Chapitre 44 (Maelie)

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Rayer Alex Mavri de mes pensées était beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Il n'avait cessé de me décevoir ces jours-ci et pourtant je ne pouvais me résoudre à tirer un trait définitif sur lui. C'était bien simple, je n'arrivais pas à me le sortir de la tête et je n'avais presque pas fermé l'oeil de la nuit tant j'étais préoccupée à cause de lui.

Son attitude m'avait paru totalement inconséquente. Il avait cette manie de souffler le chaud et le froid qui m'échappait. Un instant, il me couvrait de gentillesses pour se faire pardonner ses paroles indélicates et, l'instant suivant, il décidait de m'interpeller publiquement avec une intention évidente de me déstabiliser. J'avais parfois l'impression qu'il jouait avec moi et c'était précisément ce qui me révoltait.

En définitive, il était impossible à suivre. J'étais donc persuadée d'avoir pris une sage décision en coupant court à nos rapports. Cela étant, quand je voyais l'enfer que c'était de devoir lutter en permanence pour refréner mon obsession pour lui, elle me semblait devenir intenable. Pour me rassurer, je songeais qu'il me fallait simplement attendre que le temps fasse son œuvre. A force de me tenir à l'écart de lui, je finirai bien par l'oublier et par m'éprendre d'un autre garçon. Après tout, c'était l'ordre naturel des choses. Alors pourquoi ne parvenais-je pas à m'en convaincre ? Sans doute parce-que je savais bien au fond de moi que cette attirance que j'éprouvais pour lui était tout à fait inédite et surtout totalement incontrôlable.

La sonnette de l'entrée retentit et vint m'arracher brusquement aux méandres de mon esprit. Pourvu que ce ne soit pas encore le monstre qui vienne pour me dépouiller de mon argent ou les deux amateurs qu'il m'avait envoyés pour réparer mon ballon d'eau chaude qui étaient de retour pour m'annoncer qu'ils avaient malencontreusement monté un tuyau à l'envers.

Je me rapprochai d'un pas hésitant de la porte tout en regrettant qu'elle ne soit pas dotée d'un judas qui me rendrait de fiers services pour préjuger des visites déplaisantes que certains me rendaient parfois. Finalement, je l'ouvris et, là, je me trouvai littéralement sidérée en découvrant l'identité de mon visiteur.

Je n'en revenais pas. Quel culot incroyable ! Alex Mavri se tenait là, debout, devant moi, un sourire gêné étirant ses lèvres. Passé en bref instant où je demeurai figée par la stupéfaction, j'entrepris de lui claquer la porte au nez mais il m'en empêcha en jetant son pied de sorte à la bloquer. Je pus d'ailleurs deviner au rictus sur son visage l'ampleur de sa douleur après le choc que venaient d'endurer ses orteils. Pour ce qui était de l'oublier, ça n'était pas pour tout de suite.

_ Je vous préviens. Si vous ne virez pas immédiatement votre pied de là, je vous le réduis en miettes, le menaçai-je presque aussitôt.

_ Vous n'oseriez pas ? me répondit-il, comme pour me défier.

_ Ne me tentez pas, répliquai-je encore en tâchant d'y mettre beaucoup de conviction.

_ Vous m'en voulez donc au point d'avoir envie de me casser le pied avec votre porte d'entrée ?

_ Ça oui je vous en veux. Alors vous feriez bien de faire ce que je vous dis si vous ne voulez pas finir la soirée au service radiologie des urgences.

_ Je ne partirai pas avant que vous m'ayez écouté. Et à mon tour de vous prévenir que je suis tout à fait prêt à perdre un pied si nécessaire, dit-il avec détermination.

_ Oh mais je vois que vous avez le sens du sacrifice.

_ Vous pourriez être surprise. Deux minutes, c'est tout ce que je vous demande.

_ Vous rêvez si vous croyez que je vais consacrer deux minutes de mon temps à vous entendre débiter vos sornettes une nouvelle fois.

_ Je vous promets d'être complètement sincère cette fois-ci, insista-t-il.

Alex Mavri sincère. C'était la définition même d'un oxymore. Je lui fis simplement remarquer :

_ Vous promettez. Encore.

_ S'il vous plaît, renchérit-il en faisant mine d'ignorer ma remarque.

Je savais bien que je ne devais surtout pas me laisser attendrir aussi facilement mais comment résister à l'air suppliant et si craquant qui parait son visage ? C'était proprement impossible. Alors, finalement et en dépit de toute ma bonne volonté, je cédai :

_ Vous avez une minute et pas une seconde de plus.

_ Je vous en remercie.

_ Ne me remerciez pas. Ça n'est pas une faveur que je vous fais. C'est simplement que je suis pressée de me débarrasser de vous et que j'ai compris que vous n'étiez pas décidé à partir tant que vous n'aurez pas eu ce que vous voulez. Par conséquent, dites ce que vous avez à dire qu'on en finisse, le sommai-je.

Visiblement en proie à un stress intense, il hésita longuement avant de se lancer. Et, lorsqu'il le fit enfin, ce fut sur un ton de vérité qui me laissait penser qu'il était en train de se décharger d'un poid immense :

_ Vous avez entièrement raison. Je me suis moqué du monde. J'ai même fait pire que ça. Je me suis moqué d'Elodie, de vous et aussi de moi-même. En fait, j'ai été lâche. J'avais peur. Peur de faire face à la réalité. Peur de reconnaître ce que je n'avais pas vu venir. Peur de me remettre en question. Peur de devoir choisir. Peur d'assumer la force de ces sentiments qui me sont apparus un matin sans que je ne m'y attende et qui sont venus tout bouleverser...

Il s'interrompit, comme s'il doutait de l'opportunité d'aller plus loin. Il était hors de question que je reste là, les bras ballants, à le regarder se dégonfler. J'étais décidée à battre le fer tant qu'il était encore chaud. Il m'avait promis de la sincérité. J'attendais donc qu'il soit complètement sincère avec moi et non seulement partiellement. J'estimais qu'il me le devait bien sans toutefois me douter que mon insistance allait le contraindre à lâcher ce qui aurait valeur de véritable bombe et qui ne manquerait pas de souffler toutes ses certitudes autant que les miennes.

_ C'est tout ? Parce-qu'en fait je n'ai vraiment que faire de vos états d'âme qui, très franchement, ne concernent que vous. Par conséquent, si vous n'avez rien à ajouter, je crois que nous pouvons nous en tenir là.

Je m'apprêtai à refermer la porte quand il se décida enfin à me dire ce qu'il avait vraiment sur le coeur :

_ Maelie, je sais que je ne devrais pas mais je crois que je vous aime.

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