Chapitre 71 (Maelie)

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Il avait fallu que je commette la bourde de le questionner sur sa famille, sa famille dont il me confiait qu’elle n’existait pas, ou du moins qu’elle n’existait plus depuis que son père était décédé accidentellement et que sa mère l’avait rejoint dans la tombe, morte de chagrin. Bien sûr, je n’étais pas censé deviner qu’il avait vécu un tel drame mais je ne pouvais pas m’empêcher de m’en vouloir malgré tout.

Je m’en doutais déjà depuis qu’il m’avait dit s’être scarifié à l’adolescence, mais Alex Mavri trainait un lourd passé derrière lui. Fallait-il voir un lien entre les mutilations qu’il s’infligeait et la perte de ses parents dans des circonstances tragiques ? Possible, probable même. Nul besoin d’être diplômé en psychologie pour comprendre que quiconque, enfant, aurait à affronter une telle catastrophe n’en sortirait pas indemne. Aussi, connaitre les souffrances qu’il avait endurées autrefois, loin de m’effrayer, ne faisait au contraire que renforcer ma détermination à l’aimer et à faire que sa vie soit enfin douce et belle. J’espérais même, pourquoi pas, réussir à faire de lui un homme heureux.

Par chance, ma maladresse n’avait pas gâché la suite de notre petite sortie en amoureux. Alex Mavri ne m’avait pas tenu rigueur de mon incursion dans son passé et nous avions pu poursuivre notre soirée presque comme si de rien n’était. Presque parce-que je lui avais tout de même trouvé un air un peu plus sombre après que je l’aie forcé à aborder ce sujet pénible. Cela dit et à mon grand soulagement, ça ne nous avait pas empêché de prendre du bon temps.

Sitôt que nous avions eu fini de manger, Alex Mavri avait voulu que nous rentrions mais, usant une nouvelle fois de ma force de persuasion, j’étais parvenue à le convaincre de nous accorder une petite balade au clair de lune. Ainsi, pendant plusieurs minutes, nous avions arpenté bras dessus, bras dessous, les rues du centre-ville, profitant de l’étonnante douceur de cette nuit d'hiver. De temps à autres, je l’avais forcé à s'arrêter pour que je puisse me presser dans ses bras et déposer un tendre baiser sur ses lèvres. Lui qui était si réticent à ce que nous nous montrions en public semblait désormais s’être considérablement détendu. De sorte que ni lui ni moi ne prenions de précautions particulières et qu’il ne devait faire aucun doute pour les passants qu’il nous arrivait de croiser que nous formions un couple. Nous péchions par excès de confiance et arriva ce qui devait arriver, à savoir une rencontre très mal à propos.

Alors que nous nous attardions près d’une fontaine sur la place de la mairie, nous avions croisé David Lachant. Ce garçon que je connaissais plutôt bien pour l’avoir fréquenté l’année précédente était, comme moi, étudiant en Master 1 de droit privé à l’université. À ce titre, tout comme moi là encore, il suivait les cours de procédure pénale d’Alex Mavri. Aussi, il ne manqua pas de nous reconnaître et, lorsqu’il surgit à l’improviste de l’obscurité, nous nous empressâmes de mettre une distance raisonnable entre nous dans l’espoir de pouvoir encore sauver les apparences.

_ Bonjour Monsieur. Maelie ? Quelle surprise  ! se fendit-il en s’approchant pour nous saluer.

Je me figeai, redoutant déjà le scénario catastrophe. Une question me tourmentait, nous avait-il surpris lorsque nous étions en train de nous embrasser à peine quelques dizaines de secondes plus tôt ? Sans pouvoir en être certaine, je songeai que c’était une possibilité ce qui eut le don de littéralement me terrifier.

J’étais incapable de trouver quoi dire ou quoi faire pour parvenir à désamorcer cette situation délicate. Heureusement qu'Alex Mavri avait su faire preuve d’un sang-froid remarquable.

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