Chapitre 42. Rien qu'une nuit

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Luna

Nous nous détaillons. Incapable de bouger, je le fixe, cherchant à comprendre ce qu'il se passe. Les yeux de Christopher sont larmoyants. J'ai l'impression que quelque chose d'invisible vient de se briser entre nous, comme un lien qui aurait commencé à prendre racine dans nos cœurs et qui finalement aurait cassé, trop faible pour supporter nos émotions. Une vague de tristesse m'envahit soudainement, faisant perler des petites gouttes salées aux coins de mes yeux. Sans dire un mot, Christopher me contourne et un instant plus tard la porte claque dans mon dos, me faisant revenir violemment à la réalité. Un sanglot m'échappe sans que je ne puisse le contrôler.

Je te rends ta liberté.

Ses mots résonnent dans mon esprit comme le son incessant d'un tam-tam. Une larme glisse sur ma joue, mais du revers de la main, je la chasse. Mon regard balaie la pièce. Je n'ai plus ma place ici, il faut que je m'en aille, mais mon corps ne répond pas à ma volonté. Christopher ne veut plus de moi dans sa vie et, sincèrement comment l'en blâmer. Il vit avec des putains de souvenirs qui me sont totalement étrangers. Je ne peux pas imaginer la peine qu'il doit ressentir quand je suis près de lui, le traitant simplement comme un ami, tandis que pour lui, je suis tellement plus. Il a sans aucun doute raison, il est peut-être temps de lâcher prise et de laisser nos cœurs se reposer. Lui a besoin de guérir les plaies laissées par mon amnésie, et moi, j'ai besoin de soigner la culpabilité qui me ronge depuis mon réveil du coma. Un sanglot me parvient au travers de la porte, faisant couler une nouvelle larme sur ma joue. À présent, ne sachant plus où se trouve ma place, je sors de la chambre.

De retour dans le salon, quatre paires d'yeux se tournent dans ma direction demandant ainsi silencieusement des explications face à la situation. Une nouvelle vague de remords me noue les tripes. Sans dire un mot, j'attrape mon sac et prends la fuite.

— Luna, attends !

La voix de Richard tente de me retenir, mais déjà la porte d'entrée se ferme après mon passage. Mes pas se pressent pour rejoindre ma voiture. Dans mon sac, je fouille rageusement pour trouver mes clés.

Putain de clés de merde.

Quand enfin, je finis par mettre la main dessus, je déverrouille la portière et m'engouffre dans l'habitacle. Les mains sur le volant, un cri s'échappe de ma gorge. Pas un cri de rage, mais un cri mêlant subtilement tristesse, frustration et culpabilité. J'ai mal pour la peine que j'ai pu causer à cet homme, si extraordinaire. Christopher a fait, je crois, tout ce qui était en son pouvoir pour que ma mémoire refasse surface et aujourd'hui, il est temps. Temps de passer à autre chose. Mais bordel, ça me fait mal d'admettre ça. Bien qu'il ne soit plus rien pour moi, je ne veux pas le laisser partir, comme si une partie de moi était attachée à lui malgré ma perte de mémoire. Parfois, j'ai la sensation que mon corps, lui, se rappelle à ma place. Je ne parle pas de sentiments, mais d'une certaine gratitude dans le fait qu'il ait accepté de me venir en aide.

À présent et sans vraiment en avoir le contrôle, mon corps est parcouru de spasmes. Des sanglots déchirent mes cordes vocales, tandis que mes mains resserrent leur prise autour du volant, si fort que mes phalanges commencent à devenir blanches. Les secondes s'écoulent et je peine à reprendre mes esprits.

Quand enfin, j'arrive à remettre mes idées en ordre, je mets le contact et démarre. La musique emplit l'habitacle, permettant à mon cœur d'étouffer ses tribulations. Je roule sans but. Je n'ai pas envie de rentrer à la maison. Me retrouver seule n'est pas envisageable pour l'instant, alors je conduis dans les rues de Buenos Aires à la recherche d'une destination inconnue.

Après presque quarante minutes de route, durant lesquelles mes pensées n'ont pas cessé de s'embrouiller, me voilà garée sur une place de parking. Devant moi se dresse le Alvear Palace Hôtel. Qu'est ce que je fais ici ? Je n'en sais rien. Alors que je roulais sur le périphérique de la ville, j'ai eu envie de le voir. Comme un désir fulgurant qu'il faudrait que j'assouvisse. Attrapant mon sac sur le siège passager, je finis par sortir et me diriger vers l'accueil.

Volverte a Ver - T.2 {CNCO} // TerminéeWhere stories live. Discover now