On ne naît pas âmes sœurs, on le devient

2010 - Armando (17 ans)

L'an dernier, je rêvais un peu qu'un jour Séréna revienne dans ma vie et que nous retombions amoureux. Cette année, un ancien amour (si l'on peut dire) est revenu dans ma vie ; mais ce n'était pas Séréna. Cette année, Léa est dans ma classe. Léa, oui, parfaitement : mon amoureuse de CM2, ma première petite-amie, la première fille à qui j'ai tenu la main autrement que pour être en rang deux par deux, la première fille dont les lèvres ont effleuré les miennes, la première fille que je n'ai pas su aimer comme elle le méritait. Léa, qui était déjà dans mon lycée l'an dernier et que j'ai probablement dû croiser dans les couloirs pas mal de fois sans la reconnaître.

Léa s'est trouvé être finalement une fille tout à fait comme il me faut. En y réfléchissant, elle a pas mal de points commun avec Séréna. En CM2, j'étais un gamin, j'étais stupide : amouraché de la brillance d'Anna, trop bête pour remarquer la beauté et le charme des filles douces et paisibles comme Léa. J'ai admis tout ça à Léa, pour m'excuser de la façon dont je l'avais traitée à l'époque. Il se trouve qu'elle n'avait jamais remarqué que je ne l'aimais pas vraiment, et qu'elle avait toujours gardé un agréable souvenir de moi et de notre histoire, convaincue que c'était vraiment le fait de changer d'école pour aller au collège qui nous avait séparés. Mais, au lieu de m'en vouloir de gâcher ainsi ses illusions sur son enfance, Léa m'a pardonné, et m'a laissé une seconde chance.

Léa m'a laissé une autre chance et encore une fois j'ai tout gâché, parce que j'ai été incapable de l'aimer comme elle le mérite, trop occupé à penser à une autre fille. Léa et moi, notre relation de cette année n'a été qu'une pitoyable tentative de réparer les erreurs du passé. Je voulais à la fois réparer mon tort envers la petite Léa de onze ans, et mon tort envers Séréna que je n'avais pas non plus assez choyée. Léa, elle, voulait probablement avoir avec moi la relation qu'elle croyait avoir eu en CM2 mais que je venais de lui retirer en annonçant que cette relation n'avait été qu'illusion vu que mes sentiments n'avaient jamais été présent.

Léa et moi, nous remettre ensemble six ans plus tard, c'était vraiment une idée immature. Léa ne m'aimait pas ; elle aimait le souvenir du premier amour que j'avais été pour elle. Sauf que j'ai grandi depuis mes onze ans, et je ne suis plus le même. Quant à moi, même si Léa est une fille qui aurait probablement été très bien pour moi, je ne pouvais pas m'empêcher de la comparer à Séréna. Peut-être parce que j'ai commis la même erreur envers l'une et envers l'autre, ou peut être à cause de leurs points communs. Je crois que, le jour où je serais de nouveau capable d'aimer, il faudra que ce soit une fille d'un genre complètement différent. Une fille qui ne sera pas une tentative de recréer et racheter un passé gâché, mais qui me donne envie de créer avec elle quelque chose de radicalement nouveau de tout ce que j'ai pu vivre jusqu'ici.

Mais ma relation avec Léa me fait beaucoup de bien, surtout maintenant qu'elle n'est plus qu'amicale. Elle me permet de prendre du recul, de gagner en confiance en moi, de savoir ce que je veux et ce que je ne veux pas. Avec Léa, je peux parler de tout : y compris de mes doutes sur moi et de mes doutes sur nous. Léa, non seulement elle m'aide avec mes devoirs et croit en mes capacités scolaires, mais en plus elle croit en moi en tant qu'être humain. Quand j'en suis arrivé à la décision de la quitter à nouveau, c'est après avoir réalisé que le chemin sur lequel je m'engageais n'était pas celui qu'il me fallait, mais ça n'enlève rien au fait qu'elle est une personne formidable et que je l'apprécie énormément.

J'ai été trop occupé à m'en vouloir du passé et à tenter de rattraper de supposées erreurs. Léa était une fille très bien pour moi, mais je ne pouvais pas tomber amoureux d'elle car notre relation avait un goût de déjà vécu, d'amertume, de nostalgie, de rattrapage. J'en ai assez de m'en vouloir, et assez de vivre dans le passé. Je ne sais pas encore quel avenir je veux, mais je sais que j'aimerais qu'il ait un goût de futur et pas de passé.