Chapitre XXXV

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Hé-Ho, on rentre du boulot ! Et on y repart aussitôt...

Quelques jours plus tôt, le nom de notre guilde venait enfin d'entrer dans la cour des grands. En tant que scientifique de la guilde, j'avais présenté à toutes les autres organisations nos informations réunies sur les renommées "Aquaènes" grâce à notre escapade à Laguna Brooke.

Du fait de leur puissance, il s'est avéré que l'Ordre des Paladins, la plus puissante équipe de la guilde officielle de la capitale, classe leur reine, l'Aquaène Queen, au rang de monstre légendaire afin qu'aucune équipe d'aventuriers ne tente de venir à bout de ce "donjon" sans l'autorisation des autorités.

Dire que je venais à peine de réchapper à une aventure pareille et que nous étions de nouveau dans l'antre de nouveaux monstres, quelle plaie cette guilde...

La lumière du soleil nous avait encore abandonné dans la grotte que nous traversions où seule la lueur des torches guidait nos pas. L'air, plus rare qu'à la surface, rendait le trajet encore plus inconfortable qu'à l'accoutumée. Je tremblais comme une feuille à chaque fois que le bruit d'effritement des rochers revenait en écho dans cet antre dominé par le silence.

- " Dire que nous revenons à peine de Laguna Brooke et que, maintenant, nous sommes repartis pour une autre bête... Nos finances vont vraiment en prendre un coup. 'ailleurs, quel est l'intérêt dans tout ça ? Nous avons déjà prouvé notre valeur aux autres guildes alors à quoi bon risquer nos vies pour une autre créature issue de racontars ?" demanda Yvan, certainement le moins enthousiaste à cette idée.

Pour être honnête, malgré ma passion pour les monstres et leurs caractéristiques, j'étais tout à fait d'accord avec notre trésorier. Durant noter périple vers la cité des Aquaènes, j'ai failli perdre la vie et même Samaël, que je croyais invincible, avait risqué sa vie à plusieurs reprises. Si cela continuait, j'avais peur qu'un jour un monstre arrive véritablement à bout de lui, surtout en sachant l'origine de ces fameux "racontars"...

- " Allez, fais pas cette tête, mec ! La reine des thons aussi, c'était une rumeur et on lui a mis un raclée, non ? En plus, cette fois, c'est des mineurs qui ont dit avoir rencontré une bête plus grosse qu'un géant et aux crocs plus acérés qu'un loup ! On ne peut pas rater ça !" s'écria notre chef en tête de file.

Nous ouvrant le pas dans ce passage étroit où deux personnes ne pouvaient se tenir côte à côte et dans lequel le grand Keith se recroquevillait en permanence, Samaël était visiblement le seul attiré par l'aventure.

Franchement, je me demandais encore ce que je pouvais bien lui trouver... Son visage et son corps sculptés étaient certes tout à fait charmant mais de là à ce que je risque ma vie pour ça, pensais-je en observant le profil souriant e cet énergumène. Et puis, son caractère état tellement imprévisible, impossible de suivre le fil de ses pensées !

D'ailleurs, à quel instant ai-je commencé à l'apprécier ?

Plus je plongeais dans mes souvenirs et moins je parvenais à la savoir. Dès notre première rencontre, mes joues se sont teintées de cramoisi puisque ce crétin avait ôté son maillot pour se baigner et n'hésitait pas à m'approcher malgré tout. Son audace et son culot inqualifiable m'avaient paru totalement déplacés.

Et la façon dont il avait reproché le manque de praticité dans mes belles robes, c'était d'un prétentieux ! Comment un simple bouseux vêtu de haillons pouvait comparer les habits d'une dame telle que moi ?!

Ce n'est pas tout ! Lorsque je lui ai accordé mon aide venue de mon infinie générosité pour vaincre la Virace, ce mioche affichait l'air de " Elle va nous ralentir", comment osait-il ?!

Quand nous avons inauguré la guilde, par ailleurs, ce vile personnage a même profité de ma compassion pour parler devant le coucher du soleil, à l'arrière du bâtiment ! Alors qu'un florilège de femmes de mauvaise vie se précipitait à sa recherche dans toute la ville ! Si ça, ce n'est pas la preuve de sa vie de dévergondé !

Ses centaines de sourires, ses tapes sur l'épaule, son rire interminable, ses conversations joyeuses de bon matin et même sa gentillesse permanente ! Vraiment, je ne comprenais pas comment pouvait-il bien être agréable avec moi et mes paroles toujours à demie-gentilles et à demie-arrogantes ?

Sa façon de s'inquiéter pour moi alors que je suis en pleine mesure de me protéger et que je n'ai pas besoin de lui, sa présomption est sans égale ! Qui plus est, il n'est pas même humain ! C'est un vulgaire monstre de foire qui ferait mieux de retourner au cirque des bêtes avec d'autres êtres abjects comme lui...

Sérieusement, qu'est-ce qui a bien pu me charmer chez cet idiot ?, me demandais-je une nouvelle fois, souriant malgré moi, les sourcils froncés, devant son enthousiasme non dissimulé.

- " Ah ! Ça y est, je vois l'entrée de la mine, les gars. L'aventure va pouvoir enfin commencer !" s'exclama-t-il, m'extirpant ainsi de mes pensées.

Il se décala sur le côté de ce qui s'apparentait à l'entrée d'une nouvelle grotte démesurément grande afin de nous laisser la voir de plus près. Une gigantesque cavité de plusieurs dizaines e mètres de profondeur accessibles par le biais d'un labyrinthe d'escaliers et de poulies et où se croisaient çà et là les rails de chariot destiné à la mine.

- " Elle doit être ancienne, tout de même pour être si grande. Cela ne va pas être facile de trouver notre bête..." constata Seth, réfléchissant déjà au chemin le plus sûr à prendre en cas de fuite.

- " C'est exact. Talùrmin est une ville qui s'est construite uniquement autour de l'extraction de minerais. Pas étonnant que les galeries soient si profondes et complexes. Nous aurions du demander un guide ou une carte, au moins." poursuivit Yvan, nettoyant d'un geste ennuyé les verres de ses lunettes, couverts de poussière.

- " Et bah, c'est pas grave ! Jouons là Petit Poucet, vous savez, le type qui semait des cailloux ? C'est une mine alors la caillasse ne doit pas manquer !"

Keith, sûrement le moins allant pour l'aventure de nous tous s'encourageait malgré tout et reçut une tape sur l'épaule de la part de son frère adoptif, sans doute fier et heureux face à la détermination de son "Trois Pommes".

Je ne l'avais pas remarqué avant la bataille dans la cité des Aquaènes mais en dépit de sa grande taille, ce bonhomme avait gardé sa même trouille de quand il était enfant contrairement à notre Maître déjà bien courageux à l'époque. Les gestes d'affection dont ils faisaient tous les deux preuves en acceptant la force et la faiblesse e l'autre nous arrachait à tous un sourire en coin.

Oui, je le savais au fond... Ce qui m'attire chez cet abruti, c'est sa sympathie, m'avouais-je à contre cœur tout en savourant ce dernier instant de calme avant les combats qui nous attendaient dans cette mine.

Flügel-Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant