Chapitre XXXI

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Un coup de cloche avant la bataille

A cent lieues en dessous de la surface, entourés de plusieurs dizaines de harpies n'ayant que le seul souhait de nous occire et se dressant en face de nous une gigantesque sirène faisant office de barrière jusqu'à l'intérieur du château de pierre de cette cité, la situation pouvait difficilement empirer.

En bon trésorier, le coût de notre bataille ne pouvait se défaire de mon esprit, pire encore depuis l'arrivée de ces soldats que je craignais de devoir rémunérer. Toisant avec froideur le scaphandre de leur prétendu chef, des milliers d'excuses traversèrent mon cortex cérébral dans le but de ne pas leur donner un misérable sou. Après tout, ces énergumènes qui me servent de camarades ont déjà bien augmenter nos dépenses rien qu'avec ce raid sur la cité.

- " Bon, je suppose que vous aurez besoin d'un peu de temps pour analyser les monstres qui se terrent dans ce château. En espérant pouvoir compter sur vous, je vais retenir ce monstre-portail, si vous le voulez bien." annonça calmement le scaphandrier d'argent, sa voix ne trahissant aucune angoisse ni hésitation.

Me ridiculisant en désirant remonter mes lunettes sur mon nez malgré la vitre de mon casque, la bravoure de ce guerrier me laissa dubitatif. Si les précédents combats m'avaient montré que c'était une personne fiable sur ce point, il était toujours difficile de confier sa vie à un étranger, surtout en sachant qu'il égalait la force surhumaine de Samaël, pourtant un semi-monstre.

Me coupant dans mon élan, une dizaine de sirènes supplémentaires s'ajouta à la garde du château qui semblait nous observer, ne bougeant cependant pas. Contrairement aux restes de leur peuple, celles-ci voyaient leur corps aquatique former divers objets tels une harpe ou un éventail au bout de leur queue.

Des servantes ?, m'interrogeais-je en observant les traits angoissés de ces grands êtres peu enclins à se battre. Arrivés à la même conclusion que moi, notre sauveteur prit de nouveau la parole :

- " Je crois bien que nous avons d'autres invités. Si ces petites servantes étaient restées bien cachées dans leur coin, j'aurais pu vous accorder une petite demi-heure dans ce château mais en dépit de leur faiblesse au combat, leur taille posera problème alors, si cela vous convient, je retiendrais ces monstres durant quinze minutes. Libre à vous de vous en servir à bon escient dans ce palais de pierre, très chers amis."

Je perdais petit à petit toute volonté de me battre et je n'étais pas le seul. Chacun commençait à murmurer ses inquiétudes à l'oreille de l'autre. Quinze minutes seulement, qu'un étranger nous protège, ce qui se tramera à l'intérieur, ne pas s'en échapper, être abandonnés... Toutes ces angoisses chuchotées impatientaient fortement le gardien du palais qui commençait à se mouvoir, déployant de puissants courant du même coup.

C'était mauvais. Même moi, pourtant impassible en toutes circonstances, sentait mes sourcils se froncer face à ce dilemme. Qu'est-ce qu'il m'avait pris aussi de rejoindre la guilde de ces tarés, je suis peut être calme mais ça n'empêchais point que je souhaitais vivre encore très longtemps, au point d'en avoir les yeux ridés.

- " Bon !" trancha soudain notre Maître. " On a pas le choix. Cette poiscaille bleue est bien décidée à nous casser la figure et si c'est pas elle qui le fait, ça sera le reste de sa clique dans notre dos alors on y va ! On a pas fait tout ça pour rien et puis, si l'on meure on aura qu'à hanter ce petit mec dans sa boîte à sardine pour se venger, ok ?!"

Ainsi, plein de détermination, il bondit jusqu'à l'entrée du château sans même se soucier du gardien. La gigantesque sirène délia l'un de ses bras des milliers de barreaux qu'elle formait et asséna soudain une frappe si rapide vers notre chef qu'elle sembla découper l'eau.

Tout comme mes compagnons, un appel sourd mourut au fond de ma gorge. A sa vitesse et devant la fulgurance du coup, je ne voyais pas comment notre Maître pouvait esquiver ça, plus encore, c'était son crâne qui subirait le coup le premier.

Cependant lorsque le bruit d'os fendus aurait du résonner, ce fut le fracas métallique de l'impact sur une épée qui se propagea avec autant de virulence que les courants nous repoussant.

- " Je vous l'ai dit, je m'occupe de cela, vous du château." déclara le scaphandrier d'argent qui s'était élancé à la suite de Samaël et l'avait protégé de sa lame luisant de milles feux au fin fond de l'océan.

Sans se soucier de cet incident, le métis ne prit même pas la peine de regarder derrière lui et poursuivit son chemin, esquivant les servantes qui se dressaient sur son passage.

- " Allez, bande de chiffes molles !" nous encouragea-t-il à le rejoindre alors que nous frissonnions derrière les coraux.

Mon poing et ma mâchoire se serrèrent. Je n'avais pas envie de mourir et, si je savais bien une chose, c'était qu'en dépit du danger qu'il l'accompagnait, l'endroit le plus sûr restait au près de mon Maître, je l'avais compris dès le premier regard, à cette lointaine journée d'études dans la bibliothèque.

Ainsi, confiant ma vie à cet hurluberlu, je nageais, rapière en main, vers la silhouette rayonnante de notre invincible chef de guilde.

Alors que l'on passait tour à tour à côté du scaphandrier inconnu, nous ressentions par vague les multiples assauts qu'il parait avec une puissance prodigieuse, cependant nous n'avions pas le temps de contempler cette véritable danse d'épée que nous nous faisions avaler par la porte titanesque du château.

Désormais hors d'atteinte de la lumière de la surface, un souffle d'obscurité nous assaillit alors que nous pénétrions dans l'enceinte du bâtiment. Dans le silence de l'endroit où les bruits de combats ne parvenaient plus, un seul rire railleur et plutôt atypique résonna.

- " Hai hai hai, pouvons Nous savoir qui sont les déchets ayant osé souiller Notre merveilleuse et utopique cité ?"

Flügel-Tome IIМесто, где живут истории. Откройте их для себя