2009 - Armando (16 ans)

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Jusqu'ici, j'étais plutôt un bon élève. Je n'ai jamais été le meilleur, et jamais vu l'intérêt de me donner du mal pour l'être, mais j'étais bon. Je n'avais jamais eu une note au dessous de la moyenne, probablement même jamais une note en dessous de douze. Dire que j'ai eu peur de louper mon brevet : c'était idiot, sachant que rien qu'avec le contrôle continu j'étais quasiment assuré de l'avoir. La difficulté, c'est maintenant qu'elle commence. Maintenant que je suis au lycée, c'est une autre paire de manches. Le niveau est nettement plus élevé, et les huit et les neuf commencent à s'empiler dans mes classeurs. J'ai beau me rassurer en me disant que les meilleurs, ceux qui avaient dix-huit au collège, ont maintenant rarement plus de quinze, je le vis plutôt mal. Je suis dans la moyenne, et ça ne me dérange pas en temps normal, mais en fait c'est particulièrement embêtant quand la moyenne est à neuf. Je me sens nul.

J'ai l'impression que tout au long de ma vie je me suis senti nul, ou en tout cas pas terrible. Mais pas à l'école, pas pour comprendre les choses. Je ne sais pas ce qui me fait le plus de mal, entre les notes ou le simple fait d'avoir à m'accrocher et travailler d'arrache pied pour arriver à piger quelque chose aux cours de maths et de physique. Est-ce que mes capacités sont en train de diminuer ? Je n'ai que seize ans pourtant, je pensais être encore à l'âge où l'intelligence ne fait qu'augmenter. Peut-être que c'est juste le lycée qui est particulièrement difficile (comme la chute de la moyenne semble en attester), mais quand même. Ça fiche un sacré coup au moral. Comme si ma confiance en moi déjà défaillante avait besoin de ça.

J'avais déjà peur des gens, peur de ne pas être dans le coup, peur de me ridiculiser, maintenant j'ai aussi peur des contrôles, des interros surprises, et de devoir passer au tableau pour corriger un exercice. J'arrive au lycée la boule au ventre, et j'attends le week-end avec impatience. Sauf que je ne peux même pas profiter du week-end en question, parce que je dois le passer à faire des exercices qui me rappellent à quel point je ne suis pas doué. Je ne sais même plus à quoi penser pour avoir un peu d'espoir. Je me dis que ce n'est que trois ans après tout, et que quand c'est fini on a enfin la chance d'étudier quelque chose que l'on a choisi, qui nous plaît, un sujet sur lequel on est vraiment curieux d'apprendre des choses. Je me dis que tout ira mieux alors, que les cours se chargeront enfin de plaisir. Et puis je me souviens que je n'ai pas la moindre idée du domaine que ça pourrait me plaire comme ça d'étudier. Mais, après tout, je ne suis qu'en seconde ; j'ai encore tout le temps de me poser ces questions et de trouver ma voie. Ou, en tout cas, ce serait le cas si j'avais du temps et de l'espace mental à consacrer à autre chose qu'aux cours, aux devoirs et aux révisions.

Le seul avantage de cette situation, c'est que je ne pense plus à Séréna. J'ai arrêté de m'en vouloir de l'échec de notre relation, tout simplement parce que je n'ai plus de temps pour m'en vouloir. Mon esprit est trop occupé à ressasser des démonstrations de mathématiques et des formules chimiques de molécules. Non seulement je n'ai plus le temps de ressasser, mais en plus je me dis que notre séparation est peut-être pour le mieux. Si on était toujours ensemble, je devrais faire des efforts pour entretenir notre relation malgré le fait que nous sommes dans deux lycées différents et que je croule sous les devoirs. Je m'en voudrais et je culpabiliserais de la délaisser, de ne pas avoir de temps à lui consacrer, puis on finirait quand même par rompre au bout du compte. Peut-être que les choses sont pour le mieux finalement. Et, qui sait, peut-être qu'un jour on retombera l'un sur l'autre et on tombera de nouveau amoureux ? Bon, d'accord, même si je n'ai plus le temps de culpabiliser, j'arrive encore à un trouver un peu pour rêvasser à ce genre de scénario. Mais, vraiment, j'arrive beaucoup mieux à relativiser maintenant. Et puis, l'exigence du lycée m'a permis de me prouver à moi-même que je ne suis pas qu'un paresseux et que je suis vraiment capable de fournir des efforts. Ou, tout du moins, que je suis capable de fournir des efforts quand on ne me laisse pas d'autre choix.

On ne naît pas âmes sœurs, on le devientWhere stories live. Discover now