Chapitre 10 - Camomille romaine

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Je tapai rageusement sur le dessus de la caisse, celle-ci s'ouvrit brusquement dans un cliquetis significatif.

Je rassemblai la monnaie dans la paume de ma main et la tendis à l'homme qui se tenait devant moi, la quarantaine, les temps grisonnantes, il attendait patiemment que j'encaisse son livre sur la spiritualité des animaux.

Il recompta les pièces que je lui avais rendu, puis m'interpella timidement :

-Je crois que vous avez mal compté...

Je me retins de soupirer, je repris la monnaie et comptai une nouvelle fois, effectivement, il manquait un euro vingt. Je les lui donnai avec un sourire commercial plaqué sur le visage.

-Voila pour vous monsieur, passez une bonne journée.

-Bonne journée, fit-il avant de quitter le magasin.

Dès qu'il fut sorti, mon sourire disparut. J'avais un mal de crâne terrible, pas étonnant avec la nuit que je venais de passer. Je fouillais dans mon sac à main pour en sortir une boite d'anti-inflammatoire, j'en avais déjà pris deux aujourd'hui. Je lus la notice rapidement, en me demandant si une surdose de médicament ne valait pas mieux que de passer le reste de la journée dans ces conditions.

J'étais d'une humeur fracassante, j'avais toujours très mal géré la fatigue, et je n'étais pas encore tout à fait remise de mes aventures de cette nuit. Je me laissai tomber sur mon tabouret en regardant dans le vide.

Amanda apparut de derrière les rideaux dans un tintement infernal de bijoux qui me fit l'effet d'une perceuse s'enfonçant dans mon crâne. Elle était radieuse, comme à son habitude, et dégageait un optimisme et une motivation sans pareil.

Tout l'inverse de moi.

-J'ai rendez-vous avec un client ma chérie, tu peux gérer seule ?

Je n'en avais pas la moindre envie, mais je savais que la question de ma tante était plutôt rhétorique, elle n'attendit pas de réponse et chercha son sac en chantonnant un air gai. Elle m'étreignit rapidement avant de sortir en lançant par-dessus son épaule :

-Bonne journée chérie.

La porte se referma.

Super.

Je sortis un calepin dans l'espoir de me changer les idées, et griffonnai quelques dessins, des visages, des mains... Je finis par déchirer la feuille que j'utilisais, la roulai en boule et la jetai dans la poubelle.

Evidemment elle tomba à côté.

Je me levai pour la ramasser, encore plus à cran. Je n'étais même pas capable de dessiner correctement, les proportions étaient tout sauf proportionnées, mes coups de crayons, pas assez délicats, et mon imagination n'était pas de mon côté non plus. Pour inventer des cauchemars dignes de films d'horreur oui, mais lorsqu'il s'agissait de faire quelque chose de productif, je pouvais toujours courir.

Deux heures passèrent ainsi, perchée sur mon tabouret, je dessinais, froissais, lançais, et souvent, ratais la poubelle. Je finis par sortir une barre de céréale de mon sac et commençai à la grignoter sans appétit. J'avais besoin d'énergie pour continuer la journée.

Le carillon résonna, signe que quelqu'un entrait dans le magasin. Je refermai l'emballage sur le reste de ma barre de céréale et me levai.

Une jeune femme très jolie de quelques années plus âgée que moi me fit face. Elle avait un teint halé rehaussé par la longue robe blanche qu'elle portait, elle sourit en me voyant.

-Bonjour, vous avez besoin d'un renseignement ?

Je lui souris aussi, de manière moins forcée qu'avant. Elle dégageait quelque chose d'apaisant, je crus même sentir mon mal de tête diminuer.

ImperiaWhere stories live. Discover now