Chapitre IX

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Les évènements cavalent au pas des chevaux

Trois semaines s'étaient déjà écoulées depuis ma rencontre avec mes amis ; Yvan, le rat de bibliothèque ; Seth, le fils à papa et Samaël, surnommé l'éclair à cause de sa vitesse fulgurante comparée à la nôtre.

- " Dépêche ou je vais te coiffer au poteau, Trois pommes !" m'avertit Samaël qui nous devançait dans notre course d'au moins sept mètres.

Nous trois, gamins mal élevés selon les passants, dévalions les rues à toute vitesse pour nous rendre jusqu'à la bibliothèque où le rat de biblio' nous attendait. Indubitablement, j'étais le plus lent de tous ; avec ses jambes plus longues, Seth me dépassait et, pour Samaël, c'était perdu d'avance.

Au cours d'une discussion plus sérieuse que d'ordinaire, je m'étais renseigné sur ses origines parce que même si c'est mon ami, je ne pouvais refréner ma curiosité quant à son apparence plus extravagante que celle des autochtones.

En réalité, après ses explications, plus rien n'aurait pu me surprendre.

Au large des côtes, pas si loin que ça dans l'océan, se trouve un autre continent habité par des hommes-bêtes. Ces hybrides virent leur terre colonisée avant d'être eux-mêmes asservis par notre pays. De fait, fréquemment des navires ramènent à leur bord les insulaires afin qu'ils grossissent le "cirque des bêtes" de la capitale.

Cependant, les esclavagistes qui s'occupent de ces créatures favorisent les croisements entre leurs pensionnaires plutôt que l'affrètement de bêtes bien plus coûteux à cause du transport. Le propriétaire des géniteurs de Samaël décida donc de croiser une femme-chèvre avec un homme des neiges. Il pensait ainsi obtenir une bête mythique digne des plus grandes légendes pourtant, loin d'être satisfait par l'aspect bien trop humanoïde du nouveau-né, il abandonna bien vite Samaël, le laissant à la merci du monde entier.

Sa peau est donc naturellement plus blanche que la normale à cause de ses gènes issus d'un homme des neiges tandis que son agilité et sa vitesse est du à sa génitrice femme-chèvre, espèce vivant à l'origine dans des montagnes tortueuses et escarpées. Cependant, les cornes de sa mère, ses sabots et ses membres bestiaux ne sont jamais apparus sur son fils à cause de la trop grande différence entre sa génitrice et son géniteur qui, lui, ne possédait qu'un épiderme de neige et et un blizzard gravitant perpétuellement autour de lui. Seul leur point commun ; leur bipédie, fut conservée chez leur progéniture.

J'interrompis le cours de mes pensées en apercevant le dernier carrefour avant notre destination.

Finalement, en quelques minutes à peine, nous étions arrivés sur la grande place regroupant toutes les activités de Rosran ; du marché à la guilde, des commerces à la fameuse bibliothèque où nous nous rendions.

- " Gagné !" s'écria joyeusement mon premier ami en touchant le mur d'une maison, symbole de la fin de notre course.

Un instant plus tard, ce fut Seth qui tapa sa paume contre le chaume puis finalement, avec un retard assez conséquent, ma main effleura le bâtiment, elle aussi.

Courir si vite, si longtemps, provoqua des palpitations intenses et rapides dans ma cage thoracique qui se bombait et se dégonflait au rythme irrégulier de ma respiration. Je haletais bruyamment tout en prenant de grandes bouffées d'air frais mais ma voix essoufflée trahissait toujours mon épuisement. Je passais le dos de ma main conter mon front pour enlever une partie de la sueur qui ruisselait sur mon front, le peu retiré immédiatement remplacé par de nouvelles gouttes.

J'étais quelque peu agacé de toujours être dernier alors, discrètement, je lançais quelques œillades en direction de mes compagnons. Si moi, je frôlais l'évanouissement, les joues gonflées et teintées d'un rouge flamboyant, Samaël était à l'évidence prêt à repartir aussitôt.

