Chapitre 21 (Maelie)

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Quel tempérament. Alex Mavri m'avait brillamment sortie de la situation délicate dans laquelle je me trouvais. Je ne pouvais qu'admirer ce mélange de courage, de poigne et d'érudition dont il avait fait preuve pour finalement parvenir à faire ployer le genou à ce détestable Mr Monso. Je m'étais délectées de le voir ainsi prendre ma défense d'autant plus que je pensais qu'il ne l'avait pas fait par hasard ou par simple serviabilité. J'avais comme l'intime conviction qu'il n'aurait pas agi ainsi pour n'importe qui. Un homme comme lui ne réservait ce genre de faveur qu'à quelques personnes auxquelles il tenait vraiment. Je pouvais me tromper bien sûr, car après tout je le connaissais trop peu pour me forger des certitudes, mais si j'avais raison cela voulait dire que l'indifférence qu'il semblait me témoigner n'avait jamais été qu'une façade qui cachait, en réalité, des sentiments beaucoup plus ambivalents.

Par deux fois au moins, Alex Mavri avait eu des réactions de nature à venir confirmer mon hypothèse. Il y avait d'abord eu son étrange obstination à ne pas me donner de véritable explication quant à son refus d'encadrer mon mémoire et cette phrase qu'il m'avait lancée pour s'en justifier par laquelle il disait ne pas avoir de raison qu'il puisse « assumer devant moi ». Les mots ont un sens et un homme de l'intelligence de mon professeur les utilisaient nécessairement à bon escient. Alors qu'avait-il voulu dire par là ? Cette question ne me quittait plus.

Et puis il y avait eu cet instant d'égarement de sa part où il s'était laissé aller à me proposer un « rendez-vous » sans me donner plus de précisions. Évidemment, j'avais immédiatement compris qu'il voulait simplement que l'on se rencontre pour parler de mon mémoire et rien d'autre qui puisse ressembler de près ou de loin à un rencard. Il s'était d'ailleurs précipité pour se corriger, visiblement très embarrassé à l'idée que je puisse imaginer autre chose. Ça ne m'avait pas eu l'air d'être l'attitude de quelqu'un de totalement désintéressé. Mais bon, difficile d'en être sûre.

Le rendez-vous en lui-même s'était déroulé tout à fait normalement. Je m'étais présentée à 13h pile. Alex Mavri m'avait accueillie dans son bureau et nous avions échangé durant une petite demi-heure sur le mémoire. Il avait été très professionnel de bout en bout. Il m'avait donnée quelques consignes, une sorte de tableau de marche à respecter. Il m'avait ensuite sondée sur mes idées. Comme j'avais déjà bien travaillé la question, j'avais été en mesure de lui confier mes premières pistes de réflexion. Il en avait validé certaines et écarté d'autres. Mais je croyais que, globalement, il s'était trouvé satisfait de ce que je lui avais présenté.

Quand nous en avions eu fini, il m'avait raccompagnée jusqu'à la porte de son bureau. A peine avais-je parcouru quelques mètres dans l'étroit couloir qui menait à la sortie du bâtiment qu'il m'avait retenue :

_ Maelie ?

L'entendre m'appeler ainsi par mon prénom pour la première fois m'avait remplie de bonheur.

_ Oui ?

_ Faites-moi plaisir et dites-moi que votre bailleur a tenu parole.

_ C'est le cas. L'entreprise de réparation doit passer en fin de journée.

_ Ravi de l'apprendre. Il fait bien de se montrer raisonnable.

Il me vit laisser échapper un rictus qu'il interpréta comme un signe de contrariété. Il s'enquit aussitôt :

_ Quelque chose ne va pas ? Il vous a encore causé des soucis ?

_ Non. Je viens seulement de penser que je ne pourrai pas me servir de ma salle de bain ce soir. Enfin bref, je ne sais même pas pourquoi je vous raconte ça. C'est idiot et assez gênant en fait...

Il resta silencieux quelques instants au cours desquels je me sentis honteuse de m'être ainsi abandonnée à lui faire une remarque aussi ridicule. Puis, il se décida enfin à parler :

_ Vous savez quoi ?

Curieuse, je l'interrogeai du regard. Il s'empressa d'ajouter :

_ Vous n'avez qu'à utiliser ma salle de bain si vous voulez.

_ Pardon ? dis-je à brûle-pourpoint, pensant avoir mal compris.

Il s'était visiblement surpris lui-même et était plongé dans un tel embarras qu'il se mit à bredouiller comme encore jamais je ne l'avais vu faire lui qui s'exprimait toujours avec une éloquence impeccable :

_ Ce que je veux dire, c'est que si vous avez besoin de vous doucher ou que sais-je d'autre je vous prête ma salle de bain...

Je ne savais vraiment pas quoi répondre à cette proposition qui me semblait aussi bizarre qu'inattendue. Un peu mal à l'aise et pressée par le temps, je me contentai finalement d'un simple élément de langage avant de filer pour aller en cours :

_ Merci. Je n'hésiterai pas si besoin...

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