Chapitre XIII

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Coup de chaud

Des plateaux de verdure claire s'étendait à des lieues à la ronde. Les frémissements des brins d'herbe les uns contre les autres avaient quelque chose d'envoûtant et de profondément relaxant, semblable à la houle de la mer dont parlent les livres. Et, au milieu de ces vaguelettes végétales se dressaient quelques arbres et buissons faisant obstacles à une étendue parfaitement plate. Dans sa grandeur, on apercevait un petit ruisseau, plus grand qu'il n'y paraissait depuis ma position, s'écouler dans la plaine et venir s'approcher de Rosran qui, sans doute, tire cette eau pour ses petits canaux.

Mais, si notre regard pouvait se perdre dans le vide, c'était surtout quand il remontait le cours de la rivière et se plantait sur les gigantesques pics surmontés de neige qui mordaient dans le ciel clair à pleines dents. La grande chaîne de montagnes gelées qui servait de remparts à la ville qui, d'un point de vue stratégique, était en position de faiblesse en cas d'attaque ennemie.

Pourtant, plus fascinant encore, les sommets blancs sillonnés de roches à l'aspect argenté étaient séparés du sol, de notre point de vue, par une épaisse forêt. Les bois bleus sombres paraissaient être des antres obscures et labyrinthiques qui nous attiraient inexorablement vers eux afin de nous y enfermer à jamais. Le contraste était d'autant plus saisissant quand on constatait que le seul paysage s'offrant à nous était l'opposition captivante de ces deux entités blanches claires et bleues sombres.

En apercevant les silhouettes lointaines de bêtes à l'allure plus paresseuse que féroce, je finis par me souvenir d'un paragraphe que j'avais lu sur ce paysage ; les plaines de Raves. Un lieu idéal pour les aventuriers débutants grâce à ses immenses pâtures dépourvues de monstres agressifs et dangereux, sa beauté a eu le don d'attirer les fondateurs de cette ville afin d'ériger leur campement.

Même moi, baignant pourtant dans le luxe depuis ma plus tendre enfance, ne put retenir un souffle d'admiration devant cette endroit. La seule créature terrestre pouvant se montrer hostile étant la Virace, espèce malgré tout rare dans cette bourgade en plein jour, rien ne pouvait m'attaquer. J'avais bien fait de me renseigner avant d'arriver dans ce village. Je devrais lire ici, je vais être tranquille..., songeais-je en m'adossant contre le tronc d'un arbre.

- " N'empêche,... quand est-ce qu'on sera capables... guilde... J'aimerais.... utile à cette ville... Elle m'accueille... je suis un monstre alors..."

Des bribes de phrases émergeaient doucement à mes oreilles. L'endroit était si grand qu'il m'était difficile de déterminer d'où provenait ces paroles et je n'avais aucune raison de vouloir le savoir mais ma curiosité l'emporta en entendant le mot "monstre", ayant le don d'attiser la partie scientifique de mon cerveau.

- " ...Pas vrai "

A mesure que mes pas m'approchaient de la source sonore, la conversation me paraissait plus claire malgré le ruissellement de la rivière. Avec un peu de mal, j'avais pu discerner deux voix masculines mais, à leur timbre, il était simple d'affirmer qu'elles appartenaient à des enfants. J'espère que ce ne sont pas des amis de l'autre crétin, je ne pense pas être en mesure de le supporter, songeais-je avant de me diriger vers eux avec hésitation.

Dans l'eau où transparaissait la silhouette de roches, deux garçonnets y trempaient leurs pieds en riant lorsqu'ils s'éclaboussaient. Leur corps étaient recouverts d'une ombre provoqué par le soleil éblouissant dans leur dos mais le tableau serein qu'il créait eu le don de me fasciner. Mon regard semblait envoûté par ces jeunes gens qui s'amusaient paisiblement, sous le bruit de l'eau qui filait entre les galets blancs et la lumière aveuglante du soleil.

Sentant ma présence, le plus grand tourna la tête vers moi.

- " Qui es-tu ?" demanda-t-il simplement.

Sans attendre de réponse, les deux garçons s'avancèrent dans ma direction, toujours les pieds baignant dans la rivière, tandis que le soleil ne les recouvra plus d'une sombre pellicule d'ombre.

Une fois dévoilés, je ne parvins même pas à réagir devant leur approche quand je me rendais compte qu'ils n'avaient rien d'autre sur eux qu'un caleçon, leurs habits reposant sur un rocher bordant le ruisselet.

Je restais hagarde devant les corps à demi-nus de ces gens qui ne semblaient pas s'en soucier et continuer de m'approcher. Il ne fallut que quelques instants à mes joues pour s'empourprer et rosir légèrement sous le coup de chaleur provoqué tandis que mon esprit s'embuait et ne réfléchissait à rien d'autre qu'aux torse des gamins sur lesquels il était focalisé.

Balbutiant comme une idiote, mes pieds se dérobèrent du sol pendant que je reculais et mon fessier se retrouva ni plus ni moins par terre face au regard interloqué de ces impudents. Même mon bouquin m'échappa et retomba à mes côtés.

- " Bah alors, qu'est-ce que tu fiches par terre ?" se renseigna le plus grand en approchant effrontément son visage du mien, l'air de rien.

- " Qu'est-ce qui lui prends ?" renchérit son ami en se tenant à sa droite.

Déjà troublée, je crus presque que mes joues me brûlaient en étant fixée par le jeune homme. Quand bien même je n'eus jamais rencontré un humain aussi peu "humain" si l'on puis dire, je pouvais affirmer que mon cœur n'avait jamais battu aussi vite avant que ses prunelles ne se plantent sur moi.

- " T'es toute rouge, t'as pris un coup de soleil ? Ça va aller, si t'as une insolation, il vaudrait mieux que tu rentres chez toi, tu sais ?" expliquait-il d'un ton calme comme s'il parlait à une enfant, bien que cela soit le cas, théoriquement.

Il allait poser sa main sur mon front mais, sans en comprendre la raison, mes mains s'emportèrent en plaçant le livre que je tenais devant mon visage en signe de protection.

Outrecuidant, va ! Comment peux-tu avoir l'impertinence de t'approcher d'une jeune fille non mariée dans une tenue aussi peu convenable ?! A-Aucun mot ne pourrait décrire l'audace dont tu fais preuve, g-gamin !

L'autre gosse allait commenter lui aussi la couleur de mon faciès mais, sentant la honte s'immiscer dans mon corps fier digne de mon nom, il était hors de question de rester dans un telle position de faiblesse. Pointant soudain mon doigt, geste d'ordinaire interdit, en direction de la rivière où ils se baignaient il y a peu, je changeais brutalement de sujet :

- " Mais enfin, vous êtes fous, ma parole ! C'est inconscient de rester dans ce ruisseau, ne savez-vous pas qu'il y a des monstres extrêmement dangereux là-dedans ?! Le Serrasalmin Sphyraen, ça vous dis quelque chose, bande d'ignorants ?" les questionnais-je brutalement, ma voix criant d'elle-même.

Flügel-Tome IIWhere stories live. Discover now