Les poignets contre les hanches, il observait patiemment la place grouillante de monde en ce jour de marché en attendant que nous reprenions notre souffle. Sa crinière en bataille laissait découvrir un front lisse et sec où ne reluisait aucune trace d'un quelconque effort tandis que son torse ne se confondait pas en une respiration oppressante ou à des battements de cœur frénétiques et puissants.

Mes lèvres dessinèrent aussitôt une moue ennuyée qui jalousait la grande forme physique du garçon. Je dus me mordre les joues pour ne pas lui tirer la langue en signe de mauvaise foi. T'façon, ch'uis sûr qu'il fait genre mais qu'au fond, il est au bout de sa vie...

De l'autre côté, j'observais le dos abaissé de Seth qui s'appuyait lui aussi contre le mur pour se reposer. Il essuya négligemment du dos de sa main son menton empoussiéré, un sourire confiant sur la face. Cependant, s'il était tout de même en train de reprendre sa respiration, on comprenait tout de même qu'il était bien plus athlétique qu'il n'y paraissait. Ce gus venu de nulle part avait l'habitude de tirer au flanc sur son apprentissage et d'aller faire le fou dans la ville, de fait, contrairement à moi à l'origine calme, lui, passait ses journées à faire les quatre cent coups ici.

N'empêche, si Yvan faisait la course avec nous, je serais pas le dernier, me réconfortais-je avec dépit. Lui qui passait sa vie dans la bibliothèque ne pouvait pas avoir une endurance et une vitesse supérieure à la mienne, n'est-ce-pas ?

- " Hé, regardez là-bas." nous apostropha soudain Samaël, le profil toujours tourné vers la place.

Je croyais qu'il m'aurait fallu un certain temps avant de distinguer dans cette immense foule ce que notre ami nous indiquait pourtant, au beau milieu de la marée humaine, le toit d'un carosse surplombait l'assemblée.

Avec précipitation et intérêt, les deux fatigués que Seth et moi étions se frayèrent difficilement un chemin jusqu'au véhicule arrêté quelques instants le temps que la foule s'éloigne de sa direction. Samaël nous emboita le pas également, plus tard mais pourtant arrivé en même temps que nous.

Deux chevaux d'une bonne lignée, sûrement, tirait la calèche d'excellente facture présente à Rosran. Laquée de noir, elle reflétait le visage curieux des passants qui lui faisait face. Un rideau rouge obstruait la vue des passagers, seul le cocher et le valet de pied, tous deux vêtus d'un costume à queue-de-pie et d'un haut-de-forme, et d'un âge moyen pouvaient être observés. Autour du moyen de transport était établis plusieurs servantes et gouvernants habillés de leur costume de travail ainsi que des gardes qui faisaient le chemin à pied en accompagnant leurs maîtres.

A en juger par le nombre de personnes, on se doutait qu'il s'agissait de personnages encore plus importants que la famille de Courtebell d'où provient Yvan. Même eux ne possèdent pas un tel personnel alors qu'ils sont la famille la plus puissante de Rosran avec l'église et la guilde puisque aucun maire ne régit un bourg si petit.

On entendit d'autres gens pousser un soupir d'admiration devant ces visiteurs en même temps que nous. Toutefois, les voyageurs furent eux exaspérés de devoir patienter jusqu'à ce que les habitants daignent s'éloigner du véhicule chargé de bagages et de sacs de qualités.

Un homme au visage à la fois sévère et digne sortit du carrosse sous le regard inquisiteur de la ville. Il soupira d'aise en pouvant enfin respirer depuis son départ et permit à sa famille d'en faire de même. Sa femme sortit, accueillie par les exclamations impressionnées du marché, s'en suivit une petite fille. Ce fut face à elle que nous trois poussions nos plus grands souffle d'émerveillement.

Flügel-Tome IITempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang