ici très fière de toi.

Ce début de conversation rassura quelque peu Eil pendant quelques courtes secondes. On ne la considérait pas comme un fardeau dans cette maison, ni comme quelqu'un qui ne faisait rien pour s'en sortir.

-Mais quoi ? demanda-t-elle.

-Nous avons conscience de tout ce qui t'est arrivé et de tout le chemin que tu as dû faire pour te remettre de ses événements aussi traumatisants, continua Ael. J'étais là. J'ai tout vu ou presque. Je désespérais de te voir un jour vivre une vie normale pourtant tu touche au but. Néanmoins...

-Néanmoins quoi ? demanda Eil de plus en plus paniquée.

Elle avait conscience que tous ces mots doux n'étaient là que pour adoucir de prochains mots plus difficiles à entendre.

-On t'a caché ces informations le plus longtemps possible selon ton souhait, fit Ruz en sortant des paquets de journaux. Mais la situation devient trop critique. On a besoin de toi. Wezenn a besoin de toi.

-Non. se contenta de répondre fermement Eil dont le ventre se tordait déjà sous l'angoisse.

Ael lui caressa affectueusement le dos.

-Je sais que c'est compliqué pour toi, mais...

-Je ne deviendrais pas reine. J'ai perdu cette vie et je n'en veux plus.

Entre la solitude, le non contrôle sur sa vie et la mort qui lui avait perdre tout ce qu'elle aimait elle n'avait aucune envie de vivre tout cela de nouveau.

-Ma place est ici dans la forêt. C'est trop douloureux là-bas. Je n'y retournerais pas.

Les personnes autour de la table baisèrent la tête, honteux d'avoir blessé leur amie et encore plus de devoir continuer. Ce fut Ruz qui prit difficilement la parole en ouvrant les journaux.

-Si on avait d'autres choix on ferait autrement Eil. Mais regarde. Le pays est à la dérive. À cause du réquisitionnent de la nourriture certaine région sont en pleine famine. L'armée de Morglas fait des massacres abominables dans tout le pays contre les rébellions. Tous les nobles de Wezenn qui ne servent pas d'otage ont été exécutés.

-Non, dit Eil en plein déni, Pesked ne ferait pas cela.

-Pesked a perdu la tête, lui expliqua Ael. Il n'est plus que l'ombre de lui-même. Son peuple a atrocement souffert et il est prêt à tout pour les sauver. Il faut que tu le résonnes. Ils mettent le feu dans certaines régions trop récalcitrantes à leur reformes. Toutes nos récoltes leur reviennent. Et même s'ils nous payent dans la capitale c'est loin d'être le cas partout. Avec le vol des fruits même l'argent que nous gagnons ne vaut plus grand-chose.

Mammig tenta de relativiser un peu les paroles de Ael.

-Ils tentent désespérément de calmer les choses, que le peuple de Wezenn coopère. Mais c'est la folie dehors. Le peuple ne se calmera pas à moins...

-À moins que ce ne soit pas une contrainte mais une alliance durable, devina Eil. Vous voulez que je me rende et que je l'épouse.

Ils baissèrent tous la tête. Ael se retenait de toute ses forces de pleurer. Il détourna la tête.

-Vous ne pouvez pas me faire ça.

-Parce que tu crois que c'est facile ? dit Ael entre deux sanglots. Tu es la personne qui compte le plus à mes yeux. Je voulais faire ma vie avec toi. Je t'aime. Mais on n'a pas le choix.

Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsWhere stories live. Discover now