Chapitre 40

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      Marlock n'est pas venu me parler, mais ma conscience m'a remise en confiance. Je ne dois pas douter des motivations de mon amoureux. Cette mutinerie est juste, elle a pour seul et unique but de nous libérer du joug de ces sales militaires de malheur. Ce qui n'avait plus de sens en a de nouveau, mes doutes ne sont plus. Je suis une mutine aussi, je me rebelle contre le système mit en place à bord du Draisineguerre ; il réduit la liberté de certains tandis que d'autres profitent honteusement de ce même système. Le PlanCReP est une vaste supercherie que je compte bien anéantir.


— Mes amis, prend la parole Marlock, Juan notre frère est mort pour notre cause. Une mort noble. Le moment de la vengeance viendra tôt ou tard, mais nous devons pour l'instant prendre le commandement de cette forteresse.

— Pourquoi tu endors pas tous le monde ?, lui demande l'un des mutins.

— Parce que mon Sens est limité. Je n'endormirais que des personnes ciblées. Je vous rappelle que nous avons des consignes précises à ce sujet.

— Tu as raison, pardonne moi.

— Il nous faut à présent prendre d'assaut le Patience. Fraya a ouvert toute les portes du cuirassé ce sera un jeu d'enfant. La seconde équipe est en train de placer ses charges et nous passeront à l'attaque en deux groupes. Mon équipe prend la capitainerie et le second groupe s'attaque directement à la kommandantur. Le but est de faire prisonnier le capitaine Liam et le capitaine Trusx. En avant.


      Personne ne s'élance alors je ne comprends pas tout. Au lieu de ça, tous le monde semblent être très calme et se regroupent autour de Marlock. Je n'en comprends pas le but, ça n'a aucun sens. Tous les mutins baissent la tête et je constate alors que que ceux qui ne baissent pas la tête comme moi sont des membres historiques de l'équipage du Draisineguerre. Ils ne sont pas plus d'une dizaine et se regardent les uns les autres sans trop comprendre. C'est alors que tous les émeutiers se mettent à lever les bras en faisant un curieux geste de leurs mains. Formant un V en superposant leurs indexes et leurs pousses, gardant les autres doigts collés les uns aux autres tout en scandant un nom à plusieurs reprises. Nous ne comprenons toujours rien. « Viridas », « Viridas », Viridas ».

      C'est en scandant ce nom que j'entends pour la toute première fois que tous les mutins semblent subitement survoltés. J'ai l'intuition que ce qui va arriver désormais est une chose catastrophique. Nous sortons du Doliton pour investir ses alentours, le matin commence à peine à poindre son nez. Il n'y a pas de vent et l'océan nous offre une accalmie, présageant du calme avant la tempête qui va s'abattre sur la forteresse. Libérons-nous vraiment le Draisineguerre. « Tu es une libératrice », me conforte la voix dans ma tête, alors je suis confiante en cette rébellion. Je crois en Marlock.

      Je me fiche alors de savoir qui est ce Viridas et ce que cela signifie. Je me fiche de savoir que Marlock obéit à quelqu'un, ça n'a aucune importance pour moi car je suis à ses côtés. Je veux libérer le Draisineguerre du joug de l'armée. Une cloche retentit alors et je vois des soldats commençant à se réunir plus haut, au sommet des escaliers sur la zone d'amarrage bâbord du Patience. J'ai terriblement peur parce que j'ai la certitude que ce qui va suivre ne va pas être de tout repos. Pire encore, je crains le massacre qui s'annonce.

      Les soldats épaules leurs armes en nous mettant enjoue. Je me dis que c'est comme ça que va finir notre mutinerie, dans un bain de sang. Des mutins sont entrain de contourner le Dremodon par l'arrière et de se répandre sur toute la zone ; les soldats occupent désormais toute la partie bâbord du cuirassé, coupant ainsi notre route vers l'autre partie du navire.

      Des coups de feu retentissent en provenance des quais du Domdeur, nous comprenons instinctivement que le combat vient de s'engager. Les soldats vont nous faire feu dessus, une suite de plusieurs explosions très puissantes font tanguer toute la forteresse. D'énormes panaches de fumées s'élèvent au niveau du Domdeur et j'ai peur pour mes grands-parents en espérant qu'ils ne soient plus dans cette zone. L'assaut est lancé, les balles pleuvent. Les mutins attaquent les soldats de front et le choc est d'une violence inouïe.

      C'est ça une mutinerie, c'est la guerre. Les balles sifflent dans tous les sens, des corps tombent, le sang gicle et je ne sais pas où me cacher. Marlock m'attire vers lui et nous courrons en direction du Oxu. Une dizaine de personne qui courraient devant nous sont fauchés par les tirs d'armes automatiques, Marlock se retourne et fait feu en direction du pont du Patience. Je perds pied et je me laisse traînée à l'intérieur du Oxu où sous mes yeux les mutins tirent à vu sur les explorateurs.

      Grand-père qui enjambe des cadavres vient alors se placer entre les mutins et ses hommes. Faisant face à Marlock avec bravoure, ce dernier baisse son arme lorsqu'il voit le regard perdu de grand-père qui vient de s'apercevoir de ma présence. Je suis au moins aussi décontenancée que lui. « Frappe-le », je ne veux pas lui faire de mal, mais cette voix mystérieuse n'est définitivement pas ma conscience. Je me relève, actionne l'électrification des anneaux métalliques de ma matraque et je frappe grand-père à la tête. Tous les hommes et femmes de l'exploration stupéfaits et choqués s'agenouillent subitement au sol en signe de reddition.

     Alors que Marlock les faits enfermer dans divers salles, moi je suis agenouillée dans un coin de la pièce à me morfondre. Je me rends compte de l'horreur de l'acte que je viens de commettre ; j'ai frappé grand-père. Marlock finit alors par venir me rejoindre et reste silencieux un bon moment tandis que dehors la guerre a toujours lieu. Tirs et explosions sont notre fond sonore. Je suis responsable de tout cela et je me sens comme une meurtrière et j'ai frappé mon grand-père.




— Ton grand père, me dit alors Marlock, il n'est pas mort.

L'Océan-Monde [TERMINE]Where stories live. Discover now