Chapitre 9 (Alex)

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Je ne jetai pas immédiatement un œil sur la rescapée des intempéries que je venais d'inviter à monter dans ma voiture. J'étais trop occupé à lutter avec le tableau de bord pour actionner le chauffage et ainsi effacer le voile d'humidité qui recouvrait le pare-brise et gênait la visibilité. Ça ne m'était pas simple. Je venais d'acheter cette Golf d'occasion, en remplacement de ma vieille Renault Twingo dont les pièces avaient commencé à lâcher les unes après les autres l'année passée jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus rouler, et je n'avais pas encore appris à en maîtriser toutes les subtilités technologiques.

Une fois que je fus enfin parvenu à faire fonctionner la ventilation, je me tournai vers ma passagère. La pauvre était totalement trempée, autant que si elle était tombée à l'eau. Elle semblait jeune et belle, mais je ne pouvais pas en être certain car son visage était caché par ses cheveux bruns qui étaient si mouillés que des gouttes d'eau les parcouraient tout du long pour atterrir sur sa jupe, froissée et humide comme si elle sortait directement de la machine à laver.

Après quelques secondes supplémentaires consacrées à la détailler, je détournai le regard pour le reposer sur la route. Presque au même moment, elle me gratifia d'un remerciement d'une voix dont la douceur et la fébrilité me bouleversèrent. Je restai d'abord silencieux puis je me décidai enfin à lui répondre avec sobriété :

_ De rien. C'est bien naturel. Où dois-je vous conduire ?

_ 11 Rue de Boigne, si ça ne vous dérange pas.

Je ne pus me retenir d'esquisser un rictus de surprise. L'adresse qu'elle venait de me donner était précisément la même que celle de mon domicile. Une coïncidence. Une de plus. Une de trop.

Je n'étais installé ici que depuis une semaine et pourtant je pouvais dire avec quasi-certitude qu'il n'y avait dans mon immeuble que des retraités ou des familles avec des enfants en bas âge. Personne qui ressemble à un étudiant. Personne sauf la fille de l'ascenseur.

Les liens se faisaient dans mon esprit et, à mesure que je prenais conscience de la situation, mon coeur montait en cadence jusqu'à me filer le souffle court.

Cette veste en cuir. Ces cheveux bruns. Cette peau blanche immaculée. Le fait que je l'avais ramassée sur le chemin qui me ramenait de l'université. Comment avais-je pu ne pas m'en rendre compte plus tôt ?

Je faisais peu à peu l'acquisition d'une intime conviction qu'il me fallait au plus vite vérifier. Alors, avec empressement, je tournai la tête et je constatai, qu'aussi incroyable que cela pouvait être, j'avais raison.

Le hasard l'avait mise sur ma route. Encore. A quoi jouait-il ? C'était embêtant mais aussi tellement agréable.

Elle avait noué ses cheveux encore détrempés en une queue de cheval révélant ainsi son visage de porcelaine. Son merveilleux visage, celui-là même qui, depuis qu'il m'était apparu ce matin dans cet ascenseur, n'avait de cesse d'occuper mes pensées. Ses grands yeux ronds me fixaient intensément et me faisaient une drôle d'impression, c'était comme s'ils avaient reçu le pouvoir de lire en moi aussi justement qu'ils le feraient dans un livre ouvert. Ses joues avaient rougi, peut-être sous l'effet du chauffage. Ou alors était-ce parce-que je l'intimidais. Je me plaisais à choisir la seconde option. Ses lèvres étaient humides et suaves, et je brulais d'envie de les goûter. Elle avait aussi ouvert sa veste en cuir. Son décolleté étaient descendu sous le poids de l'eau accumulé dans le tissu jusqu'à dévoiler la naissance de ses seins. Son top moulait ses formes et ses tétons pointaient. Elle ne portait pas de soutif. J'en ressentis un désir infini.

Passé un instant d'inertie, elle bafouilla :

_ Bonjour... Enfin bonsoir Monsieur Mavri...

Monsieur Mavri. Ces deux mots furent comme un électrochoc qui m'arracha à mes fantasmes coupables pour me ramener brutalement à la réalité. Elle était mon étudiante. J'étais son professeur, un professeur qui allait se fiancer avec une femme merveilleuse qui plus était.

Je tâchai de me reprendre et de ne surtout rien montrer du tourment qui m'assaillait.

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