Chapitre 72 (Alex)

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Mes craintes étaient justifiées. Si seulement j’avais été en mesure de refuser à Maelie la balade en amoureux qu’elle m’avait réclamée, nous n’en serions pas là. Jouant de malchance, nous avions croisé l’un de ses camarades de promotion qui était aussi, a fortiori, l’un de mes étudiants. De quoi nous mettre dans une situation pour le moins délicate.

_ Bonjour Monsieur. Maelie ? Quelle surprise !

Maelie, comme pétrifiée, demeura silencieuse et, alors, je compris que ce serait à moi de trouver quoi dire pour préserver notre secret, si tant est que ce soit possible car, à l’évidence, les circonstances ne plaidaient pas en notre faveur. C’était même un doux euphémisme que de le dire. Nous arpentions les rues à une heure avancée de la soirée, collés l’un à l’autre, et, pour ne rien arranger, nous venions tout juste de nous embrasser à pleine bouche. Autant dire que, si ce jeune homme nous avait vu faire, il serait parfaitement inutile de chercher à nier notre liaison.

Je le jaugeai du regard durant plusieurs secondes. Il m’avait l’air pour le moins soupçonneux. Quoi de plus logique, il avait toutes les raisons de l’être. Il ne semblait pas non plus très à l’aise. Je dirais même qu’il était tout aussi peu ravi que nous que l’on se soit croisé. Il avait ce petit air coupable sur le visage qui me faisait croire qu’il avait peut-être quelque chose à se reprocher. Était-ce une fausse impression ? Je n’en avais pas la moindre idée mais j’étais certain que quelque chose clochait chez lui bien que je sois incapable de dire quoi exactement. Je décidai donc de le tester.

_ Bonjour Monsieur Lachant, que faites-vous dehors à cette heure tardive au lieu de réviser vos cours de procédure pénale ? lui dis-je d'abord comme un moyen d’asseoir mon autorité sur lui.

Ainsi, j’espérais suffisamment l’intimider pour éteindre toute velléité de sa part.

_ Je prenais un peu de bon temps avec quelques amis. Dites-moi professeur, ce n’est pas une infraction au moins ? me répondit-il, essayant sûrement d'être drôle.

_ Je ne sais pas. Tout dépend de ce que vous avez consommé avec vos amis, lui rétorquai-je, acceptant de jouer son jeu car c’était encore ce que j’avais de mieux à faire.

_ Que de l’eau, et peut-être un peu de bière aussi… Mais, promis, rien de ce que vous semblez insinuer.

_ Oh mais je n’insinue rien. Et vous ?

_ Et moi quoi ?

_ Avez-vous quelque chose dont vous vouliez me parler ?

Je vis bien que ma question le prenait de court. Tant mieux, le déstabiliser était précisément le but recherché.

_ Non, rien en particulier... bredouilla-t-il de plus en plus gêné.

_ Dans ce cas, pourquoi vous restez planté là, à nous regarder avec le même air horrifié que si vous aviez vu un fantôme ?

_ C’est que…

_ C’est que vous vous demandez ce que Maelie et moi faisons ensemble, n’est-ce pas ?

_ Euh... Oui, en fait, il est possible que je me le demande…

_ Je comprends. C’est vrai que, de prime abord, c’est un peu surprenant et qu’il y a de quoi se méprendre.

Puis, j’ajoutai, sans même lui laisser le temps de dire quoi que ce soit :

_ Maelie s’est faite cambrioler.

_ Mince, c’est terrible… s’indigna David.

_ En effet. Il se trouve que je suis son voisin de palier et que c’est donc moi qu’elle est venue chercher après avoir découvert son appartement sens dessus dessous. Comme elle était un peu sous le choc, je lui ai proposé que nous allions prendre l’air, pensant que ça pourrait l’aider à se sentir mieux. D’où notre présence ici.

David Lachant me dévisagea un instant d’un œil médusé avant de finalement me dire :

_ D’accord… Enfin, je veux dire, oui, c’est une bonne idée de s’aérer après s’être fait cambriolé. Enfin, je suppose parce-que ça ne m’ait jamais arrivé.

_ Je vous dis tout ça uniquement pour m’assurer qu’il n’y ait aucun malentendu. Et je compte sur vous pour tenir votre langue. Je ne tiens pas à ce que la mésaventure qu’a connue Maelie s’ébruite. Elle est déjà suffisamment brassée comme ça pour ne pas en rajouter.

_ Ne vous en faites pas, il n’y a aucun malentendu. Et vous pouvez compter sur ma discrétion.

_ Parfait. A présent, nous vous laissons. Il est déjà tard. Ce fut un plaisir Monsieur Lachant. Je suppose que nous nous verrons en cours demain. A moins que vous ayez prévu de ne pas nous honorer de votre présence comme ce fut le cas la semaine passée ?

_ Je serai là, sans faute, m’assura-t-il sans doute pour ne pas me contrarier.

_ Bien. A demain alors.

_ A demain, répondit-il avant de souhaiter également une bonne soirée à Maelie.

Elle le salua d’un bref hochement de tête tandis que nous nous éloignions déjà. Une fois à bonne distance, elle me lança, d’une voix qui en disait long sur le soulagement qu’elle éprouvait :

_ On a eu chaud. J’ai bien cru qu’il avait tout compris. En tout cas, je dois dire que je suis impressionnée, tu es un menteur formidable quand tu veux. La manière dont tu l’as embrouillé était incroyable.

_ Tout le mérite te revient.

_ Tu parles, je n’ai rien fait du tout. Je n’ai même pas été fichue de prononcer un traître mot pour t’épauler.

_ L’idée du cambriolage était de toi. Je n’ai fait que la reprendre.

_ C’est vrai. Et c’était plutôt habile de ta part.

Après quoi, Maelie vint se blottir contre moi tandis que nous regagnions ma voiture. Elle était visiblement rassurée ce qui n’était pas mon cas. Et pour cause, j’étais persuadé que David Lachant n’avait pas cru à mon histoire. S’il avait pu sembler abonder dans mon sens, ce n’était qu’une posture. Je pensais qu’il avait tout vu et que c’était précisément ça qui expliquait son embarras.

L’idée qu’un étudiant puisse être au fait de ma relation avec Maelie n’était pas pour me plaire mais je n’étais pas non plus démesurément inquiet. Au fond, ce n’était pas si dramatique. Qu’il aille raconter ce qu’il avait vu à toute l’université si ça l’amusait, il n’avait rien pour démontrer ce qu’il avançait et, dans ces conditions, il lui serait bien difficile de convaincre qui que ce soit. Quand on y pensait, affirmer que Maelie sortait avec le professeur de procédure pénale était loin d’être la chose la plus crédible qui soit. En définitive, il n’y avait donc vraiment pas de quoi paniquer.

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