2007 - Amandine (14 ans)

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Ce qui me fait beaucoup cogiter en ce moment, c'est une phrase de Thibault. Pas spécialement parce qu'elle est de lui, mais juste parce que je sens qu'il y a quelque chose de vrai dans cette phrase. Il a dit qu'en fait, si je n'ai pas confiance en moi c'est parce que j'ai trop confiance en moi. Ça peut sembler complètement idiot et absurde à première vue, mais en fait ça ne l'est pas du tout. Je suis effacée, timide, discrète, tétanisée par ce que les gens pourraient penser de moi, absolument pas à l'aise socialement : symptômes classiques du manque de confiance en soi. Mais, à vrai dire, quand je pense vraiment à mon estime de moi, j'ai presque autant d'arguments qui me font dire qu'elle est forte que d'arguments qui me font dire qu'elle est basse.

Premièrement, pourquoi, alors que je suis convaincue que je ne vaux rien aux yeux des autres, je tiens pourtant à tout prix à rester fidèle à moi-même ? En vrai, dès que je porte un jugement sur moi, quelque soit le critère en question, mon opinion varie du tout au tout si je me demande est-ce que c'est bien "selon les valeurs les plus communément répandues" ou "selon mes propres valeurs". Mon jugement est négatif quand je pense "aux yeux des autres", mais quand je ne pense qu'à mes propres yeux, il reste plutôt positif. En fait, je m'aime bien. Je me suis toujours aimée. Pourquoi je ne pourrais pas juste considérer que je n'ai pas à me juger selon d'autres critères que les miens ?

Au fond de moi, je suis convaincue qu'en matière de personnalité, il n'y a pas de bons et de mauvais traits (au moins si on exclut le domaine des traits ayant directement une implication morale). Et donc, partant de ce principe, je sais que suis une personne de valeur. Mais, malgré ça, je manque de confiance en moi ; surtout dans le domaine de la sociabilité. Parce que je suis bien consciente de ne pas être assez extravertie, pas assez flexible, pas assez adaptable, pas assez ouverte, et plein de choses du genre. Mais on ne peut pas réduire une personnalité à ça. Les gens qui ont ces qualités là ont d'autres défauts que moi je n'ai pas. Ils ont même des défauts découlant directement de leurs qualités. Je ne pense pas que l'on puisse raisonner en termes de qualités et de défauts. Dans chaque trait il y a du bon et du moins bon. Et le moins bon est tout aussi nécessaire que le bon, parce que quand tu mélanges tout les traits ça fait une personne unique et attachante.

D'un côté, il y a cette relativité là. Et de l'autre, il y a le désir de m'améliorer. Celui-là est un véritable paradoxe. La volonté de s'améliorer encore et toujours, au final ça repose sur une estime de soi un tant soi peu élevée, forcément. Parce que si je pensais n'être capable de rien, je ne pourrais pas être si exigeante envers moi-même. Mais, en même temps, la conséquence de ce désir de s'améliorer, c'est une estime de soi plus basse : je ne suis jamais satisfaite, toujours autocritique, je me sens toujours pas assez comparée à ce que je pourrais être. Et si je me jugeais sévèrement seulement parce que mes critères sont trop élevés ? N'a-t-on pas justement besoin d'une estime de sois élevée pour en arriver à s'imposer des critères de perfection pareils ?

En tout cas, que ce soit signe de haute estime de soi ou pas, je sais que je ne suis pas prétentieuse. Parce que l'autocritique, c'est tout le contraire de la prétention. Se croire intelligent c'est bête. Se croire supérieur aux autres c'est être inférieur (moralement). L'excès de confiance en soi n'est qu'un aveuglement qui empêche de voir ce que les autres peuvent avoir à apporter et ce que l'on peut encore avoir à apprendre d'eux et du monde au général. La volonté de m'améliorer, c'est ce qui me préservera toujours de tomber dans l'autosatisfaction. Je n'irais peut-être pas jusqu'à dire que je suis modeste. Mais au final, peut-être que je le suis quand même : selon ma propre définition de la modestie en tout cas. Je crois que la modestie, ce n'est pas avoir une faible estime de soi et ça n'empêche pas d'être objectif et de se reconnaître des qualités. Je crois que la modestie, c'est juste avoir une vision assez globale pour reconnaître qu'il y a du bon et du moins bon en soi, que même le bon vient avec un envers, et qu'il y a toujours de la place pour s'améliorer.

Et peut-être même qu'avoir une vision claire et complète de soi-même, c'est aussi la source de la confiance en soi. C'est tellement plus facile d'obtenir une vision claire en restant dans la simplification, et donc dans le mensonge ou l'illusion. Quant je m'introspecte et que je réalise l'extrême complexité de tout les traits et la relativité des jugements que l'on peut porter dessus, c'est une toute autre histoire. Mais ce n'est pas forcément impossible pour autant, si ? Plus je sais qui je suis, plus je peux avoir confiance et oser affirmer « Voilà : c'est moi, je suis comme ça ». Ça ne veut pas dire que je pense que tout le monde va m'aimer comme ça, mais juste que moi j'accepte d'être ainsi et que ça me plaît à moi qu'importe ce qu'ils en pensent.

Oui, je pense que c'est vers ça que je dois tendre. Mais j'en suis loin. Parce que pour l'instant, à part Thibault, il n'y a pas grand monde à qui j'ose dire « Voilà : c'est moi, je suis comme ça ». Peut-être justement parce que c'est Thibault et que j'ai pris l'habitude en primaire de me moquer de ce qu'il pensait, à l'époque où je n'avais juste aucune estime pour lui et ce qu'il pourrait penser. Maintenant j'ai vraiment de l'estime pour lui, mais il semble que j'aie réussi à garder cette habitude de ne pas être intimidée. Il faudrait juste que j'apprenne comment la transposer avec d'autres personnes. Mais c'est une chose de dire que l'avis des autres ne nous fera plus ni chaud ni froid, c'en est une autre totalement d'arriver à cesser de ressentir cette différence de température ou à cesser d'en être affectée.

J'aimerais vraiment pouvoir être un peu plus comme ça ; je crois que c'est mon axe d'amélioration prioritaire. Autant je trouve que ceux qui ont confiance en mode « Je pense que tout le monde m'adore, qu'y aurait-il à ne pas aimer ? » sont prétentieux et insupportables, autant ceux qui ont confiance en eux parce qu'ils ont des principes et une idée claire de qui ils veulent être, ne semblent pas prétentieux. Ils ne sembleront pas prétentieux à mes yeux en tout cas, même si aux yeux de certains ils le sembleront probablement. Mais je crois que je serais parfaitement à l'aise avec mon identité en faisant partie de ces personnes là. Alors au final le but c'est ça : trouver un équilibre, savoir ce que l'on est, ce que l'on veut, ce que l'on considère être important. Et pouvoir l'expliquer sans l'imposer, de façon respectueuse, avec compréhension du fait que les autres puissent voir les choses différemment de nous.

Est-ce que toute notre vie peut changer à cause d'une phrase entendue, d'une pensée développée ? Est-ce que notre personnalité peut s'en trouver transformée ? Parce que, plus je pense à toutes ces choses là, plus je me dis que la solution pour devenir véritablement confiante s'y trouve. Maintenant que j'ai réalisé qu'au final je m'estime, et même que je m'apprécie, je me dis que rien ne devrait plus me retenir de me sentir confiante et d'agir de façon confiante. Rien ne devrait plus me retenir d'avancer sans me trouver paralysée par la crainte du regard des autres et de leur jugement. Et pourtant, c'est toujours le cas.

On ne naît pas âmes sœurs, on le devientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant